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Pierrick Sorin

mis à jour le 22/11/2018


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Comment jouer à l'artiste ?

mots clés : exposer, projet, vidéo, commande publique, jeu, carmontelle




Dans le cadre d'une animation pédagogique qui s'est tenue le 22 octobre 2008 au lycée La Herdrie à Basse-Goulaine, les professeurs de lycée ont rencontré pendant deux heures Pierrick Sorin.
L'oeuvre et les propos tenus par l'artiste lors de cette rencontre (version complète en pdf au bas de cette fiche) peuvent permettre d'appréhender quelques enjeux des transparents de Carmontelle (question limitative enseignement facultatif 2019-2020).

Le dispositif d'exposition fait-il oeuvre ?
Comment et pourquoi exposer dans l'obscurité ?
Quels moyens plastiques pour raconter une histoire ?
 







" D'abord, je vous remercie de me remercier d'être là aujourd'hui. Il me semble que c'est normal que je réponde à cette invitation et je dois dire que je trouve cela plutôt bien que ce film Nantes : projets d'artistes puisse circuler dans les écoles. Même s'il circule avec une petite modification, une petite censure que j'ai acceptée assez volontiers parce que je ne suis pas pour donner des bâtons pour se faire battre : s'il faut juste cacher un peu un sexe pour que le film puisse passer dans les écoles, cela ne me choque pas plus que ça. Et puis, c'est valorisant pour moi de savoir que les élèves vont étudier ce film, et comme l'Education Nationale me rémunère des droits d'auteur pour cette diffusion, j'ai toutes les raisons, en dehors des raisons citoyennes, de collaborer.


 Genèse du projet
 
Je veux dire un mot de la genèse de ce film. S'agit-il d'un court métrage, d'un moyen métrage ? D'un point de vue technique, je crois qu'on appelle ça un moyen métrage quand cela dépasse 20 minutes... Qu'importe. Je l'ai fait dans ce format de 26 minutes parce que c'est un format classique des reportages ou documentaires à la télévision : 13, 26, 52 minutes...Et comme le film se présente comme une forme de reportage télévisuel, il fallait qu'il rentre dans les formats temporels de la télévision.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il s'agit d'une commande.
Ce film résulte donc d'une commande de la ville de Nantes, faite en 1999 ou 2000, avec un thème lié je crois à l'année Jules Verne : " les mondes inventés ". Cela m'a fait partir sur des projets d'œuvres fictionnelles, travailler sur l'idée de la ville réinventée à travers des interventions d'artistes fictifs. En fait, ce que l'on me demandait, c'était plutôt de réaliser une œuvre du type installation-vidéo ou quelque chose qui aurait pu trouver sa place dans un musée. J'avais eu précédemment une commande de la ville de Carcassonne et j'avais proposé à cette ville, qui est un lieu très touristique, de faire non pas une installation mais une cassette vidéo qui serait une sorte de faux projet, vendue dans les boutiques de souvenirs, et qui ferait croire qu'un certain nombre d'œuvres ont été réalisées dans la cité mais en fait ce serait totalement bidon, totalement fictif : les gens repartiraient avec cette cassette sans trop savoir si les projets qu'elle présente sont réels ou pas. Mais la ville de Carcassonne n'a pas été intéressée, ils voulaient vraiment une œuvre dans le château de la ville. J'ai donc ressorti mon idée pour Nantes quand m'a été faite cette proposition et là ils ont été tout de suite d'accord.
 
Un film d'artiste ?
 
Je me suis dit : je vais faire un film qui montre de faux projets et, au départ, je pensais faire intervenir des acteurs pour jouer le rôle des différents artistes, ce qui aurait été quelque peu différent de ma pratique d'autofilmage. Et puis, le temps passant, j'ai progressivement changé d'avis. Le budget n'était pas énorme ; trouver des acteurs c'est long et contraignant ; et moi je ne suis pas très à l'aise (je suis fils unique, historiquement) avec le fait de diriger les autres. Progressivement, je me suis dit que je pouvais faire les personnages moi-même Que le même individu fasse tout donne au film sa personnalité, son unité.
D'ailleurs, c'est peut-être ce qui fait basculer le film dans le champ de l'art : on n'est pas dans l'économie de production d'un film normal avec des équipes, des acteurs, etc., mais bien dans l'attitude, la posture de l'artiste ou de l'écrivain : quelqu'un qui fait quelque chose un peu seul et dont la pensée n'est pas du tout détournée par des interactions avec d'autres individus. De même, c'était un des premiers films que je faisais en utilisant les technologies numériques, que je ne maîtrisais pas, donc j'avais besoin également d'un monteur... Mais cela reste tout de même un film très individuel dans sa production et sa réalisation : l'écriture du scénario, le fait de jouer tous les rôles, le montage aussi (car c'est moi qui ai fait le montage, à part les effets spéciaux). En ce sens-là, il s'agit bien d'un film d'artiste et non de réalisateur.


