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étudier la Troisième République à partir d'un tableau (2)

mis à jour le 26/04/2013


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La suite de l'analyse du tableau Devant « le Rêve » de Paul Legrand, conservé au Musée des Beaux Arts de Nantes.

mots clés : République, 1870, presse, nationalisme, amitié franco-russe


I) Un micro-événement de la vie quotidienne

 
Des écoliers fascinés par une image patriotique

Depuis les lois Ferry de 1881 et 1882, tous les jeunes Français vont à l'école obligatoirement et gratuitement de six à treize ans. Les sept garçons du tableau correspondent donc à cette tranche d'âge qui fréquente l'école élémentaire.

Six d'entre eux appartiennent visiblement à des milieux populaires tandis que le deuxième garçon à partir de la droite porte des vêtements révélant une origine plus bourgeoise. Ici, l'intention du peintre a peut-être été de montrer que l'école de la République était un lieu de brassage social à l'instar de ce que se voulait le service militaire pour les jeunes hommes, surtout depuis la réforme de 1889.

Les écoliers admirent une gravure montrant des conscrits qui représentent le modèle à suivre. Ils forment la nouvelle génération qui fera à son tour son service militaire et aura probablement un jour à défendre la patrie. On ne peut s'empêcher de faire le calcul : les écoliers du tableau sont les futurs Poilus qui sacrifieront leurs vies dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.
Pourquoi leur attention est-elle particulièrement attirée par la gravure de Detaille ? Parce que c'est la plus grande image du kiosque et qu'elle est placée bien en évidence ? Parce que son sujet militaire exerce une fascination sur eux ? Il y a peut-être une autre explication : si elle les captive à ce point c'est qu'ils la connaissent déjà pour l'avoir vue dans un manuel ou bien sur le mur de leur classe, le sujet du Rêve (voir plus loin) ayant même pu servir de support à une leçon d'instruction civique dont ils se sont souvenus lorsqu'ils l'ont aperçu à nouveau sur le kiosque.

Par delà ces hypothèses, le tableau illustre la fascination qu'exercent les images à une époque où elles se multiplient grâce aux nouveaux procédés de reproduction et à l'essor de la presse illustrée, fascination que les pédagogues de l'école républicaine utilisent aussi pour inculquer l'idéal patriotique aux jeunes générations.
 
Une image de l'enfance

Placé en retrait, le garçon le plus jeune regarde placidement la gravure tout en mangeant son quatre heure. Il est revêtu de la pèlerine typique des écoliers de cette époque.



Une comparaison s'impose, ce petit écolier possède bien des ressemblances avec celui créé en 1897 par Firmin Bouisset pour la célèbre publicité du Petit Beurre de LU. On sait que Bouisset, en résidence chez les Lefèvre-Utile, avait croqué leur fils pour réaliser son petit écolier (Isabelle Jaffré, Ouest-France, 23 juin 2009). Y a-t-il une simple coïncidence de dates entre les deux images - le thème du petit écolier patriote était dans l'air du temps - ou bien Bouisset a-t-il pu être influencé par le tableau de Legrand acheté par la Ville de Nantes où se situaient les usines LU ?
Publicité pour le Petit beurre de Lu, Firmin Bouisset, 1897

Publicité pour le Petit beurre de Lu, Firmin Bouisset, 1897
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
 


Des rapprochements peuvent aussi être effectués avec un tableau de Marie Bashkirtseff (1860-1884), Le Meeting, présenté au Salon de 1884.
 
Comme le tableau de Legrand, Le Meeting met en scène un groupe de garçons scolarisés issus des classes populaires (les lois Ferry étaient très récentes quand Le Meeting fut exposé au Salon). Devant une palissade, des petits font cercle autour d'un plus grand qui leur montre un objet difficile à identifier, peut être une ardoise sur laquelle il écrit quelque chose (un mot d'ordre secret ?). A l'arrière plan à droite, une petite fille s'éloigne dans la ruelle. Le sujet du tableau est assez énigmatique. Son titre et l'attitude de semi conspirateurs des enfants ont été interprétés comme une allusion aux lois sur le droit de réunion (1881) et la liberté syndicale (1884) qui venaient d'être votées sous la présidence Grévy. Une lecture féministe* en a aussi été proposée : la petite fille qui s'en va à droite pouvant être interprétée comme le symbole de l'exclusion des femmes du monde masculin.
À quelques années de distance, Legrand, s'est peut-être souvenu du Meeting pour peindre Devant « Le Rêve ». Les deux tableaux ont en effet de nombreux points communs : ce sont des scènes de rue avec des écoliers d'âges différents, issus de milieux populaires, dont l'attention est concentrée sur un même objet (la gravure chez Legrand, un objet énigmatique chez Bashkirtseff). Les deux tableaux sont aussi très proches par leur tonalité bleue grise, la présence d'éléments comme les planches (le kiosque/la palissade) et certaines attitudes (celle d'un garçon tenant ses deux mains dans le dos).
Si elles sont très proches dans la forme, les deux œuvres diffèrent sur le fond. Les garçons de Legrand semblent mus par un élan patriotique, apparemment spontané mais qui est en réalité le produit de la propagande par l'image. Ceux du Meeting ne sont pas encore formatés par l'école républicaine et s'apparentent davantage au type traditionnel du gamin de Paris.

*Marie Bashkirtseff était une sorte de féministe avant la lettre dans sa volonté de se placer à égalité avec les hommes.
Marie Bashkirtseff, Le Meeting, 1884, Musée d'Orsay

Pour une analyse de l'œuvre , voir le site L'Histoire par l'image
 
auteur(s) :

Bruno Hérody, chargé de mission au Musée des Beaux-arts de Nantes

éditeur(s) :

Claudie Ferchaud

ressource(s) principale(s)

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