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construire, évaluer des compétences : un bilan d’étape

mis à jour le 21/01/2013


echanger dossier 1

Les correspondants d'Échanger ont rencontré des enseignants, des équipes, des formateurs qui s'impliquent activement dans la mise en œuvre du socle commun de compétences. Qu'en ressort-il ? Quelles difficultés, quels points positifs, quelles méthodes, quelles compétences émergent de ces expériences ? Autant d'éléments qui, certes vécus au singulier, peuvent peut-être apporter à tous un utile éclairage sur cet attendu exigeant.

mots clés : échanger, socle, synthèse


Cette synthèse a été réalisée à partir de la quinzaine d'articles qui composent le dossier intitulé "construire, évaluer des compétences". Fidèles à la ligne éditoriale d'Échanger, ces textes relatent des expériences concrètes, vécues et analysées par des professionnels de terrain qui les mettent en œuvre. Ils se veulent le reflet d'une réalité complexe qui met la théorie à l'épreuve d'une pratique toujours riche d'enseignements. C'est dans cette tension entre les idées et leur application que se joue toute la richesse du métier d'enseignant ; toute sa difficulté, aussi. Et ce à différents niveaux, puisque ces articles se font l'écho de l'expérience d'enseignants, bien sûr, mais aussi de formateurs ou de personnels de direction. Le point commun à tous ces professionnels : une réflexion, fondée sur l'expérience, autour de la mise en œuvre du socle commun de compétences. Cette synthèse se limite donc au champ de ces documents. En tirer des conclusions plus générales serait sans doute très abusif. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'ils font apparaître des lignes convergentes que nous tentons de dégager ici. Cette synthèse pèchera donc inévitablement par abstraction, l'illustration et l'expérience concrète se trouvant dans les articles que le lecteur pourra consulter grâce aux renvois vers les articles du dossier d'Échanger.

Méta article élaboré en comité éditorial à partir d'une synthèse terrain de D. Grégoire et de points de vue d'inspecteurs

Une aventure aussi passionnante qu'inquiétante

Évolution, révolution : quoi qu'il en soit, la mise en place du socle commun de compétences n'est pas une mince affaire. "Première grande aventure pédagogique du XXIesiècle", vaste chantier, le socle commun interroge autant qu'il inquiète, et le mot est faible. Les contributeurs des articles soulignent le caractère riche et passionnant de cette aventure, aussi bien que sa complexité. Les raisons de ces inquiétudes sont nombreuses et parfois paradoxales. Si le socle commun apparaît parfois comme un élément qui bouleverse totalement les pratiques, il donne également le sentiment de reprendre des aspects de la pratique professionnelle sur lesquels les enseignants faisaient déjà porter leur action. Les craintes relèvent du caractère, ressenti comme étant particulièrement chronophage, de sa mise en œuvre, dans la préparation des cours comme dans les activités pédagogiques ou les modalités d'évaluation. Tout le monde n'est pas au même stade dans cette mise en œuvre du socle commun. Certains enseignants, notamment ceux des disciplines scientifiques, semblent plus familiarisés avec la notion de compétence. C'est également le cas en établissements professionnels et technologiques où la pédagogie par projet, adoptée dans le cadre des enseignements, est particulièrement favorable à la construction de la cohérence du parcours de l'élève. La directrice d'une Segpa fait effectivement remarquer que les questionnements d'aujourd'hui la renvoient à ce qu'elle a vécu il y a vingt ans, ajoutant que la mise en œuvre d'une pédagogie par compétences a été facilitée par l'habitude du travail collaboratif d'équipes réduites, qui pratiquaient déjà la transversalité disciplinaire, et pour qui les temps de concertation sont prévus dans les emplois du temps. Chi va piano va sano.

