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courant d’art sur les compétences

mis à jour le 19/01/2015


echanger dossier 1

À Saint-Herblain au collège Ernest-Renan classé en éducation prioritaire, des enseignants de mathématiques, aidés d'une plasticienne, ont choisi de croiser géométrie et art pour rendre leurs élèves acteurs et auteurs de "belles figures" grandeur nature. Quelles démarches et situations d'apprentissage ont-ils proposées pour les mettre en situation de construire des compétences en géométrie ?

mots clés : échanger, compétences, socle, arts plastiques, mathématiques


ans ce collège, le socle commun est en marche, et avec lui une restructuration des enseignements en termes de compétences à faire acquérir aux élèves. C'est dans la poursuite de cet objectif que le dispositif "Courant d'Arts chez Ernest" (voir annexe) a vu le jour en 2008, au collège Ernest-Renan, un établissement de la périphérie nantaise en éducation prioritaire. Sa spécificité est de s'inscrire dans un fort partenariat avec les structures territoriales et les associations communales mobilisées dans le projet de rénovation urbaine du quartier : la Maison des arts, et l'association Trempolino. L'entrée culturelle et artistique a été choisie, au sein du projet d'établissement, pour favoriser l'ouverture des chemins d'acquisition et de réalisation de soi.

Une entrée dans les savoirs porteuse de sens et d'ouverture au monde

Pour un certain nombre d'élèves de cet établissement, les connaissances transmises ne trouvent pas forcément d'ancrage dans leur bagage personnel. Ces élèves se distinguent, en particulier, par un faible bagage lexical, par de faibles capacités d'abstraction, et par des difficultés de raisonnement logique. L'appel souvent privilégié à la forme écrite et individuelle comme première entrée dans le savoir, et/ou comme modalité principale de restitution, fait parfois figure d'obstacle. Pour aider les élèves à surmonter leurs difficultés d'expression écrite et faciliter leur accès aux savoirs, l'équipe éducative a saisi l'opportunité d'une forte dynamique artistique et culturelle sur la commune pour envisager les apprentissages "autrement". Comment s'appuyer sur ces partenariats pour inscrire les élèves dans une construction de compétences, définies par G. Boterf comme une articulation du "savoir agir, vouloir agir, et pouvoir agir" 1, porteuse de transformations durables chez les élèves ? Il s'agit ici de favoriser l'acquisition des compétences fondamentales en diversifiant les champs de rencontre avec des questions propres à susciter le désir d'apprendre. Comment faire émerger le sens des apprentissages, la synergie des savoirs à acquérir, la diversité des moyens d'expression, par la confrontation collective à des résolutions de problèmes, les ouvrant sur leur monde ? Nous pouvons citer quelques exemples de projets, portés par les objectifs de ce dispositif "courant d'Arts", qui ont pu voir le jour ces dernières années. Dans "Speak Art", des élèves, après un travail en classe, se déplacent pour rencontrer des artistes anglophones présents sur la région. Ils construisent, mènent et traduisent l'interview qui est ensuite diffusée sur une radio locale. D'autres élèves ont fait une étude sur les pratiques culturelles des collégiens (quels genres de musique ? Quelles pratiques de lecture ?...), puis ont travaillé l'analyse de ces données en mathématiques. D'autres écrivent et vont enregistrer des chansons en studio. D'autres encore ont l'opportunité de travailler avec comédiens et conteurs pour écrire et mettre en voix leur texte.

Des compétences au cœur des arts et de la géométrie

C'est ainsi qu'en 2012-2013, deux enseignants de mathématiques, S. Lebeau, et E. Legoff, ont choisi de faire réaliser à deux classes de sixième de "belles figures" géométriques, imaginées et réalisées à grande échelle par les élèves, dans un carré de 4 m sur 4 m, dans la cour de récréation. Par ce projet, les enseignants visaient la construction concomitante de compétences mathématiques, langagières, artistiques, sociales et civiques (voir annexe). L'un des enjeux était de donner du sens à la géométrie en envisageant sa dimension artistique. Comment la géométrie est-elle utilisée par les artistes dans différentes créations ? Comment le concept de symétrie, par exemple, peut-il participer à l'harmonie d'une œuvre, à son esthétique ? Un autre enjeu était de travailler le tracé et le dessin avec une artiste plasticienne, Gwenola Saillard. Enfin, des compétences du socle ont été travaillées tout au long des activités : les compétences sociales et civiques, les compétences liées à la prise d'initiatives. Les questions posées par les enseignants étaient par exemple : Comment apprendre aux élèves à travailler en groupes ? À exprimer leur point de vue, à prendre en compte l'avis de chacun, à faire un choix collectif, à répartir des rôles ? Comment leur permettre de s'intégrer et de participer à un projet de réalisation collective ? Autant de compétences mobilisées pour atteindre l'objectif de construction géométrique et artistique.