Intention et sens de l'œuvre
 
Quant à savoir ce que j'ai voulu dire ou raconter avec ce film, c'est un peu ambigu. Ambigu, je crois, quand on le voit et ambigu aussi pour moi. J'ai souvent des idées de projets artistiques qui m'attirent mais que j'aurais tendance à ne pas réaliser parce que trop compliqués à faire, ou trop ringards, ou trop spectaculaires, pas assez conceptuels peut-être. J'avais aussi envie de me moquer gentiment d'un discours artistique et d'un discours journalistique qui sont souvent un peu convenu. Ma motivation était donc un mélange de tout cela : donner forme à des œuvres que j'avais peut-être envie de faire mais que je n'osais pas vraiment réaliser, me moquer gentiment aussi... Je ne sais pas exactement en fait...
 
 Technologies numériques

Le film a aussi été influencé par les évolutions technologiques de la vidéo. On ne fait jamais vraiment les choses totalement librement. On est dans une histoire qui passe par l'évolution scientifique et technique.. Ce sont des effets que j'aime bien d'ailleurs parce qu'on ne les voit pas trop : la preuve, c'est qu'il y a des gens qui croient réellement à la véracité des œuvres présentées dans ce film. Pour l'anecdote, des parisiens sont venus à Nantes et se sont plaints au syndicat d'initiative parce qu'ils n'avaient pas vu les œuvres dans la ville ! Le but initial au fond, c'était vraiment cela, même si cela a été un peu détourné parce que finalement le film n'a pas été proposé dans les syndicats d'initiative ou les boutiques et qu'il a été présenté comme une œuvre au musée des Beaux-Arts de Nantes.

Pour revenir aux effets, avec l'avènement du numérique, on peut réaliser ces effets avec des sommes presque ridicules. Pour autant, il y a bien, en amont, un travail d'écriture, un vrai discours : les effets ou les incrustations sont uniquement au service d'une idée narrative et d'un contenu.


 Mode de présentation du film
 
Comme je le disais, la projection au musée n'est pas forcément en accord avec l'idée du film, puisqu'il s'agit d'un (faux) reportage, d'une émission télévisuelle. Ainsi, le mode de présentation naturel serait plutôt l'écran de télé. La première fois où il a été montré, le film était projeté parce qu'il y avait 300 ou 400 personnes. Par la suite, il était présenté sur un grand écran dans la salle blanche, au musée.

Mais, au fond, il n'y a pas véritablement de problème : diffuser sur moniteur, projeter sur écran... Il n'y a pas du tout ici de notion d'installation. Effectivement, le plus juste pour le montrer, c'est sans doute sur un moniteur.

 

 









































L'original, la copie

La notion de " master " en vidéo, je ne sais plus trop ce qu'elle recouvre actuellement. Avant, les choses étaient claires : il y avait un premier montage sur une bande-vidéo analogique et il s'agissait ensuite, pour la multiplier, de copier cette bande.. Mais aujourd'hui la notion de copie n'existe plus puisqu'on part d'un fichier numérique qui est virtuel. Il existe chez moi un disque dur dans lequel se trouvent tous les fichiers : pour moi, ce serait cela l'" original ". Mais il n'est pas lisible tant que l'on ne l'a pas mis sur un logiciel qui va le décoder.


 La propriété de l'œuvre

Il y a eu un très très vague contrat avec la ville de Nantes... C'est ce qui fait à la fois le charme et les limites du monde de l'art : souvent, les contrats sont assez flous, les gens n'ont pas les services juridiques suffisamment pointus pour faire les contrats. Ainsi, pour Nantes : projets d'artistes, c'est la notion d'auteur qui prévaut puisque je n'ai jamais signé quoique ce soit qui stipule que le film appartienne à la ville. Le film m'appartient. Par contre, la ville a un certain nombre de copies - mille copies peut-être ... ? - qui sont à elles, qu'elle peut vendre sans rien me demander.