Une remise en question fondamentale

Comment s'étonner de ces inquiétudes et de ce sentiment de déstabilisation initiale ? Le socle commun interroge un fonctionnement et des principes bien ancrés, et ce dans de nombreux aspects du métier d'enseignant. C'est d'abord l'évaluation chiffrée qui se retrouve sur la sellette. Même ressentie comme insatisfaisante, ni fidèle, ni équitable, ni formatrice, elle reste présente dans la société comme dans le système lui-même. Autre facteur de déstabilisation, les brèches faites dans le cloisonnement disciplinaire, puisque l'acquisition des compétences sollicite leur mise en pratique dans plusieurs disciplines, ce qui demande une approche transversale et donc une harmonisation. Le contenu même de l'enseignement se voit appréhendé d'un point de vue différent. Antérieurement pensé en termes de notions à acquérir, de programme à faire, l'enseignement se fonde désormais sur le socle commun qui impose une approche en termes de compétences et une mise en situation de réussite de tous. Savoirs déclaratifs, savoirs procéduraux : tout se tient, bien sûr, mais comment s'y prendre ? Faut-il jeter tout ce qui a été fait ? Devoir expliciter des critères de réussite de ces compétences, ce qui nécessite des harmonisations, ne rassure guère : quand estime-t-on qu'un élève est autonome dans son travail, par exemple, ou que la qualité de son expression écrite est satisfaisante, ou qu'il connaît quelques grandes périodes et mouvements majeurs de l'histoire littéraire et culturelle ? Pour ce qui est des pratiques pédagogiques et du rapport à l'élève, le seul cours magistral ne peut suffire à l'acquisition de compétences, qui requiert de l'élève qu'il soit l'acteur de son apprentissage. Quelle articulation trouver entre le nécessaire apport d'informations et l'activité de l'élève ? Quant à l'évaluation, elle peut être source d'inquiétudes. Les rythmes d'acquisition des élèves diffèrent. L'évaluation des sept compétences 1, composées de connaissances essentielles, de capacités à les utiliser et d'attitudes à développer, doit être individualisée, et l'observation des réussites réalisée dans plusieurs disciplines : comment faire? Sans ignorer ce complexe état des lieux, les expériences relatées par Échanger donnent des éléments de réponse et offrent des pistes à prolonger. D'un carnet à l'autre, des progrès et des réussites, Le socle en construction, Un socle peu commun.

Pas de panique, mais du bon sens pragmatique

Les propos des articles se veulent rassurants. D'abord pour ce qui concerne la question du temps. Évidemment, un tel changement en profondeur ne pourra se faire du jour au lendemain. Le savoir et l'accepter permettent donc de travailler plus sereinement. Il convient également d'éviter de tomber dans des excès qui pourraient s'avérer contre-productifs, comme l'atomisation des compétences en de multiples items. La somme de capacités simples n'assure pas la maîtrise d'une compétence large. Quant aux pratiques pédagogiques à adopter, elles sont variées et s'appuient sur l'expérience des professeurs. Mais la mise en œuvre du socle commun de compétences implique des changements. Les praticiens trouvent un vocabulaire varié pour exprimer la nécessité d'un positionnement différent qui, néanmoins, ne balaie pas toute l'antériorité : changement de perspective, de point de vue, de regard, manière différente de penser la pédagogie... On peut donc concevoir les contenus des progressions à partir du socle commun en l'articulant avec les programmes. Certaines compétences associent explicitement les deux. Dans un premier temps, travailler sur une séquence une ou deux compétences limite le champ et permet de s'appuyer sur l'existant tout en entrant dans la logique sous-tendue par le socle commun. Ce changement de perspective, relatif dans la mesure où les compétences en jeu sont déjà des préoccupations de nombreux enseignants, devrait pouvoir devenir un geste professionnel intégré. Indiquer clairement la ou les compétences travaillées en parallèle du contenu notionnel a l'avantage d'inciter chacun à se mettre au clair avec ses pratiques et objectifs.
 