D'une rencontre avec des artistes à la création collective de belles figures

Un plan de travail ciblant les compétences à acquérir a été élaboré avec les classes, en vue de la réalisation finale. En ouverture du projet, les élèves ont assisté à une conférence avec un intervenant de la "Maison des arts". Celui-ci leur présentait différentes œuvres d'art faisant appel à des notions de géométrie (peinture, jardin à la française...). Dans un deuxième temps, (voir annexe) les élèves ont fabriqué leur belle figure, par groupes de trois, en classe, dans des carrés de 10cm de côté. Ils ont voté pour déterminer les deux figures retenues dans chaque classe, puis ont choisi les couleurs avec l'aide de l'artiste plasticienne, suite à une réflexion collective sur la complémentarité des couleurs. Toujours en groupes, ils ont ensuite écrit des programmes de construction permettant de reproduire ces figures (voir annexe). La forme finale de l'écrit était imposée et commune à tous, mais les élèves avaient des choix à faire dans l'ordre chronologique des consignes à rédiger et dans le lexique à utiliser. Chaque petit groupe proposait ensuite son programme à un autre qui essayait de réaliser la figure. Un échange entre les élèves suivait cette phase afin de cibler les passages où les consignes données étaient perçues comme confuses, où le vocabulaire utilisé était jugé imprécis. Avançant progressivement vers la réalisation finale, s'est alors engagé un travail sur la proportionnalité et sur les conversions permettant de passer d'un carré de 10cm de côté à un carré de 4m de côté.

De la feuille de papier à l'œuvre d'art grandeur nature

Avec la plasticienne, les élèves ont choisi les instruments pour réaliser les figures dans la cour. Il a fallu, par exemple, adapter certains outils de la classe. La corde a remplacé le compas, le mètre de maçon a remplacé la règle d'écolier et la grande équerre a permis de retracer les angles droits. Sur le terrain, les élèves ont ainsi dû créer des "compas humains" comme les a nommés leur professeur. Un élève se plaçait au centre du cercle, tenait le bout d'une corde dans les mains, pendant qu'un de ses camarades, situé à l'autre bout de la corde, jouait le rôle du crayon. Le concept de cercle, se construit alors "en acte". Si le camarade ne tend pas la corde, le tracé dévie. Si le centre n'est pas bien identifié, on ne peut pas commencer la figure. Chaque classe a travaillé une demi-journée, dans la cour, sur le tracé final et la mise en couleur à l'aide de bombes à craie (matériau utilisé par exemple pour faire les marquages sur les stades). À chacune de ces étapes, plusieurs entrées étaient ainsi offertes : par exemple, s'appuyer sur un visuel pour reproduire une forme, tester différents schémas dans le carré de dix centimètres, représenter des figures réalistes (maison) ou complètement imaginaires. Pour le programme de construction ou le tracé, les élèves pouvaient débuter leurs explications ou actions où ils le souhaitaient, prendre des temps individuels ou collectifs de réflexion, choisir le vocabulaire. Autant de mises au travail impliquant un processus de recherche et de décisions, laissant les chemins ouverts.

Des élèves investis et fiers de leur travail

Sous les yeux de leurs camarades collégiens, ces sixièmes se sont ainsi transformés en artistes urbains (voir ci-dessous). Leurs œuvres d'art ont pu être admirées depuis les fenêtres des salles de classe pendant quelques jours avant que la pluie et le vent n'emportent leurs belles figures vers d'autres espaces... Les élèves, pendant tout le processus, ont eu à cœur de réaliser "quelque chose de joli". La vigilance et l'implication collective, lors du choix des figures, des couleurs, et lors du tracé, laissent à penser que la notion d'esthétique a été l'un des fils conducteurs dans le cheminement des élèves. Les enfants étaient fiers de leurs œuvres et des retours impressionnés des adultes et de leurs camarades. "Est-ce que vous pensez qu'elles seront toujours là lundi ?". Si le caractère éphémère faisait partie du processus de création, ce dernier a cependant été filmé, et un montage a pu être montré lors des "Ernest'In", la fête de fin d'année du collège, en présence des parents. Pour les enseignants, ce projet a été positif sur plusieurs points, répondant ainsi à leurs objectifs initiaux. "Le premier effet, c'est la motivation ! Ça change pour eux du cours de maths !". Tous les élèves ont participé. Chacun a investi un rôle dans l'élaboration et la réalisation, acceptant le plus souvent l'échange et l'entraide. Envie et plaisir se sont manifestés tout au long du travail.




