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construir castillos en España

mis à jour le 02/07/2010


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Comment permettre à chaque lycéen de vraiment pratiquer une langue vivante étrangère sans sortir de son lycée ? Un stage linguistique pendant les vacances permet une immersion dans la culture à travers la pratique intensive de la langue orale. C'est ainsi que neuf Sarthois ont pu faire un tour en Espagne...

mots clés : apprentissage des langues, stage linguistique, langues vivantes, langues étrangères, espagnol oral


L'incitation à proposer des stages linguistiques est apparue à Purification Vins, professeure d'espagnol au lycée, comme une opportunité : elle allait pouvoir expérimenter de nouvelles techniques testées en classe avec un petit groupe d'élèves volontaires. C'est ainsi qu'après avoir proposé au proviseur son projet de stage pour les vacances de février, elle a mis à profit le congé de Noël pour organiser ses cinq matinées de trois heures, de manière à ce qu'elles soient à la fois attrayantes et efficaces. Le premier objectif est en effet d'obtenir l'adhésion et la participation de tous les stagiaires. Il faut profiter de ce temps pour faire vraiment vivre la langue au maximum, tout en assurant, en consolidant des apprentissages. Des dialogues, des échanges, oui, bien sûr, un climat détendu, mais pas une conversation à bâtons rompus, loin de là. Son choix s'est porté sur une organisation autour de cinq grands thèmes, proches des élèves, un par matinée. Toutes les activités d'une demi-journée s'organisent donc autour d'une même idée : "Problemas" (problèmes de la vie quotidienne), "Nos vamos de viage" (nous partons en voyage), "El noticiaro de la clase" (le journal de la classe), "La vida es puro teatro" et "El turista" accidental (les ennuis du touriste). Chaque séance, construite selon le même schéma, déroule sa progression vers une production théâtrale qui clôt la matinée : une saynète, un sketch, où chaque élève tient un rôle. Ce stage doit être, pour des jeunes qui ne peuvent aller en Espagne, une occasion de s'immerger pendant une semaine dans la langue et la culture espagnoles, avec une professeure d'espagnol... qui est espagnole.

Petit groupe, grande activité

Neuf élèves se sont inscrits au stage. Une petite déception pour Madame Vins qui, après avoir présenté son projet dans les classes d'espagnol du lycée, aurait aimé avoir plus de candidats. Mais, dès qu'elle a retrouvé le groupe et mis en place les premières activités, elle s'est rendu compte qu'en fait, neuf ou dix, c'est un nombre optimal. D'autant que, si les trois élèves de première S sont très bons en espagnol, la plupart des six élèves de terminale STG (science et technologies de la gestion) sont faibles et ne participent jamais en classe... Ce groupe restreint a permis d'instaurer dès le début un climat de confiance qui a favorisé les prises de parole, l'investissement dans les activités de chacun des élèves. La convivialité s'est aussi tout de suite installée. Pour la pause du matin, le premier jour, Madame Vins a apporté brioche et jus d'orange; tout le monde a ainsi partagé un moment de détente chaleureux. Les autres jours, ce sont les élèves qui ont spontanément offert petits gâteaux et boissons pour cet en-cas, bienvenu dans une matinée dense. Pour le stage lui-même, l'enseignante avait préparé un grand nombre de documents destinés à sécuriser les élèves. Ce matériau, ces outils, permettent à chacun, quel que soit son niveau, de construire un oral sur chaque thème. Ainsi, chaque jour, à l'arrivée, chaque stagiaire reçoit un dossier (qu'il conservera), tout en espagnol, bien sûr : le thème du jour, une rapide présentation du déroulement de la matinée et une fiche-ressource rappelant quelques structures (quatre à six par jour, pas plus) qu'ils vont être amenés à utiliser. La consultation de cette fiche et un rapide rappel de quelques points grammaticaux, eux aussi consultables sur la fiche, occupent les cinq premières minutes. Le dossier offre aussi du lexique sur le thème, et d'autres outils, des connecteurs logiques, par exemple. Il s'agit donc d'une sorte de réserve bien approvisionnée, mise à disposition, où chacun va pouvoir puiser selon ses besoins.