Une mise au clair complexe mais bénéfique

Cette mise au clair est à la fois l'une des richesses et l'une des difficultés de la mise en place du socle commun. Que cherche-t-on à faire acquérir aux élèves en pratiquant tel ou tel exercice ? Quel niveau d'exigence a-t-on pour estimer qu'une tâche est réussie ? Quelles capacités devront être maîtrisées pour y parvenir ? Ces questions reflètent une évolution des pratiques mettant plus en évidence les objectifs didactiques. Mais, pour investir plus avant la mise en œuvre du socle commun, d'autres questions méritent d'être posées : quelles compétences cherche-t-on à faire acquérir à chaque élève en proposant telle ou telle activité ? Comment concilier la dynamique du groupe avec la prise en compte de l'individu (besoins, rythme d'apprentissage...) ? Ce qui est vrai pour l'enseignant l'est également pour les équipes, qu'elles soient disciplinaires ou pluridisciplinaires. Ce qui implique des concertations où les débats sont souvent vifs. Il n'est pas toujours simple de se mettre d'accord au sein d'une même équipe, a fortiori en prenant en compte l'articulation des différents champs disciplinaires avec le socle commun. Mais au final tout le monde y gagne, et en premier l'élève. Le but est de rendre opérationnelle la construction des compétences du socle commun. On ne part pas de rien dans ce domaine, et les outils produits par les uns (les cycles précédents, par exemple) peuvent servir de base à la réflexion des autres. L'un des intérêts du socle commun est également de matérialiser très concrètement la continuité de l'enseignement, depuis la maternelle jusqu'au lycée, puis dans les formations supérieures. Grilles, tableaux, livrets permettent de recueillir et de partager les informations. Les résultats des évaluations sont ensuite reportés, en vue non seulement de la validation, mais aussi pour définir le travail collectif qui garantira la maîtrise du socle commun par tous les élèves. Cette clarification et cette harmonisation prennent incontestablement du temps, mais un temps qui aidera ensuite à être plus efficace, aussi bien pour la conception des séances pédagogiques, pour les modalités d'évaluation, que pour la remédiation ultérieure.

La pédagogie à l'aune des compétences

Le but est de trouver les situations, liées aux programmes disciplinaires, permettant l'apprentissage des compétences du socle commun par un travail effectif des élèves. Certaines activités sont particulièrement riches, car elles suscitent leur réflexion et leur investissement dans une tâche qui fait sens. Il est donc nécessaire d'éviter des situations trop fermées qui mettraient en jeu des micro-capacités non significatives. Ce sont les situations complexes, induisant plusieurs capacités, qui font éviter l'atomisation évoquée plus haut. Dans tous les cas, cette pédagogie place les élèves en situation active. Ce sont eux qui pensent et font, et non pas l'enseignant qui fait et pense à leur place. Mais il est parfois nécessaire d'apporter de l'aide, de débloquer une situation. Fiches-méthodes, coups de pouce, renvois à des sources d'informations... les moyens proposés sont divers. Chacun avance ainsi à son rythme. L'enseignant, lui, a dans ce cadre un rôle d'accompagnateur et d'observateur. Il "regarde penser" ses élèves et peut ainsi mesurer ce qui est acquis et ce qui ne l'est pas encore. Mais concrètement, peut-on imaginer observer sérieusement tout le monde, lorsqu'il faut également apporter l'aide nécessaire à ceux qui peinent ? Comment évaluer tous les élèves d'une classe, pour chaque compétence, pour chaque capacité ? Autant d'interrogations pour lesquelles les expériences relatées dans les articles du dossier apportent là encore des éléments de réponse. Renvoi vers ces deux articles: La réussite ça se travaille, En quête de cohérence et de sens.