Des progrès dans les apprentissages mathématiques

En corollaire de cette participation active des élèves, les apprentissages mathématiques ont été conséquents. Les enseignants ont témoigné des progrès des élèves dans la compréhension des notions (centre, équidistance, rayon...), dans l'utilisation des outils mathématiques et dans l'usage de termes mathématiques plus spécifiques. "Ils ont vu que s'ils confondaient rayon et diamètre, ils ne pouvaient ni donner leurs indications aux camarades, ni construire leur figure !" (E. Legoff). Les progrès ont aussi été perceptibles dans la compréhension du sens de la proportionnalité. S. Lebeau souligne que cette notion, qui pour certains, reste "quelque chose" de très abstrait, longtemps associée à des tableaux à double entrée dans lesquels ils se perdent régulièrement, prend ici un sens concret. Comment est-ce que je passe de mon brouillon à ma grande figure ? Que dois-je faire pour conserver l'équilibre des formes réalisées ? Comment les faire entrer dans ce grand carré de 4 m ? La démarche de recherche, le passage par des essais, des comparaisons, des commentaires de camarades ont permis à plusieurs élèves, peu à peu, de se familiariser avec le sens de ces opérations.
L'étape de rédaction des programmes de construction s'est avérée plus fastidieuse, mais a, elle aussi, été porteuse d'acquisitions dans la précision du choix des mots, des symboles et dans la succession chronologique des actions. Il s'agissait de rédiger un texte dans le but de pouvoir permettre à d'autres de réaliser la construction à partir des indications écrites.


Des pistes pour la suite

Le projet était une étape dans la construction des compétences, qui seront évaluées à d'autres moments du cursus. Si des transformations positives ont pu être relevées, les enseignants restent humbles quant à la portée de tels projets. Ils reconduisent ce travail cette année avec trois classes, et cherchent également à croiser leurs objectifs avec ceux des autres collègues, notamment français et arts plastiques. Une réflexion est aussi menée pour parvenir à mieux accompagner certains élèves dans cette démarche de réflexion et de création qui leur semble plus "libre", et dans laquelle ils ont parfois du mal à retrouver la structure rassurante d'un cadre plus contraignant, auquel ils sont habitués. Les élèves en difficulté, bien que souvent en échec dans des dispositifs très "scolaires", ont souvent mis beaucoup d'énergie pour trouver quelques repères au regard de ce qu'ils ont perçu des attentes de l'école. Ils ont compris que ces acquis, qui ne sont pas forcément en lien avec les apprentissages, leur permettent de "rester en classe" comme élèves. Les confronter à de nouvelles formes de travail, acceptant l'erreur, suscitant le travail de groupes, la mobilité corporelle, etc. c'est-à-dire des formes qui les confrontent à l'objet "savoir" en lui-même, et qui ne permettent pas forcément de se cacher derrière un "moule scolaire", peut parfois les perdre, et occasionner, dans un premier temps, certains débordements dans les attitudes. Un guidage et un travail collectif entre collègues est alors à réinventer.

"Savoir agir, vouloir agir, et pouvoir agir"

Pour reprendre la définition des compétences de G. Le Boterf (2000), les élèves sont peu à peu amenés à combiner différentes ressources pour réaliser la tâche de façon pertinente. Que faire de mon savoir construire un carré ? Comment le combiner avec d'autres figures ? Comment utiliser ses propriétés pour écrire ensuite un programme de construction ? Comment passer à la représentation dans l'espace ? Ces collégiens sont également confrontés à des contextes plus ou moins incitatifs, tentant de les engager dans un vouloir agir porteur de sens. Nous allons réaliser une œuvre d'art... Qu'est-ce qui, pour chacun, fait la "beauté d'une figure" ? Qu'est-ce qui fait consensus dans la classe ? Comment vais-je faire valoir mon point de vue ? Comment, d'un échange, peuvent venir des idées stimulantes ? Comment me faire comprendre dans un texte écrit ? Enfin les enseignants et intervenants ont essayé, sur chaque étape, de permettre la prise de responsabilité et la prise de risque de chaque élève. L'erreur, dans les tâches proposées, étant reconnue comme un facteur d'apprentissage à part entière, les élèves, souvent en groupes, pouvaient se montrer force de proposition, et oser créer, essayer, recommencer. Ce projet "arts et géométrie", en toute humilité, peut ainsi nous amener à réfléchir sur des pistes d'entrée dans les apprentissages par compétences, développant à la fois celles des programmes et du socle. Il s'agit d'offrir aux élèves des situations de confrontation "sensée" (finalisée et significative) et active au savoir, leur permettant de mettre en œuvre des processus d'appropriation et de création multiples à travers la visite "d'œuvres d'art". "La culture qui unit et qui libère" (Reboul, 1989) 2 est bien ici au centre de l'acte éducatif comme enjeu d'épanouissement des enfants.


1. Guy Le Boterf, Construire les compétences individuelles et collectives, Paris, Éditions d'organisation, 2000.
2. Olivier Reboul, La Philosophie de l'Éducation, PUF, "Que Sais-Je ?", 9e édition, Paris, 1989.
 
auteur(s) :

C. Rossard

contributeur(s) :

S. Lebeau, E. Legoff, Collège Ernest-Renan, Saint-Herblain [44]

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