innovation pédagogique

Au cours de quelques réunions, entre midi et deux, au CDI, le professeur de français, d'histoire-géographie et la documentaliste ont inventé un numéro exceptionnel de journal, ou plutôt, une Une qui présente un ensemble de titres, de photos et annonce sous forme de "chapeaux" des articles qui seraient développés à l'intérieur de l'édition. Le point commun de tous ces articles est bien entendu l'écriture égyptienne. Le jour prévu, les élèves sont conduits au CDI par les deux enseignants et on leur annonce, sans précision, qu'on va leur remettre un document qu'ils doivent simplement lire. Mais ils doivent rester silencieux jusqu'à la fin de la lecture et ne doivent absolument faire aucun commentaire avant que tous n'aient terminé. Des sourcils se froncent, des sourires naissent, des têtes se lèvent avec un regard interrogateur vers les enseignants, ou se tournent vers des camarades... La lecture est suivie d'un échange. "Pourquoi les professeurs vous ont-ils donné ce document ? Que pensez-vous avoir à faire ?" Les réactions sont très diverses, certains protestent car c'est un "faux journal", d'autres se piquent au jeu et se prennent déjà pour des journalistes... ou pour des enquêteurs professionnels qui veulent se lancer dans une enquête policière pour dénoncer les imposteurs, surtout celui qui ressemble au prof ! Et puis il y a enfin ceux qui avaient tout lu sans trop comprendre, qui réalisent peu à peu et se penchent de nouveau sur une photo ou un article, enfin sortis de leur passivité de lecture scolaire. Ils reconnaissent leurs noms dans les journalistes cités, "l'égyptologue", sur une photo, ressemble étonnamment, en effet, à un de leurs professeurs ! Ils comprennent peu à peu que les articles auxquels cette Une renvoie, ils vont devoir en fait les rédiger, et pour ce faire, résoudre l'énigme posée (voir annexe).

Les élèves se mettent en groupes autour des tables, selon les noms indiqués dans chacun des débuts d'articles du journal. On distribue alors à chacun des groupes une lettre de mission "officielle" qui informe de la durée de la mission, date de début et date de fin, l'énigme à élucider. Le questionnement est développé, la démarche de travail et le mode de restitution sont précisés (voir annexe). Les collégiens découvrent qu'il ne s'agit pas d'une simple lettre, mais de véritables consignes de travail à conserver. Au cours des séances suivantes au CDI, les élèves effectuent les recherches mettant en œuvre les apprentissages effectués lors des séances d'initiation. Dans quels documents chercher ? Les manuels ? Certains n'y avaient même pas pensé. Dans le dictionnaire ? Lequel ? Au CDI, il y en a toute une étagère ! Dans quel livre ? Alors internet ? Cela semble plus simple, mais quelle galère ! Comment choisir devant tant de propositions ? On a besoin d'aide et parfois aussi d'encouragements ! Interdit de photocopier un texte, difficile de tout recopier, il faut aussi choisir parmi les documents car l'espace de restitution est limité: choisir l'iconographie - on n'a droit qu'à deux images ! On se répartit les recherches dans le groupe, on discute de ce qu'on garde, on n'oublie pas qu'il est prévu de présenter le travail à un "public". Il faut donc être clair et compréhensible.

Les séances de recherche se poursuivent au CDI, puis vient le temps d'écriture en classe et de composition des panneaux. Chacun passe par l'exercice de calligraphie obligatoire avec les stylos du professeur. Ce sont ceux qui ont l'écriture la plus difficile qui ont pour tâche d'écrire à la main le petit texte exigé. Les élèves s'entraînent en groupes à présenter le travail oralement, avec leur panneau pour support. Ils savent maintenant qu'ils feront leur exposé devant les parents lors de la rencontre de fin de trimestre, alors ils ne se font pas prier et veulent s'entraîner plutôt deux fois qu'une ! Ce soir-là, toutes les familles sont là. Quelques élèves commencent par distribuer, à la criée, le journal qui a été le point de départ de leur travail. Puis chaque groupe expose le résultat de ses recherches en tenant compte des remarques effectuées lors des répétitions en classe : regarder vers le public, éviter de lire les notes, répondre aux questions. Les exposés sont suivis de la mise en scène d'un conte égyptien travaillé en français et en théâtre. Les élèves, un peu intimidés ou excités, n'hésitent pas et sont même fiers d'exposer leur travail devant un tel public. Les parents apprécient aussi de voir leurs enfants en situation de travail et heureux de communiquer. Les réunions de parents offrent rarement de telles situations.

D'autres projets interdisciplinaires ont été développés au cours des autres trimestres autour de L'Odyssée. Les élèves ont joué la scène du Cyclope et ont mis en scène l'histoire d'Ulysse en anglais. Le soir de la course d'orientation, au troisième trimestre, les parents ont retrouvé les élèves dans un gîte. Le travail sur l'Égypte avait laissé des traces, si l'on en juge par le petit cadeau fait aux enseignants, une bouteille de "Côteaux du Sinaï, domaine Néfertiti" ! Il n'y a pas eu que les élèves qui se sont pris au jeu !