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de l'esprit de géométrie à la palette de l'artiste

mis à jour le 16/09/2010


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Enseigner l'histoire-géographie en passant par l'ECJS (éducation civique juridique et sociale) tient du travail d'artiste. Il y a les figures imposées des programmes qui doivent aussi rimer avec créativité ! Une jeune enseignante a puisé dans sa formation et son expérience pour se lancer dans ce savant mélange et tenter de motiver ses élèves. La meilleure façon de le rester elle-même !

mots clés : motiver les élèves, motivation, interdisciplinarité, échanges


Juliette Héron enseigne l'histoire-géographie au lycée Europe de Cholet. Son souci constant est de réussir à "accrocher" un maximum d'élèves à sa matière. Pour autant, elle doit faire avec les contraintes de la planification, de la programmation. Prenons un exemple : celui de la Révolution, ou plutôt, des régimes politiques en France de 1792 à 1851, qui figurent au programme de la classe de seconde. On comprend bien que, pour une passionnée d'histoire, l'avènement de la République, mais aussi la Terreur, le travail constitutionnel de ces soixante années soient des faits majeurs et dignes d'intérêt. Surtout si l'on veut faire en sorte que ces connaissances soient l'occasion, pour le jeune futur citoyen, d'explications et de mises en perspectives avec le monde d'aujourd'hui. Mais comment le faire dans les six heures préconisées par les programmes ? Voilà donc, concrètement, le type de situation qui sert de ferment et à sa réflexion et à sa pratique. D'emblée, lors de son année de formation à l'institut universitaire de formation des maîtres des Pays de la Loire, sur le site du Mans, elle s'est posé la question de la motivation des élèves dans sa discipline. Le titre de son mémoire : La motivation des élèves, en histoire et géographie, mythe ou réalité ? pose clairement les enjeux.

Prendre en compte la motivation des élèves : un geste professionnel

Passer du statut de géographe-chercheuse passionnée, de voyageuse avertie - elle a enseigné au Laos, notamment, dans le cadre de l'Alliance française - au statut de professeure a été pour elle comme une "révolution copernicienne". En cette première année d'enseignement, elle s'est retrouvée dans la situation de devoir trouver des moyens pour les "accrocher" tous, ou presque ! Et cette année-là, "tous", ce sont des visages et des profils différents. Bref, une classe ! Il y a Charly, treize ans et en section technologique. Il a pour objectif de mener cette spécialisation en physique-chimie de laboratoire à son terme, mais avec le projet de passer ensuite un bac scientifique. C'est aussi Vincent, qui redouble dans cette section, faute d'une place en centre d'apprentissage en pâtisserie... La liste pourrait s'allonger. L'enseignante se fait un devoir de prouver à tous, c'est-à-dire à chacun, que l'histoire et la géographie méritent leur attention aussi bien que les disciplines scientifiques ou techniques qui ont motivé leurs choix. Pourtant, la voie est étroite. Si l'engagement d'un élève relève de la perception qu'il a de soi ou du système, elle découvre qu'il appartient à l'enseignant de créer les conditions adéquates à son apprentissage.

Débuts et fins de cours en forme d'accroches

En travaillant sur ce sujet, elle se penche alors sur des travaux de recherche et notamment ceux de Rolland Viau, pédagogue de l'université de Sherbrooke. Dans un ouvrage consacré au français, il énumère les conditions à mettre en place pour faciliter cette fameuse motivation (voir annexe). Elle décide donc de commencer par soigner particulièrement ses débuts et fins de cours pour que l'apprentissage trouve un sens, une résonance, non seulement avec la séance précédente, mais aussi avec le champ d'expérience de l'élève. Ce travail devient, au fil de son année, un rituel qui perdure aujourd'hui au point de figurer sur son cahier de bord personnel. C'est ainsi qu'en face de la séquence consacrée au christianisme, elle note : "je leur ai présenté une série d'images connues de tous : la cathédrale de leur ville, Angers, la couverture de Noël d'un magazine qui représentait une femme portant un enfant, une reproduction du plafond de la chapelle Sixtine et un calendrier des fêtes à souhaiter. Le but était de trouver les points communs entre ces documents. Nous avons posé la question des origines de chacun d'eux et nous nous sommes demandé ce qu'il restait du christianisme dans nos vies de tous les jours, 2000 ans après la naissance de Jésus". En fin de séquence, chacun reprend la question et la situation de départ. Il est alors en mesure de noter sur son cahier des éléments, des symboles issus du christianisme. Pour l'un, ce sera le jour de sa fête, pour l'autre le schéma, la photo de tel site de sa commune. Progressivement, cette démarche s'est doublée d'un rituel pédagogique. Sur la partie gauche du tableau, elle demande aux élèves de reformuler la question posée en début de séquence. Ensuite, ils doivent poser quelques mots clefs sur ce qu'ils retiennent du cours précédent. Une bonne façon de baliser le terrain du cours, et pour l'élève, et pour l'enseignant qui a tendance à toujours vouloir trop en dire !

