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troubles du spectre autistique

Voyage initiatique au pays de l'autisme. Témoignages. Ils ont lu « N'aie pas peur si je t'enlace »

La Croix mercredi 06 mars 2013

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Ces trois spécialistes de l'autisme ont lu le récit de voyage de Franco et Andrea. Tous en soulignent les qualités littéraires. Mais le regard porté sur la maladie suscite des réactions plus contrastées

Docteur Bernard Touati,
pédopsychiatre et psychanalyste au Centre Alfred-Binet (Paris 13e), membre d'un groupe de réflexion sur l'autisme« Une expérience humaine d'une grande force »

« Ce livre est une belle œuvre littéraire. Sur le plan médical, on retrouve chez Andrea des signes incontestables d'autisme, même si cette maladie s'exprime avec des degrés d'intensité et d'expression très variables. Ici, certains symptômes sont très envahissants: il a une grande difficulté à entrer en relation, a des particularités langagières, ne supporte pas les demi-mesures... Sa façon d'enlacer est très particulière et touchante, mais n'est pas un symptôme habituel. On peut penser que c'est une façon de contenir le débordement émotionnel suscité par la rencontre. Ce père a mené avec son fils de 18 ans une expérience humaine d'une grande force. Il y a là une initiation mutuelle qui montre aussi qu'on essaie d'imposer notre monde à l'autisme, alors que ces personnes ont aussi quelque chose à nous apprendre. Dans un village brésilien, à l'inverse de notre monde moderne, la population l'accueille, ce qui fait aussi réfléchir à notre société. Je ne dis pas que tous les pères d'enfants autistes doivent aller faire le tour du monde avec eux. Ce père a suivi son impulsion et décidé de ne pas être raisonnable. Je ne sais pas ce que je lui aurais répondu s'il m'avait demandé mon avis de médecin. Je l'aurais sans doute incité à la prudence mais je lui aurais peut-être dit : Foncez!

On lit aussi dans cet ouvrage combien les différents courants thérapeutiques s'affrontent sans pour autant détenir la vérité. Les causes de sa maladie sont évoquées. Son père semble penser qu'il s'agit d'effets secondaires du vaccin ROR. Des études sérieuses à ce sujet ont rejeté cette hypothèse. Mais un débat subsiste malgré tout. En matière de traitement, les parents d'Andrea ont essayé de nombreuses approches, en vain. En revanche, la technique de communication facilitée (utilisant le clavier de l'ordinateur), une méthode très critiquée en France, semble ici permettre de vrais échanges entre Andrea et ses parents. Il se dégage de cet ouvrage que c'est une erreur de dire que les autistes ne veulent pas communiquer. Leur besoin d'échange est grand, mais ils n'y parviennent pas. »

Danièle Langloys,
présidente de l'association Autisme France« Certains pays ont un rapport à la différence bien éloigné du nôtre »

« Je suis assez partagée. J'ai trouvé intéressante la partie road movie, l'aventure commune de ce père et de son fils. En général, on part à l'aventure avec des personnes avec qui on partage la même vision de la vie. Ici, l'un des deux ne connaît pas la notion d'aventure, et surtout ne supporte pas l'imprévu. Il est touchant de voir comment ce garçon apprivoise la réalité. C'est original et raconté avec humour. Il est aussi instructif de constater combien certains pays ont un rapport à la différence éloigné du nôtre, et où avoir un enfant différent est moins dérangeant pour la société. C'est le cas en Amérique latine, mais aussi aux États-Unis, où les enfants autistes, tels les enfants handicapés, sont tous scolarisés depuis 1975. C'est loin d'être le cas en France.

En revanche, il ne faut surtout pas lire ce livre en pensant qu'on va découvrir ce qu'est l'autisme. Le père s'est manifestement noyé dans d'innombrables thérapies plus ou moins farfelues et a tout essayé, ce qui ne sert à rien. Il y est question de la communication facilitée, alors qu'on sait que cette technique est une escroquerie. Faire dire à son enfant qu'il est un extraterrestre, je n'y crois pas une seule seconde. Dire aussi qu'il découvre le monde à travers les yeux de son enfant est totalement incongru. Un enfant autiste ne se plie pas à nos codes. Vivre avec lui est une expérience extraordinaire, mais difficile. »

Professeur Bernard Golse,
chef de service de pédopsychiatrie à l'hôpital Necker, auteur de Mon combat pour les enfants autistes, Éd. Odile Jacob« Il a du mal à ressentir que l'autre existe »

« Je comprends pourquoi ce livre a obtenu un succès très fort à sa sortie en Italie. Ce témoignage de parent est écrit dans un langage très sensoriel. Je ne le prends pas au pied de la lettre. Pour moi, il y a deux niveaux de lecture. C'est d'abord une métaphore d'un voyage initiatique, comme si le père et l'enfant ne faisaient qu'un. Il y a une dimension mythologique dans ce livre. On peut imaginer qu'Andrea est la partie autistique du père qui découvre durant quelques mois le monde avec ses splendeurs et ses richesses. Cette dimension m'a vraiment plu. L'autre niveau de lecture est bien sûr le témoignage concernant l'autisme - ou plutôt les autismes - qui rejoint tout ce qu'on découvre aujourd'hui. Andrea a une vision du monde qui passe par tous les canaux, mais ses sensations ont du mal à se synchroniser. C'est ce qu'on appelle le démantèlement sensoriel. Il n'est plus dans sa bulle autistique comme un petit enfant de 2 ans. Il découvre le monde, il découvre les autres et il a du mal à ressentir que l'autre existe et est différent de lui. Comme il le perçoit comme une menace, il l'aborde par la partie douce: le ventre. C'est très intéressant et bien vu. »

  AUFFRET-PERICONE Marie 
 

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