Les artistes de Nantes : projets d'artistes
 
Il n'y a pas sciemment l'idée de proposer une typologie précise de différentes pratiques artistiques contemporaines. On voit effectivement différents types d'artistes, mais cela est venu de manières assez intuitive. Au départ, j'avais une liste d'artistes un peu plus importante qui s'est réduite à sept pour différentes raisons.

Ainsi, la question du budget et du temps à consacrer rentrent en ligne de compte dans ce type de choix. J'essaie de donner un minimum de matière au gens, de pas faire un tout petit truc que l'on voit en deux secondes, mais il ne faut pas non plus que je m'embarque dans quelque chose de trop long.


 Un autoportrait ?
 
Parmi les sept artistes, celui que je préfère en fait, c'est Pierrik Sorin... Je le préfère parce que son projet est très cinématographique. Il se réfère à l'histoire du cinéma, aux premières animations de l'image. Et puis, il y a un petit peu de perversité (ce n'est pas par hasard que c'est celui-là qui a été - entre guillemets - censuré). Et les autres artistes, ce sont plutôt des autres moi-mêmes qui s'expriment moins, des Pierrick Sorin plus esthétisants...

Dans ce sens-là, on pourrait peut-être parler d'autoportrait...Même si c'est involontaire, puisqu'au départ, il n'y avait pas du tout cette idée-là, je voulais même faire jouer des gens.  Mais c'est vrai, on peut aussi voir ce film comme un autoportrait multi-facettes : il y a les références à la peinture, les dégoulinures, les hologrammes, le cinéma...


 Les différentes phases du travail
 
Etre devant la caméra n'est pas forcément le moment que je préfère... Dans la pratique artistique, ce qui m'intéresse, c'est plutôt l'amont et l'aval du projet. Le moment où on cherche l'idée - et où on la trouve de préférence... Et aussi la fin, comme le moment du montage parce que ce sont des phases où on est relativement détaché des contraintes techniques et des contraintes du réel, où il n'y a pas tout ce poids, même physique, de la caméra à porter par exemple.

Pour créer les personnages, c'est assez intuitif... Je détermine juste peut-être les vêtements, je me dis :" je vais lui mettre les cheveux comme ça ", puis une fois que j'ai les cheveux et les vêtements , le reste vient avec... Par contre, pour le texte, je travaille souvent de manière très écrite. Je fais le story-board avec tout le texte écrit à côté. Je me méfie beaucoup de l'imprévu, et des moments liés à l'affectivité. Je ne travaille pas de manière très émotive : il y a une émotion au départ, puis à partir de cela je construis une idée.


 Le bricolage

Ce n'est pas souhaité mais c'est assez inéluctable que le côté bricolage soit moins présent dans mon travail. Il y a une évolution des progrès techniques dont on se sert évidemment. Ce serait contre-nature de refuser toutes ces possibilités nouvelles. Même quand j'utilise les nouvelles technologies, j'essaie que cela ne fasse pas trop technologique ; Nantes : projets d'artistes ne ressemble quand même pas à une grosse superproduction avec images de synthèses, etc....

Il y a le risque aussi quand on travaille avec des plus gros budgets, pour des événements importants, des commandes un peu lourdes, de s'éloigner d'une certaine poésie, d'une certaine recherche... Mais en même temps, on ne peut pas passer toute sa vie à faire des petits films super 8 tout pourris... Parce qu'on s'ennuierait très rapidement..."


propos retranscrits par Thierry Froger
avec l'aide de Bernard Descourvières, Tangi Gicquel et Philippe Neau
(fiche actualisée en 2018)
 

information(s) pédagogique(s)

niveau :

type pédagogique :

public visé : enseignant

contexte d'usage :

référence aux programmes :

fichier joint

information(s) technique(s) : le texte intégral de l'intervention de Pierrick Sorin en pdf

documents complémentaires

Sorin, "Nantes : projets d'artistes" rencontre avec Pierrick Sorin Pierrick Sorin ci-dessus lien vers 3 autres fiches sur Pierrick Sorin

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