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d'un carnet à l'autre, des progrès et des réussites

mis à jour le 10/01/2011


echanger dossier 1

Depuis le printemps 2009, plusieurs écoles maternelles de Saint-Nazaire expérimentent un nouvel outil conçu par les professeurs. Afin d'évaluer les compétences acquises en petite, moyenne et grande sections, chaque élève dispose d'un carnet de progrès. Deux enseignantes ont aussi créé un carnet de réussite, spécifique pour les encastrements et les puzzles.

mots clés : échanger, évaluation, apprentissage, carnet de progrès, coévaluation, compétences


Depuis qu'elles travaillent ensemble à l'école maternelle Herriot-Boncour, Nadine Le Mouée et Mari Niéves San Millan échangent fréquemment sur les difficultés de leurs élèves et sur les façons de les pallier. Située dans le quartier ouest de la ville, l'école réunit essentiellement des enfants issus de familles défavorisées. Bien souvent, les parents parlent peu, voire pas du tout, la langue française. Pas vraiment satisfaites de la façon dont, jusqu'alors, elles associaient apprentissages et évaluations, les deux enseignantes ont décidé de consacrer quelques jours, à la fin de l'été 2009, pour élaborer une progression et une programmation communes. Leur souhait : finaliser un document reliant avec précision les compétences et les activités menées dans leurs classes respectives.

La volonté de mieux évaluer

Les apprentissages en maternelle se font, pour la plupart, au cours d'ateliers organisés par le professeur qui établit une progression annuelle des acquisitions. Auparavant, les mois de janvier et mai étaient les mois des évaluations. Les élèves répondaient alors à une série de tests dont les résultats venaient nourrir le bilan de compétences remis aux parents en février et en juin. Pour les deux enseignantes, les résultats de ces évaluations ne donnaient qu'une information partielle, dans la mesure où il s'agissait d'un instant donné et que des acquis encore fragiles pouvaient être plus ou moins réussis sur cette seule période. Enfin, la demande institutionnelle de favoriser l'autoévaluation ne trouvait pas là de réalisation très satisfaisante. N. Le Mouée et M.-N. San Millan ont alors repris le livret des compétences attendues en fin d'école maternelle, paru en 2008, et elles ont décliné, à partir de celui-ci, les objectifs que l'on pouvait attendre à la fin de la petite et de la moyenne sections. Les discussions n'ont pas manqué, et elles se sont rendu compte à quel point ces échanges leur permettaient de réguler certaines attentes ou de lever certains freins dans le niveau qui est le leur. Une fois les compétences et objectifs attendus mis face à face, les deux enseignantes ont repris l'ensemble des activités afin de les mettre en lien avec les deux colonnes précédentes (voir annexe). Le travail n'a pas été inutile car, là encore, cela leur a permis de remettre en question certains ateliers ou de les redéfinir afin qu'ils répondent davantage aux objectifs d'apprentissage. Finalement, leur volonté de mieux évaluer leurs élèves les a conduites à remettre à plat l'organisation et le contenu de leur année.

Un stage à point nommé...

À la rentrée 2009, le BOEN du 3 septembre a présenté une déclinaison du référentiel de compétences des enseignants en spécifiant les connaissances et les compétences de ces derniers lorsqu'ils exercent en école maternelle. La compétence évaluer est évidemment présente et le professeur se doit de communiquer les progrès aux parents et d'associer les élèves à l'évaluation. La réflexion des deux enseignantes n'était donc pas tout à fait terminée, puisqu'il allait falloir concevoir un outil différent des anciens tests. L'une d'entre elles participe alors à un stage de trois jours, intitulé Apprendre à observer les élèves pour enseigner à l'école maternelle (voir annexe). La première journée est consacrée à la façon dont on peut observer, consigner et évaluer les évolutions de chaque élève. Il en ressort que c'est au quotidien que l'évaluation peut se faire et que le retour des élèves sur leurs propres productions est nécessaire pour qu'ils donnent du sens à leurs apprentissages. Enfin, il semble également essentiel que la communication aux parents, ainsi que l'association de l'élève, soient rendus possibles par un outil pratique. Ce sera l'objet du travail de la deuxième journée qui a lieu dès le lendemain. Un représentant par école de la circonscription de Saint-Nazaire ouest est présent à ce stage. L'objectif est de concevoir un outil commun qui pourra ensuite être diffusé dans chaque école maternelle. La réflexion engagée permet de lister ce que doit être ce nouvel outil qui viendra compléter les traces quotidiennes déjà relevées dans le cahier d'activités de l'élève et le journal de bord de l'enseignant. En effet, dans ce dernier, des observations sur les faits, gestes, remarques, inquiétudes ou étonnements sont notés pour chaque élève au jour le jour. Il s'agit donc de concevoir un troisième document qui informera l'élève de ses progrès, et sera une trace à la fois pour lui-même, sa famille et le professeur. Cet outil doit également valoriser les réussites et permettre la prise de conscience des étapes par lesquelles il faut passer pour apprendre. Enfin, tous les items d'évaluation de l'année devront être présents, car c'est ainsi que l'élève pourra se projeter dans ses apprentissages.