Construire un projet attractif

Travailler uniquement sur ces microchangements s'avérerait vite insuffisant pour soutenir l'attention et pour apporter de la dynamique à la classe, professeur inclus ! Les situations d'apprentissage se veulent, en théorie, diversifiées et prennent appui sur une dimension authentique, dit toujours Rolland Viau. Concrètement, comment faire ? Autant choisir un point du programme un peu ardu pour les élèves : les dynamiques urbaines. Voilà bien, présenté en ces termes, un point qui risque d'apparaître abstrait, voire rébarbatif. Mais ce serait sans compter sur l'expérience de cette collègue. Quitte à trouver une situation attractive, autant, dans le même temps, trouver une occasion de se faire plaisir. Nous l'avons dit, elle est aussi riche d'une expérience antérieure d'enseignante au Laos. Elle y a gardé des contacts. Autant en faire profiter ses élèves. Elle monte donc un projet visant à échanger avec des lycéens de Vientiane des informations cherchées sur Angers via un forum. Les lycéens angevins recevront, de ce fait, des informations sur une autre situation de dynamique urbaine que celle qu'ils sont conduits à étudier. De quoi, du moins peut-on l'espérer, piquer la curiosité de chacun ! Cerise sur le gâteau, ils devront aussi se lancer dans une démarche de communication et monter une exposition au centre de documentation du lycée.

Un projet mené tambour battant

Ce qui fut dit fut fait. Revenons au départ d'une activité de géographie qui devra se trouver achevée trois semaines plus tard ! Les élèves, dans le cadre de leurs cours en modules, sont en petits groupes et partent sur le terrain. Ils explorent leur ville: un demi-groupe explore la ville centre, un autre ses périphéries. Mais en guise de boussole, ils ont une grille d'analyse de géographe et un questionnaire. Ce ne sont pas leurs seuls outils : ils prennent aussi des photos avec des appareils numériques. Avec tout cela, ils passent de l'observation ciblée à la manipulation de concepts et apprennent à aiguiser leur regard et leur pensée. Au retour, avec cette matière première, charge à eux de réaliser un diaporama à l'aide d'un logiciel dont le maniement est aussi une nouveauté pour beaucoup. Toutes ces manipulations, cette diversité d'outils, font apparaître les compétences des uns et des autres sous des jours nouveaux. Les cartes sont en quelque sorte redistribuées. Une fois toutes ces données réunies, ils peuvent faire de ces connaissances des objets d'échanges et de questionnements sur l'espace forum avec leurs homologues laotiens. Mais ce n'est pas fini ! Afin de partager aussi ces connaissances avec leurs camarades du lycée, ils réalisent une exposition photo au CDI pour illustrer des termes essentiels comme métropolisation, centralité ou périphérie... autant de notions qui, avec d'autres, feront l'objet, en classe cette fois, d'une mise au point synthétique et d'une évaluation. Le tout consigné dans un dossier de synthèse personnel. Alors, mission accomplie ? Oui, mais avec modestie. Les élèves ont mordu à l'activité. Ils ont ouvert leurs horizons. Des apprentissages ont été réalisés. Mais la recette magique n'est pas pour autant trouvée. Sur cette piste de la motivation des élèves, il faut sans cesse inventer et continuer à chercher (voir annexe).