Tengo un problema

Le premier jour, ce sont des petits problèmes de la vie quotidienne des adolescents qui vont être explorés. Chaque jeune a, dans une liste proposée, choisi un "problème" qu'il est censé avoir pu rencontrer : je suis "addict" au chocolat, je ne peux me passer de mon téléphone portable... Des petits problèmes choisis pour leur côté partagé et sans grande gravité... Après un petit temps de réflexion pour faire ce choix ou pour formuler un autre comportement plus ou moins problématique - hors liste, chacun a disposé de dix minutes pour travailler à l'écrit : il s'agit de préparer une présentation orale au groupe de "son" problème. Après ce premier tour de table, la deuxième partie de l'activité a été consacrée à un travail de groupe : la préparation d'une émission de radio consacrée à l'écoute des problèmes des adolescents. Les élèves se sont réparti les rôles : un animateur, deux jeunes, deux psychologues, deux parents. Après un temps de concertation, de préparation, au moment dit, comme à la radio, l'échange a commencé. Avec les exigences de radio : pas de silence, mais aussi, pas de chevauchement de paroles. Une belle occasion d'user (en espagnol !) de "Excusez-moi de vous interrompre", "Je suis désolé, je ne partage pas votre avis...". L'enseignante, comme en régie ou en coulisse, stimule du geste, ou relance, rarement, de la voix. Jamais de correction. C'est l'échange, l'engagement qui sont privilégiés. Le lieu est comme oublié, même si c'est la salle d'espagnol habituelle, dont les tables sont disposées en carré. La mise en scène, minimale, permet néanmoins à chacun de sortir de son rôle d'élève. Ce changement de statut autorise des audaces, des prises de risques au nom du personnage joué. Les jeunes se sont tout de suite pris au jeu et le débat a été animé. Le but était atteint : une situation interactive, à la fois familière et légèrement décalée et chacun s'est investi dans son personnage... espagnol.

La vie agitée d'un immeuble en Espagne

La seconde partie de cette première matinée a consisté à créer une petite communauté. À partir du dessin d'un immeuble en coupe, l'on découvre les occupants très typés, et très différents les uns des autres, des différents appartements. Une case reste vide. Chaque élève choisit le personnage qu'il va jouer. La case vide permet à un élève de créer son rôle de toutes pièces. La création se poursuit : sur une planche d'immeuble vide, chacun choisit son étage et la place de son appartement. Cette mise en place collective exige beaucoup d'échanges, il faut justifier son choix. Puis il faut nommer l'immeuble, puis la rue (Calle Victor-Hugo, Madrid). Enfin, après une préparation à l'écrit, chacun présente comment vit sa famille, en s'appuyant sur le dessin, mais en brodant aussi. Chacun réalise alors qu'il a des voisins : une famille infernale, une chanteuse d'opéra ou un joueur de batterie, un fumeur invétéré... Une première réunion de copropriétaires et locataires permet de poser les difficultés de voisinage: chacun explique alors ce qui le gêne de la part de certains voisins et en quoi cela perturbe son mode de vie ou celui de sa famille. À l'issue de cette réunion, plusieurs colocataires vont se regrouper pour défendre une même position, une même revendication. Lors d'une seconde assemblée, les réclamations sont exposées, les accusés se défendent : arguments et contre-arguments fusent. L'objectif de la réunion est la recherche de solutions, de compromis. Et quelqu'un prend en note les éléments du procès-verbal. La scène est très réussie ; en arrivant, chacun salue chacun, se présente le cas échéant, le président de la réunion anime les débats. La mère de famille se défend : "Mais, pas du tout, mes enfants sont normaux... S'ils font un peu de bruit, c'est tout à fait normal, il faut les comprendre...". Le lendemain matin, en arrivant, le procès-verbal de la réunion attendait chaque locataire : Madame Vins avait parachevé son travail de secrétaire de séance !