Une évaluation de la réussite et non un constat d'échec

Imaginer un enseignant qui passerait ses heures à faire des croix dans des grilles serait ne pas bien comprendre la réalité de l'enseignement par compétences. D'abord, on n'évalue pas à toutes les séances: encore faut-il aider à l'acquisition avant de valider un apprentissage ! Ensuite, tous les élèves ne nécessitent pas une même observation fine. Et l'enseignant n'est pas seul dans cette phase d'évaluation. Les expériences relatées en proposent de nombreuses formes où les élèves eux-mêmes deviennent évaluateurs par l'autoévaluation, la coévaluation entre pairs. Les temps réservés à la mise en commun et à la formulation orale des stratégies adoptées donnent des clés à chaque élève sur ses propres processus d'apprentissage. Tout est fait pour rendre signifiante une évaluation qui a le mérite de ne pas être définitive : une compétence non acquise à un moment de l'année pourra l'être plus tard et ainsi être validée. Elle permet donc de donner prise aux élèves sur leurs apprentissages, en définissant explicitement une marge de progression. Ils savent en effet précisément ce sur quoi doivent porter leurs efforts. Elle a aussi l'avantage de montrer combien ce qui doit être maîtrisé n'est pas enclos dans une unique discipline. L'accent est partout mis sur le caractère positif de cette évaluation : on engrange ce que l'élève a acquis tout en soulignant ce qui doit l'être à l'avenir. On n'est plus dans la perspective d'une idéale et quasi inaccessible note d'excellence, mais dans un objectif raisonnable que tous peuvent atteindre, puisque basé sur là où en est chaque élève. Penser ainsi l'évaluation donne également des leviers pour aider à résoudre les difficultés en personnalisant au sein de la classe les remédiations. Les différentes observations servent aussi aux différents dispositifs d'aide et de soutien : PPRE 2, dispositifs aménagés, accompagnement personnalisé, etc. L'identification des élèves relevant de ces aides tout comme les points précis sur lesquels portera l'action sont d'emblée définis. Ceci dit, toutes les questions liées à l'évaluation ne sont pas résolues, loin de là. Certaines équipes sont toujours en questionnement, notamment pour ce qui concerne les outils permettant la collecte et le partage des données au niveau de l'établissement, de manière simple et lisible.

Une quête de sens

Valorisation des réussites, identification des fragilités, leviers pour agir, le socle commun rend clair et lisible le parcours de chaque élève dans un partage transparent avec l'ensemble de la communauté éducative (enseignant, élève, parent...). Le socle commun donne ainsi du sens aux apprentissages, puisque l'élève est associé à ce qu'il fait : si l'action est essentielle dans les formes d'apprentissage impliquées, la métacognition a également pleinement sa place. L'aventure du socle bouscule de nombreuses traditions, sans forcément les rendre inopérantes. Elle touche au cœur de bon nombre de représentations de l'enseignement : la note, le cloisonnement disciplinaire, une application des programmes centrée sur les notions. Ce qui ne simplifie pas la mise en œuvre du socle commun de compétences. La tâche est vaste, on l'aura compris, et les appréhensions légitimes. Les temps de concertation et de formation contribuent à faire avancer la réflexion et l'action, mais l'affaire est complexe. Pourtant les enjeux sont de taille, ainsi que le note Xavier Roegiers : "Ce n'est rien d'autre qu'une nouvelle quête de sens, à la fois en continuité et en rupture avec les pratiques actuelles, dans le but de repenser la place de l'école dans la société, mais aussi dans le but d'apporter des réponses au problème de la motivation des élèves. Car après tout, réfléchir sur l'école, n'est-ce pas, inlassablement, dans des termes à la fois semblables et différents, poser et reposer cette question du sens; du sens pour la société dans laquelle elle s'inscrit et qu'elle préfigure, mais aussi du sens pour les élèves qui en sont non seulement les principaux bénéficiaires, mais surtout les principaux acteurs?" 3.

1." Le socle s'organise en sept grandes compétences : chacune est composée de connaissances essentielles, des capacités à les utiliser et d'attitudes indispensables tout au long de sa vie, comme l'ouverture aux autres, la curiosité, la créativité, le respect de soi et d'autrui. Depuis 2009, les programmes du collège intègrent les éléments du socle commun, dans la continuité de ceux de l'école primaire publiés en 2008. La compétence "maîtrise de la langue française", par exemple, se décline en "la capacité à lire et comprendre des textes variés, la qualité de l'expression écrite, la maîtrise de l'expression orale, l'apprentissage de l'orthographe et de la grammaire, l'enrichissement quotidien du vocabulaire". Le socle commun de connaissances et de compétences.
2. Un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) est un plan coordonné d'actions conçu pour répondre aux besoins d'un élève lorsqu'il apparaît qu'il risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences du socle commun. Il est proposé à l'école élémentaire et au collège. Il est élaboré par l'équipe pédagogique, discuté avec les parents et présenté à l'élève.
3. Roegiers, X. (1999), Savoirs, capacités et compétences à l'école : une quête de sens, Forum-pédagogies, mars1999, 24-31.
 

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La question de la construction et de l'évaluation des compétences prend aujourd'hui une nouvelle actualité avec la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences. Désormais, ...
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