Jeux de rôles et mises en situation

Cette enseignante mise aussi beaucoup sur le jeu et la mise en scène. Il s'agit, là encore, d'aider l'élève à se rapprocher des savoirs savants pour les faire siens. Pour cela, elle s'inspire notamment des sites spécialisés en ce domaine 1. Elle y trouve parfois des situations qu'elle adapte. Reprenons comme exemple le programme de la Révolution que nous avons mentionné en début d'article. Les élèves trouvent dans un dossier un ensemble de documents et de connaissances historiques qui leur permet de repérer les éléments dont ils auront besoin pour accomplir la tâche qui est la leur. En l'occurrence, il s'agit pour eux d'imaginer puis de créer un personnage qui a pu vivre cette période et de se mettre à sa place en adoptant son point de vue. Il a des opinions. Il a vécu un certain nombre d'événements choisis dans la réalité historique et, pendant tout ce temps, il a tenu son carnet de bord. Feuilletons-en un. Il s'agit là d'un jeune homme de dix-sept ans. "Je m'appelle Jean Prenduvain et je suis né le 8 août de l'an de grâce 1767", peut-on lire au début de son journal. Il vit en Vendée et son éducation religieuse de paysan pauvre explique ses opinions. C'est donc à travers les guerres de Vendée que ce héros va vivre la Révolution, avec un point de vue affirmé et plausible. Tout au long du texte, les références historiques se doivent d'être précises : cahier de doléances, guerre de Vendée, mais aussi l'abolition de l'esclavage en 1794, la chute de Robespierre. Et ce sont ces éléments historiques que vérifie l'enseignante. Pour autant, elle n'est pas au bout de ses surprises. À la fin du texte, une énorme tache rouge. "Je crois que c'est la fin" signe une main hésitante, non sans une certaine ironie !

Alerte !!!

L'année dernière, lasse d'effectuer avec les secondes des débats stériles et sans vie en ECJS, elle a aussi organisé une mise en scène pour travailler l'argumentation. Méthode certainement classique pour des professeurs de lettres, mais probablement plus rare en histoire-géographie. Alerte, donc ! Les élèves, en binômes, devaient persuader une communauté incrédule, la classe en l'occurrence, qu'un risque imminent allait s'abattre sur eux, provoquant à n'en pas douter une catastrophe terrible si des mesures n'étaient pas prises très rapidement. Ce n'est pas une fantaisie : le programme de géographie met les risques au programme de seconde. Le résultat a été à la hauteur des attentes. Pour y parvenir, les élèves, un peu surpris car c'était la première fois qu'ils avaient à entrer dans ce type de dispositif, devaient choisir un risque, une cible géographique, un délai. À partir de cette situation, charge à eux de monter un argumentaire pour expliquer les facteurs aggravants, de proposer des solutions qui limiteraient la portée de la catastrophe. Pour cela, ils disposent de sources documentaires variées. Leur cours, certes, mais aussi des documents plus historiques comme des photographies de Dorothéa Lange 2, des films, des chansons, des reproductions artistiques. En géographie, ils ont accès à un logiciel de cartographie, des documentaires, une chanson de Juliette intitulée Les garçons de mon quartier et des photographies de paysages. En groupes, ils se décident donc et se lancent dans la construction de l'argumentaire où vont jouer persuasion et conviction. Enfin, ce sera le jour de l'alerte. Un débat, un vrai celui-là, va pouvoir se jouer. Il ne s'agit pas d'un échange d'opinions contradictoires où tout se vaudrait. Les opinions, c'est comme les couleurs, dit-on, cela ne se discute pas. Mais ce qui va pouvoir se jouer sera un débat argumenté, appuyé par des connaissances, un débat fondateur d'une véritable citoyenneté.

Alors la motivation, mythe ou réalité ?

Nous quittons là une enseignante pleine de projets mais aussi perplexe. Sera-t-elle longtemps apte à se montrer créative ? Elle reprend aussi, de manière plus large, les réflexions et le questionnement de Françoise Clerc quand elle s'interroge sur la nécessité de la motivation ou quand elle se demande si la motivation ou l'intérêt pour une question suffisent pour qu'il y ait accès aux savoirs 3.

1. Jouer en classe
LUDUS, http://lewebpedagogique.com/reseauludus/
http://histgeo.discip.ac-caen.fr/ludus/sommfiche.htm
http://histgeo.discip.ac-caen.fr/ludus/ppas.htm
À partir de ces adresses, les enseignants pourront trouver toute une série d'activités ludiques en histoire-géographie et ECJS, destinées à créer ou relancer l'intérêt des élèves. Ces jeux sont reliés avec les éléments du programme.
2. http://www.masters-of-photography.com/L/lange/lange.html
3. Cahiers pédagogiques, n° 429/430
 
auteur(s) :

C. Riou

contributeur(s) :

J. Heron, Lycée polyvalent Europe-Robert-Schuman, Cholet [49]

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information(s) technique(s) : pdf

taille : 164 Ko ;

ressource(s) principale(s)

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