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l'Afrique face aux défis du changement, conférence d'Alain Dubresson, FIG 2017

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Conférence inaugurale du FIG de Saint-Dié-des-Vosges (2017)

Alain Dubresson, professeur émérite à l'Université Paris X Nanterre, a dirigé la revue Politique Africaine et présidé le Comité National Français de Géographie de 2008 à 2012. Il inaugure le Festival International de Géographie de St Dié-des-Vosges par une conférence sur dynamiques contraires qui marquent aujourd'hui l'Afrique.


source : Géoconfluences

Entre l’afro-optimisme et l’afro-pessimiste, Alain Dubresson dresse un état des lieux de l’ « émergence » africaine et de processus à la fois contraires et concomitants de du développement en/de  l’Afrique.

Quelques constats en introduction :
- A l’échelle du continent, le cycle de croissance (5% de 2011 à 2014, mais les chiffres sont contestés) est aujourd’hui essoufflé. En 2016, la croissance du PIB a été inférieure à celle de la population. L’année 2017 voit quelques améliorations de la croissance mais avec une poussée démographique vive..
- Les transformations structurelles des bases productives sont timides ; la pauvreté reste prégnante et les difficultés à sortir de la dépendance sont grandes.
- Il existe des dynamiques dans la mondialisation ; c’est le cas du Maroc, par exemple ; mais ce cas s’oppose à ceux des Etats faillants comme la Libye.
- On peut distinguer la mondialisation visible de la mondialisation invisible. Les flux financiers des migrants vers leurs Etats d’origine sont importants et appartiennent à cette mondialisation visible. Parallèlement à ces flux accrus, on constate une montée en puissance des économies criminelles (liées par exemple au narcotrafic).
- On constante, enfin, de rapides mutations sociales parallèlement à l’urbanisation.

 Plan de la conférence inaugurale :

1.       Quatre tendances favorables au développement.

2.       Quatre tendances favorables au mal développement.

  
Première partie : quatre tendances favorables au développement

1. 2000-2014, un cycle de forte croissance économique

Durant cette période, le continent africain connait une croissance de 5% par an, c'est-à-dire supérieure à la moyenne mondiale. Trois facteurs expliquent cette croissance :
-  Le cours des matières premières à la hausse a bénéficié aux exportations d’hydrocarbures, minières (or, aluminium) et agricoles (cacao, café, coton)
- Les flux financiers se sont accrus : il s’agit des IDE et des apports financiers des migrants. L’Afrique a bénéficié de partenariats avec l’Asie et notamment la Chine. Les apports financiers des migrants sont supérieurs à la somme des IDE et de l’aide publique.
La consommation intérieure a progressé ; cette augmentation est liée à la croissance démographique.

Cette croissance économique s’est traduite dans de grands projets d’infrastructures, de transports : mise en  œuvre du programme PIDA (programme de développement des infrastructures en Afrique). De grands investissements ont été réalisés. Ainsi, le premier tronçon LGV de Tanger à Kénitra est en cours d’achèvement. ; une ligne moderne (financée par un consortium chinois) a été inauguré entre Djibouti et Addis-Abeba, à terme cette ligne reliera le Kenya à Djibouti. Le port de Djibouti s’est d’ailleurs doté d’infrastructures modernes : le port polyvalent de Doraleh a été officiellement inauguré en mai 2017.

L’Afrique connait également une véritable révolution numérique. Elle est de plus en plus connectée au monde ; le nombre de câbles comme celui des utilisateurs à fortement augmenté. L’Afrique est « championne du monde » du paiement mobile. Ces innovations sont portées par des start-up africaines.

La croissance économique soutenue a également profité au tourisme et à l’agriculture (qui voir une augmentation des productions).

On parle aujourd'hui des lions africains : Egypte, Algérie, Maroc, Angola, Nigéria et Afrique du Sud.

Toutefois, cet essor est à relativiser et le poids du PIB africain au regard du PIB mondial reste très faible.

