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Apprendre et enseigner l’intelligence des langues

À l’école de Babel, tous polyglottes

Apprendre et enseigner l’intelligence des langues
Cordesse (Joëlle), éditions Chronique sociale - pédagogie/Formation, Lyon, 2009, 192 p.

Disons-le d'emblée, ce livre est décapant et vivifiant. Il remet en cause bien des a priori concernant l'apprentissage des langues en transformant radicalement le regard porté sur l'étrangeté de la langue. Il offre un programme d'une grande hardiesse, note l'auteure de la préface, qui semble parfois douter de sa faisabilité tout en ne demandant qu'à croire à l'efficacité de cette méthode vivante. Nous sommes tous des polyglottes contrariés affirme (et démontre) tranquillement cet ouvrage dont le sous-titre est à cet égard révélateur.
Les principes qui fondent la démarche de Joëlle Cordesse s'appuient sur une solide formation aussi bien que sur une pratique de terrain variée. Professeure d'anglais, membre du GFEN (Groupe français d'éducation nouvelle), l'auteure développe une réflexion d'une grande cohérence, qui se réfère entre autres à la philosophie de Pierce. Mais la didactique s'appuie constamment, et c'est ce qui fait l'intérêt de son livre, sur des situations pédagogiques concrètes, mises en place avec des publics variés : classes de secondaire, de tous niveaux, de tous âges et de différents lieux, [...] jeunes, adultes, professionnels ou non de l'éducation.
La démarche a ceci de très stimulant qu'elle se fonde sur une confiance en les capacités de celui qui apprend. Tous nos élèves sont des êtres de langage, capables de s'appuyer sur ce qu'ils savent déjà, pour ne s'intéresser qu'à l'insolite et à l'étrange de la langue qu'ils découvrent. Ici se situe le deuxième aspect particulièrement motivant puisqu'il s'agit de mettre en marche le plaisir d'apprendre. L'apprentissage se fait enquête, exploration, confrontation d'hypothèses pour mettre en œuvre une logique de la débrouillardise. La notion de groupe est capitale dans cette découverte nécessairement collective où le conflit sociocognitif est authentique et formateur. L'enseignant n'est plus celui qui sait, il se fait maître ignorant. On passe alors pour l'apprenant d'une logique abrutissante vers une logique émancipatrice. Cette approche sollicite enfin l'être dans toute sa globalité. Si l'école n'aime pas les émotions, la démarche proposée dans cet ouvrage laisse toute sa place au corps, à l'affect, aux sens... car la langue est avant tout une réalité physique.
On est souvent confondu par le bon sens et le pragmatisme d'une démarche constamment explicitée par les fondements théoriques qui la justifient. Les exemples sont nombreux, qui montrent comment l'être construit du sens face à ce qui semble ne pas en avoir. Les langues qui servent de supports sont nombreuses car il s'agit de s'abstraire du cadre des langues particulières pour accéder à la logique du langage. Et pour s'en abstraire, il faut d'abord s'y immerger. Que savons-nous quand nous ne savons rien ?, interroge l'auteure. Beaucoup de choses révèlent les activités proposées : identifier des langues étrangères en les écoutant, parler une langue qu'on ne connaît pas, à la manière du yaourt, ou le français avec un accent étranger, lire un texte en polonais et en proposer une traduction... Quand tout le monde est d'accord, on peut donner lecture de la traduction officielle, et c'est saisissant.
Tout est fait pour accompagner intelligemment la lecture. L'organisation, les documents annexes, la mise en pages et la typographie font de cet ouvrage un outil d'une clarté très pédagogique. L'analyse est relancée par des questions, celles que se pose le lecteur néophyte, qui problématisent et guident la progression d'une réflexion qui, sinon, pourrait apparaître complexe aux non-spécialistes. Les consignes des activités sont soigneusement explicitées. Une synthèse récapitule les éléments clefs des différents chapitres dans des tableaux en fin d'ouvrage, qui reprennent les différents aspects dégagés : nouveaux concepts, travail de l'animateur, expérience des participants, contenus théoriques.
Philippe Meirieu, qui signe la postface, conclut en notant que Joëlle Cordesse nous offre le vrai moyen d'apprendre à parler des langues vivantes... alors que nous continuons, trop souvent, à les enseigner comme des langues mortes. Ou pire encore : comme des langues enterrées vivantes !
Vaste et beau programme !

D. Grégoire
 

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