Une collaboration fructueuse

Entre la fin septembre et le début décembre, les professeurs impliqués par ce stage ont élaboré un document. À partir des cahiers de progrès préexistants et grâce aux échanges par courrier électronique, ils ont pu poursuivre leurs réflexions sur les pratiques qu'ils avaient jusque-là et sur les nécessaires améliorations du carnet en cours de création. Il y a eu réflexion sur une forme commune du livret aux trois niveaux et, parallèlement, une répartition des enseignants en trois groupes : petite, moyenne et grande sections. C'est un format A4 qui a été choisi avec trois items sur la même page (voir annexe). Afin que les enfants puissent identifier facilement l'apprentissage évalué, c'est un dessin qui le représente. Ce choix a répondu aussi aux exigences de la communication aux familles ; pour les non francophones, c'est ce carnet de progrès qui est utilisé plutôt que l'attestation de compétences, jointe au livret scolaire de l'élève. Le carnet a ensuite été présenté en conseil de cycles dans chaque école, puis validé 1 par l'inspecteur avant d'être imprimé et mis en service dans les classes. Pour Nadine le Mouée qui a des petites sections, une retouche était nécessaire. Les élèves de trois ans ont un peu de mal à identifier plusieurs items sur une même page, elle a donc fait le choix de les séparer pour les assembler les uns à la suite des autres, ce qui a donné au carnet un format oblong. À chaque page, un seul item et ses deux cases de validation : l'avis de l'élève et celui de l'enseignant. Une gommette collée ou un point de couleur signifie que l'élève évalue qu'il sait faire. Les deux enseignantes, elles, hésitent encore quant à la forme de la validation : un OUI, un ACQUIS... ajouter un commentaire, une date ? La pratique de l'outil, associée à la poursuite ultérieure des échanges entre les professeurs, permettra de formaliser définitivement cette question.

Une mise en route facilitée

Lorsque fin septembre 2009, les deux enseignantes ont constaté qu'un outil commun allait être créé, mais qu'il ne serait sans doute prêt qu'aux vacances de février, elles ont décidé d'anticiper un peu et de reprendre l'exploitation d'un système qu'elles utilisaient les années précédentes. En effet, elles avaient conçu une sorte de fichier qui leur permettait d'observer les progrès des élèves dans les jeux d'encastrement ou de puzzles. Mais ce fichier était très lourd à gérer et, surtout, les élèves avaient tendance à refaire bien souvent les mêmes puzzles... Alors elles ont profité de la réflexion collective pour créer un carnet de réussite. Toujours en format italien, chaque page d'environ treize centimètres de haut est composée de trois photos de puzzles à réaliser, ainsi que d'une série de quatre cases sous chaque photo. Classées par ordre de difficulté, ces images représentent l'ensemble des jeux d'encastrement et de puzzles de chacune des deux classes (voir annexe). Très vite, les élèves ont compris le principe : à chaque atelier-jeu, ils essaient de réaliser l'un de ceux proposés sur leur table, et la date est inscrite dans la première case. Lorsque c'est réussi et vérifié par l'enseignante, l'élève colle une gommette. Si ce n'est pas réussi : aucune importance, ce sera pour la prochaine fois ! Il sera profitable, alors, de faire remarquer ses progrès à l'élève en les reliant au temps écoulé, puisque les dates de chaque tentative sont reportées. Un bon moyen d'inscrire dans la mémoire de ces jeunes élèves qu'un apprentissage nécessite plusieurs essais et que cela n'est en rien condamnable. Ce carnet de réussite fonctionne bien. De plus, en regroupant trois images de puzzles par page, cela laisse un choix à l'élève dans le niveau de difficulté recommandé. La seule contrainte est qu'au bout de quelques temps, l'organisation des ateliers doit être plus rigoureuse puisqu'il faut que l'adulte prépare les tables en fonction des réussites précédentes. Mais dès la moyenne section, le problème est résolu car les élèves peuvent aller chercher eux-mêmes le puzzle du jour, dans l'armoire. À partir des vacances de novembre, les élèves ont commencé à se servir de leur carnet de réussite. De ce fait, lorsque le carnet de progrès est arrivé, ils avaient déjà bien compris qu'on pouvait demander une validation auprès de la maîtresse quand on savait faire quelque chose qui apparaissait sur la page.

Quels effets ?