Planisphère par anamorphose de la part des pays dans le PIB mondial, source : Banque mondiale

2. Des progrès institutionels

 Alain Dubresson rappelle que le « non-économique » et la clé du changement et affirme  le rôle fondamental des instituions. Il évoque la « décompression autoritaire » et les transitions démocratiques sous la pression combinée des bailleurs de fonds et de la contestation sociale. L’Etat à parti unique ne domine plus et les régimes autocratiques sont en recul. Le multipartisme et les élections ouvertes tendent à progresser. Par ailleurs, des Etats adoptent des fonctionnements de type fédéral, c’est le cas du Nigéria, de l’Ethiopie ou de l’Afrique du Sud. Cela conduit à l’existence de nouveaux espaces d’expression politiques, à la multiplication des acteurs et de manière corolaire à la multiplication des revendications.

Se développent également des ambitions panafricaines et les organisations régionales sont multiples. Toutefois les échanges intracontinentaux ne représentent que 16% du total des échanges.

 3. La question démographique

Depuis 1950, l’Afrique connait une poussée démographique. En 1950, avec 230 millions d’habitants, l’Afrique représentait 7% de la population mondiale. En 2015, avec 1.2 milliard d’habitants, elle représente 15% de la population mondiale. En 2050, on estime qu’elle représentera 25% de la population mondiale (avec 2.5 milliards d’habitants) et 28 à 40% de la population mondiale en 2100 (de 3.4 à 4.4 milliards d’habitants) soit 7 fois plus que l’Europe, 9 fois plus que l’Amérique du nord.

L’Afrique compterait en 2050 des géants démographiques : Nigéria, RDA et Ethiopie entreraient ans le top 10 des Etats les plus peuplés.

L’Afrique vit aujourd’hui les conséquences du boom démographique : l’augmentation des densités, la pression sur les ressources dans un contexte de changement global. 41% des africains ont moins de 15 ans, ce qui est une situation unique au monde. Que peut attendre l’Afrique du dividende démographique qui s’annonce : le nombre de personnes à charge va devenir inférieur au nombre d’actifs. Ce dividende démographique constituera-t-il une fenêtre de développement ?

4. De grandes mutations urbaines

Entre 1950 et 2015, la population totale a été multipliée par deux. Sur la même période, la population urbaine a été multipliée par 14.3 !

En 2015, l’Afrique compte 472 millions de citadins soit 40% de sa population totale. En 2030, elle devrait comptait 745 millions de citadins soit 18% de la population totale et en 2050, 1.3 million soit 52 à 56% de la population totale.

Cette augmentation de la population urbaine conduit à deux phénomènes : la métropolisation mais également la multiplication de villes petites et moyennes. On constate une densification par le bas du maillage urbain.

Partout l’urbanisation est un vecteur de transformations culturelles. La ville est le lieu du brassage culturel. Une couche moyenne urbaine africaine se développe. Sa consommation soutient le développement africain. Cette classe moyenne urbaine émergente est gourmande d’innovations technologiques et également porteuse de changements politiques.

Cependant, les relations entre citadins et ruraux demeurent étroites. L’économie est imbriquée entre le monde rural et le monde urbain, les limites entre rural et urbain s’estompent. Les ménages ruraux ont des revenus de sources de plus en plus diversifiées et l’achat monétaire est dominant pour l’alimentation y compris à la campagne.

Deuxième partie : quatre tendances inverses favorables au mal développement

1. La résilience des économies primaires

Les économies africaines reposent encore largement sur les matières premières : hydrocarbures, mines, agriculture. Peu d’Etats africains ont des économies diversifiées (cas du Maroc, de l’Afrique du Sud, de l’Egypte).

