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troubles sensoriels et moteurs

À la ferme, Laurent et Magali ont défié leur surdité

Ouest-France 08 avril 2013

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Leur différence ne les a pas empêchés de réussir. Laurent et Magali Guérin sont sourds. Ils sont agriculteurs, à Plénée-Jugon, village des Côtes-d’Armor. Au milieu de leurs vaches et au rythme des SMS, ils ont cultivé un quotidien pas comme les autres.

Depuis leur naissance, Laurent et Magali Guérin, 40 ans, sont sourds. Une différence qui les a poussés à se battre. Aujourd'hui, agriculteurs et parents de deux fillettes entendantes, ils gèrent leur exploitation avec « débrouillardise ».

Depuis leur naissance, Laurent et Magali Guérin, 40 ans, sont sourds. Une différence qui les a poussés à se battre. Aujourd'hui, agriculteurs et parents de deux fillettes entendantes, ils gèrent leur exploitation avec « débrouillardise ».

Photo : Marc Ollivier/Ouest-France

Une vocation pour lui. Une pirouette du destin pour elle. Laurent et Magali Guérin, installés dans la campagne costarmoricaine, à Plénée-Jugon, sont les laboureurs d'une belle exploitation agricole : une centaine d'hectares, 80 vaches laitières, 100 génisses, des veaux...

Pas un bruit hormis le TGV qui, tout près, file comme l'éclair vers Saint-Brieuc. Un décor que le couple de quadras a silencieusement planté au fil des années. « J'ai toujours voulu être agriculteur. Je ne pourrais jamais changer de métier, confie Laurent, agriculteur de la quatrième génération. Depuis que j'ai 3 ans, je suis appareillé à l'oreille. Sans appareil, je ne comprendrais rien. »

Une surdité moins sévère que celle de sa femme Magali. Sa langue « maternelle » est celle des signes. Laurent, d'un regard attendri, traduit son histoire : « J'ai travaillé pendant quinze ans dans l'agroalimentaire. J'ai cassé les cuisses de volaille dans un abattoir, préparé des pâtisseries surgelées... »

Les bras fatigués, des douleurs cervicales, Magali, diplômée d'un CAP cuisine, en a « marre » d'être enfermée à la chaîne. De l'air. De la liberté. « La nature, c'est beau ! »

En 2007, la fille de paysans, volontaire et attachée à la terre, rejoint son mari et ses beaux-parents. « Un voisin vendait une ferme. On a saisi l'opportunité. » L'exploitation s'agrandit et s'étale désormais sur trois villages.

À l'aube, Laurent quitte la longère rénovée. Il va à la salle de traite. « Deux heures matin et soir. » Son ombre se perd à travers le troupeau. Il caresse ses vaches. Le geste est empreint d'une infinie délicatesse, est doux. Il les présente. Il y a Danseuse, Éclair...

Il connaît toutes ses amies par leur nom. « Les vaches aiment les sourds. On est plus calmes que les entendants, qui crient... » Son portable au creux de la main, il lit un SMS. « C'est plus facile pour communiquer. »

Les SMS du vétérinaire, de l'inséminateur, de l'échographe, du technicien agricole... Ces petits messages rythment les grandes journées de Laurent et Magali. Un lien vers l'extérieur. Ils échangent entre eux mais aussi avec leur salarié, Anthony Samson. « Quand on ne se comprend pas, on s'envoie des textos. Au début, j'appréhendais la communication, ne cache pas l'employé de 21 ans. Mais ils m'ont mis à l'aise. Leur différence n'est pas un handicap. » Anthony s'est adapté.

« On s'envoie des textos »

Comme les professeurs de l'école où sont scolarisés les deux enfants du couple, Élodie, 7 ans, et Julie, 3 ans, qui entendent tous les secrets. « On a installé un fax dans l'établissement pour échanger avec les parents », confie d'un ton admiratif le maire Gérard Le Cam, qui « croise souvent Laurent sur son tracteur ». Lovées dans le canapé, les fillettes sont scotchées devant un dessin animé. À peine taquinées par les chats de la maison, Coquin et Blanco.

« On mime beaucoup avec les filles. Quand elles étaient plus petites, on se servait du babyphone. Mais elles ne nous ont jamais fait de grosses crises de pleurs. Pour tout comprendre, je demande aux gens d'articuler lentement », décrit avec les mains une Magali épanouie, en partie grâce aux nouvelles technologies.

Enfants, Laurent et elle n'ont pas connu, dans leurs écoles spécialisées, le sous-titrage à la télé, les téléphones avec les écrans où on peut se voir et surtout les e-mails et Internet. Une révolution. « Je suis en direct les cours du blé, du maïs, du soja... », poursuit Laurent, toujours prêt à aider ses voisins. Et vice-versa. « Dans notre génération, il y a de l'entraide, de la solidarité. »

La surdité n'a pas ralenti la vie de Laurent et Magali, amoureux depuis leur rencontre, il y a dix-sept ans. Elle les a rendus plus forts. Plus combatifs. Plus « débrouillards. On a une petite différence mais on travaille comme tout le monde. Il n'y a pas de place pour les rêveurs ! »

Une vérité et un quotidien ordinaires qu'ils feront partager à l'écran, dans l'émission L'oeil et la main, en langue des signes. « Ils sont aussi autonomes qu'un couple d'entendants, complètement insérés », confirme le réalisateur Pierre-Louis Levacher, qui a passé cinq jours à leurs côtés.

« On ne pensait pas en arriver là un jour... », avouent sincèrement mari et femme. Derrière eux, le bonheur rayonnant d'une photo de mariage. À l'horizon, les sillons d'un avenir prometteur à labourer.

Soizic QUÉRO

 

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