Calle Victor-Hugo

On voit bien comment ces deux activités s'enchaînent aussi bien sur le plan du thème - les problèmes de la vie quotidienne - que sur la construction des discours. Les situations favorisent des temps de courts exposés de la situation : des témoignages d'un vécu imaginaire et des dialogues vifs, imposant des réactions rapides et des outils pour couper la parole, empêcher de se faire interrompre, contredire, soutenir... autant de situations vécues quotidiennement dans la vie privée ou professionnelle. C'est précisément ce que vise ce stage : donner à la fois le goût et les moyens d'échanger avec des Espagnols. La stricte correction des phrases n'est pas exigée ; ce qui compte, c'est de s'exprimer, d'être compris et, à l'inverse, de comprendre ce que disent les autres. Les activités imposent de rester dans la fluidité des échanges, de l'écoute à la réplique. D'activité en activité et de jour en jour, le réinvestissement de vocabulaire, de tournures idiomatiques, d'outils de connexion, d'argumentation, construit des débuts d'automatismes. Mais la brève préparation écrite est essentielle: c'est ce petit moment de retour individuel sur les fiches-ressources, sur le fil conducteur qui permet à chacun d'élaborer son projet en intégrant un maximum des éléments déjà vus ou proposés. La seconde activité reprend toujours le lexique, les outils de la précédente. Jamais les documents que l'enseignante avait prévus pour relancer les activités ou les débats n'ont été utilisés. Le groupe joue espagnol, parle espagnol... Parfois, au détour d'une situation, l'enseignante apporte une information culturelle, une habitude de vie bien espagnole, évoquée ou, au contraire, contredite par un des personnages... On se croirait en Espagne, calle Victor-Hugo, à Madrid.

Le choix d'en rire

La tonalité des matinées est variable; ainsi le jeudi, consacré entièrement aux expressions idiomatiques, a été très ludique. Et le registre était nettement comique. Dès le début de la matinée, la recherche des expressions à partir de dessins a séduit par son côté énigmatique. Les expressions elles-mêmes, qu'elles soient proches ou non de l'équivalent français, évoquent des situations plutôt plaisantes, comme no tener pelos en la lengua (ne pas avoir de poils sur la langue) pour ne pas avoir sa langue dans sa poche et l'idée de mettre en scène des jeux de mots, des malentendus comiques, permet à chaque groupe d'offrir un petit spectacle réjouissant... Avant ce quiproquo, l'explication de l'expression elle-même et sa mise en situation avaient déjà donné le ton. De même, la vie espagnole dans les immeubles (bien plus nombreux qu'en France) ou les travers de l'administration ont été évoqués avec humour. Ainsi, l'étudiant s'efforçant de récupérer son diplôme et qui est envoyé de bureau en bureau a donné lieu à un sketch très distrayant... Ce parti pris d'un ton enjoué a contribué à l'ambiance détendue et a sans doute stimulé la créativité. Le rythme soutenu et le côté éphémère de chaque prestation - rien n'a été ni enregistré, ni filmé - a été le facteur déterminant de l'engagement des élèves dans les activités. Une maladresse, un personnage peu réussi étaient vite oubliés. Les stagiaires avaient toujours le choix de leur rôle, plus ou moins exposé, et toujours aussi la possibilité de faire évoluer la proposition initiale, par l'ajout d'un personnage ou la créativité mise dans le rôle tenu. Ce stage a été aussi l'occasion de découvrir ou d'investir le plaisir de parler.

Un effet durable

Chaque matinée se termine par une rapide évaluation de chacune des activités et, en fin de semaine, une évaluation plus globale fait ressortir la satisfaction et les points forts pour les élèves. Ils disent avoir pris confiance en eux, être plus à l'aise, avoir un peu progressé dans la langue et avoir beaucoup appris sur le plan culturel. L'ambiance détendue les a séduits, tout comme le fait de se trouver avec des élèves des "autres filières". Mais c'est le théâtre - les sketches - qui emporte tous les suffrages avec son "esprit ludique", ses travaux en groupe et son volet créatif : "On a laissé parler notre imagination en espagnol", dit joliment un élève. L'enseignante elle-même partage cet enthousiasme : l'investissement et les prestations des élèves l'ont surprise par leur qualité. Certains élèves se sont alors révélés. Revenus en cours, les élèves, même ceux qui étaient muets avant, ont continué à prendre la parole. L'une, très faible, se dit elle-même très surprise de se sentir aussi à l'aise pour participer, et encore plus de voir ses résultats écrits s'améliorer. L'oral du bac a confirmé les progrès. Les élèves dont le niveau était très bas ont réussi à obtenir dix et les autres ont eu quatorze ou quinze. Une élève avait même conclu son questionnaire d'évaluation du stage par ces mots : "Il faudrait proposer ce stage à chaque période de vacances et dans différentes matières".
 
auteur(s) :

M. Coupry

contributeur(s) :

P. Vins, Lycée Perseigne, Mamers [72]

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