Le sous développement africain constitue un obstacle à l’industrialisation. L’Afrique fait face à déficit très important en matière de production électrique. Dans l’Afrique subsaharienne, plus de 75% de la population vit sans électricité. La consommation électrique moyenne annuelle d’un africain correspond au fonctionnement d’une ampoule 75 watt durant une année ! Dans ces conditions, un saut technologique est-il envisageable ? La transition vers une économie numérique suppose des investissements dans l’équipement (réseaux, infrastructures et maintenance).

De plus, l’Afrique fait face à un accaparement des terres, « land grabbing » et redevient un continent convoité.

Enfin, les narcotrafics et l’économie criminelle (trafic d’animaux, d’humains) ont fait de l’Afrique une plaque tournante. Le trafic de drogue est un des enjeux des conflits actuels du Sahara.

2. La résilience de la pauvreté de masse

L’Afrique est le continent de la pauvreté de masse. Le taux d’extrême pauvreté baisse, mais c’est le recul le plus long du monde. De plus, si ce taux baisse en pourcentage, il augmente en valeur absolue. Ainsi l’Afrique comptait 436 millions d’individus vivant sous le seuil d’extrême pauvreté en 2013, elle en comptait 291 millions en 1990. La part de l’Afrique subsaharienne dans la pauvreté mondiale est passée de 15% en 1990 à 34% en 2010. Par ailleurs, les inégalités s’accroissent. L’Afrique est au 2eme rang mondial des inégalités (derrière l’Amérique latine).

 La situation alimentaire est précaire, les progrès sanitaires sont réels mais incertains. L’espérance de vie est passée de 42 ans en 1990 à 56 ans aujourd’hui. Toutefois, l’Afrique doit faire face aux pandémies que sont le sida et le paludisme. La mortalité infantile africaine reste la plus élevée au monde.

Selon le PNUD, il faudrait 7% de croissance économique par an pour faire reculer la pauvreté en Afrique.

3. La résilience de la figure de l'Etat autoritaire

La « décompression autoritaire » demeure contrastée. Des autocraties se maintiennent comme au Zimbabwe, l’Ethiopie est une dictature, la Somalie la Libye et la RDA sont des Etats faillants. Alain Dubresson évoque également le concept de « cléptocratie » et de « politique du ventre ».

La guerre reste un exercice légitime du pouvoir ; elle est toujours considérée commune une arme légitime pour contrôler les ressources naturelles. On constate une multiplication de conflits armés qui se sont ethnicisés. Sur les 10 premiers Etats dont sont originaires les réfugiés, quatre sont africains. L’Afrique compte aussi 3 des 10 premiers Etats d’accueil des réfugiés selon le HCR.

Aujourd’hui l’Afrique fait face à une augmentation du terrorisme : Shabab, Boko Haram, AQMI. Le Sahara est un désert à haute insécurité.


4. Des inégalités spatiales à toutes les échelles


Les premiers bénéficiaires de la croissance sont les lions africains. D’autres états ont connu des croissances très fortes : Ethiopie ou Rwanda, mais ils partaient de très bas…

Alain Dubresson évoque le risque d’archipélisation des Etats africains et des inégalités multiples et à toutes les échelles : entre Etats, entre centre et périphéries, entre les villes ou les quartiers.

Conclusion :

Alain Dubresson conclue sur l’ambivalence du continent africain en relevant deux publications qui s’appuient sur deux visions opposées de l’avenir africain :

Entreprenante Afrique, de Jean Michel Sévérino et Jeremy Hadjdenberg,  Odile Jacob, septembre 2016 /

Africanistan, de Serge Michailof, Fayard, octobre 2015

 

Bibliographie :

Collectif et Jean-Robert Pitte, Atlas de l’Afrique, éditions du jaguar, avril 2015

Aurélie Boissière et Gérard Maugrin, Atlas de l’Afrique, un contient émergent ?, éditions Autrement, octobre 2016.

Franck Tétard, Le grand atlas 2017, éditions Autrement, septembre 2016.

Carto n°12 Afrique du sud, l’émergence post-Apartheid, juillet aout 2012.

 Elodie Soubise, webmestre associée

 
 

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