Certes, le cahier de progrès ou de réussite n'est pas une révolution en soi. Les enseignants en ont déjà un usage en maternelle sous forme de cahiers d'activités ou de fiches d'évaluation. Ce qui est nouveau ici, avec le carnet de progrès, c'est le lien entre les compétences à évaluer et la façon dont elles se déclinent en activités évaluables. Auparavant, par habitude, sans doute, un certain nombre d'activités étaient proposées sans que soit remis en cause le lien qui les reliaient à une compétence donnée. Ce qui est nouveau, également, c'est la sollicitation du regard de l'élève sur ses propres productions ou actions à tout moment de la journée. Dès lors que les élèves sont en activité, les enseignantes mettent les carnets en évidence. Chacun peut aller le feuilleter pour identifier visuellement la compétence travaillée ou pour coller une gommette qui indique à l'enseignante qu'une compétence peut être validée. Bien sûr, cette validation (ou non) sera l'occasion de reprendre la tâche avec l'élève, de mettre des mots sur l'activité, de voir si la maîtrise est réellement là ou si elle n'y est pas. Mais désormais, l'enjeu psychologique est moindre car la répétition, l'entraînement, les différents essais, permettent de valider plus tard ce qui n'est pas encore stabilisé aujourd'hui. Rien n'est perdu, tout est possible, et les deux enseignantes ont déjà remarqué à quel point la motivation des élèves est croissante. Ils veulent y arriver et l'atelier concerné reste à disposition de l'élève tant que celui-ci le souhaite. Ainsi, la compétence qui consiste à aligner des images dans le bon ordre est difficile à maîtriser en moyenne section pour un certain nombre d'élèves. Auparavant, lors du test de validation, l'enseignante qui constatait que trois images sur quatre étaient bien placées avait tendance à tergiverser... la compétence était-elle acquise ? Aujourd'hui, ce n'est plus possible car les élèves sont très rigoureux. Puisque, sur le carnet, ce sont quatre images qui doivent être dans le bon ordre, ils s'entraînent jusqu'à ce que cela soit réalisé. Les élèves sont aussi beaucoup plus détendus car la réussite reste toujours possible. Enfin, ils sont plus autonomes puisqu'ils peuvent choisir d'eux-mêmes de refaire telle ou telle activité. Et leurs demandes modifient le comportement des enseignantes qui se rendent compte que, les années antérieures, elles n'auraient sans doute pas laissé aussi longtemps les ateliers à la disposition des élèves. Sans doute seraient-elles passées à autre chose, et l'élève, lui, serait resté avec son échec et le sourire en coin du camarade plus chanceux...


Une évaluation positive

Il faudra peut-être encore quelques mois d'usage du carnet ou cahier de progrès tel qu'il a été conçu par le groupe des stagiaires de la circonscription pour en affiner les qualités. Mais d'ores et déjà, il apparaît que ce travail est bénéfique. Lorsque chaque école fabriquait son propre livret de compétences, les professeurs des établissements suivants s'arrachaient les cheveux à la lecture des formes multiples que pouvaient prendre ces livrets. On voit bien ici que la continuité est de mise et qu'elle s'inscrit dans une volonté institutionnelle de cerner les compétences pertinentes et donc exigibles à telle période de la scolarité. La cohérence est nécessaire tout au long du cursus scolaire et passe par des outils collectifs, même s'il est parfois difficile de convaincre tous les membres d'une équipe d'en faire usage. Mais l'effet le plus important reste vraisemblablement celui produit sur la façon de travailler des enseignants. Nadine Le Mouée et Mari Niéves San Millan ont constaté un accroissement de la souplesse dans l'organisation des apprentissages pour chaque élève. Elles ont le sentiment de pouvoir réellement individualiser le travail grâce aux échanges avec les élèves sur les tâches accomplies, grâce à l'autonomie dont ils bénéficient, grâce à la dimension temporelle qui n'est plus bornée par le temps des évaluations. Évidemment, des limites existent malgré tout: par exemple, tous les élèves de trois ou quatre ans ne disposent pas de la même maturité motrice pour maîtriser au même moment le graphisme d'un cercle. Et certains, peut-être, ne maîtriseront toujours pas cette compétence en fin d'année, mais c'est leur perception qui est modifiée. Désormais, si l'enseignant décide de travailler une compétence en décembre, l'élève, lui, aura jusqu'en juin autant d'occasions qu'il le souhaitera pour se l'approprier. Gageons que cette confiance et cette lucidité peu à peu inculquée aideront ces jeunes élèves à entrer dans les apprentissages et à y rester les années suivantes !
 
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

N. Le Mouée, M.-N. San Millan, École Herriot-Boncour, Saint-Nazaire [44]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 328 Ko ;

ressource(s) principale(s)

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