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des aménagements compensatoires

mis à jour le 15/11/2012


echanger dossier 3

Comment l'école prend-elle en compte et en charge les élèves souffrant de troubles du langage ? Comment s'y adapte-t-elle et que prévoit-elle afin de leur faciliter la tâche ?

mots clés : échanger, collège, handicap, troubles du language, dyslexie, public spécifique, aménagement


Depuis la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap 1, l'Éducation nationale est tenue à une prise en charge plus aboutie de ce public spécifique. Bien sûr, ce n'est pas si nouveau, puisque trente ans auparavant déjà, une loi d'orientation en faveur des personnes handicapées fixait déjà un cadre juridique à l'action des pouvoirs publics, y compris dans le domaine de la scolarité. Mais comme le souligne Yannick Drouet, professeur-ressource pour l'adaptation et la scolarisation des élèves handicapés au rectorat de Nantes, un pas décisif a été franchi dans la mesure où l'on est passés d'une logique intégrative édictée par la loi de 1975 à une logique inclusive présidant aux décrets votés en 2005 dans un cadre ordinaire de travail et de vie. À cette occasion, a été annoncé le recrutement de huit mille auxiliaires de vie scolaire (AVS). Tel est le cas dans le domaine des troubles des apprentissages dont la dénomination débute par le préfixe dys employé dans le sens de "douloureux" ou "défaillant". La dyslexie, la dyscalculie et la dysorthographie 2 peuvent être associées, chez un même individu. Outre les conséquences sur le plan cognitif, ils peuvent également avoir des répercussions sur le plan émotionnel et/ou comportemental, notamment dans les cas de dyspraxie 3. S'ils perturbent la lecture, l'écriture, voire la maîtrise orale du langage dans le cas de la dysphasie, ils commencent à être de plus en plus connus et reconnus. Des enseignants formateurs interviennent dans les établissements scolaires afin d'informer et de sensibiliser les équipes éducatives. Ces actions s'inscrivent dans le cadre de formations de proximité pour les établissements du second degré. Négociées avec le chef d'établissement, elles se déroulent généralement sur deux journées et demie, une demi-journée théorique avec l'intervention d'un médecin de l'Éducation nationale et d'un orthophoniste, suivie de deux journées pédagogiques animées par des enseignants formateurs 4.

Vous avez dit dyslexie ?

Au préalable, il est bien évident que le point de départ réside dans une meilleure connaissance de ces troubles qui concernent 4 à 6 % des enfants. Par troubles spécifiques des apprentissages (TSA), on entend les troubles d'un ou plusieurs apprentissages : langage oral, langage écrit, calcul, graphisme, etc. Partie intégrante des TSA, la dyslexie se caractérise par des troubles durables et significatifs du langage écrit, sans altération des facultés intellectuelles, et ne pouvant s'expliquer par une cause identifiée. L'Inserm 5 avance plusieurs hypothèses: il peut s'agir d'une anomalie du traitement des sons (théorie phonologique), d'une mauvaise migration des neurones (théorie neuronale), d'une difficulté dans le traitement de l'information visuelle du fait d'une fenêtre attentionnelle réduite (théorie visuelle), à moins que le trouble ne se transmette de manière héréditaire (théorie génétique). Précisons que le symptôme dys varie selon l'importance du dysfonctionnement, le potentiel de suppléance de l'individu, et le poids des facteurs psychologiques et environnementaux. Quoi qu'il en soit, dans tous les cas, ces élèves souffrent le plus souvent d'une grande fatigabilité et de troubles de l'attention, tandis que leurs résultats s'avèrent très variables. L'automatisme de l'écriture manuelle sera difficile et parfois impossible à obtenir (voir annexe). Source de grande souffrance psychique, la dyslexie nécessitera toujours un contrôle attentionnel massif aux dépens des tâches de haut niveau telles que la compréhension, la sélection des informations et la mémorisation. La lenteur, voire des difficultés de mémorisation, caractérisent les enfants dyslexiques. On s'efforcera de les compenser par la clarté de la mise en page, l'oralisation et la visualisation. L'anxiété de performance et la faible estime de soi sont également fréquemment rencontrées dans cette population. On remarque également parfois des difficultés de relation avec les pairs, et des relations familiales conflictuelles.

Handicap ou non ?

Deux cas de figure sont à distinguer. Soit l'élève est reconnu comme handicapé par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDA), soit il n'a pas de reconnaissance du handicap. Dans le premier cas, lorsque l'élève souffre d'un handicap reconnu par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), il peut bénéficier d'un Projet personnalisé de scolarisation (PPS) (voir annexe). L'équipe pluridisciplinaire est l'instance technique associée à la CDA. C'est elle qui instruit le dossier de la personne handicapée : elle procède à l'évaluation des besoins de la personne et élabore le projet de compensation du handicap (PPC) qui est ensuite soumis à la CDA. L'équipe pluridisciplinaire est une instance à coloration médicale. Elle est parfois coordonnée par un médecin. Les décisions prises concernent le projet de vie du jeune : scolarité, transport, aménagement du lieu de vie, etc. Elles peuvent donner lieu à des prestations financières, des aides humaines ou matérielles. Le PPS est l'un des volets du projet de vie qui est mis en place au titre de la compensation. Il constitue un document dérogatoire qui a force de loi et dont l'application s'impose au système scolaire. Par exemple, le PPS peut permettre d'aménager l'emploi du temps de l'élève, de lui attribuer du matériel informatique, un AVS ou une aide médicosociale. D'autres mesures peuvent consister en des adaptations pédagogiques en classe et l'aménagement des examens et des concours: temps supplémentaire, secrétariat, aménagement d'épreuves. Autre cas de figure, un trouble a été diagnostiqué par un orthophoniste, mais sans qu'il soit reconnu par la MDPH ; on peut alors élaborer à son intention un Projet d'accueil individualisé (PAI), initialement réservé aux enfants malades. Interne à l'établissement, ce PAI a le statut d'un contrat qui ne vaut que dans ce contexte scolaire déterminé. Il comporte des recommandations moins injonctives que dans le cas précédent, mais avec le même objectif de compensation. Le PAI initial, mis en place si nécessaire, sera valide pour tout un cursus scolaire (élémentaire, collège, lycée) sans qu'il soit nécessaire de réviser ce document chaque année. Ce PAI est revu en présence du médecin de l'Éducation nationale à chaque changement de niveau (CP, 6e et 3e). Quel que soit le degré des troubles, il s'agit de ce que l'on peut appeler un déficit dont la sévérité ne justifie pas une reconnaissance de handicap.

Aménagements

Comme tout élève ayant une reconnaissance de handicap, l'élève reconnu dyslexique par la CDA peut bénéficier d'aménagements de sa scolarité au titre de la compensation 6. L'aménagement le plus connu est ce que l'on a coutume d'appeler le tiers temps qui est en fait un temps supplémentaire dont le taux est variable. La dyslexie est en effet source de lenteur et de fatigue et l'accroissement du temps imparti à une épreuve corrige ces facteurs. L'élève peut, par exemple, être obligé, de par sa situation, à faire des pauses régulières au cours d'un devoir. Lorsqu'un candidat aux examens présentant un handicap ou une incapacité temporaire effectue une demande d'aménagement d'épreuves, celle-ci est traitée par la Divec 7 puis transmise, avec l'avis d'un médecin nommé par la CDA, au recteur qui prend une décision concernant les aménagements demandés. Ainsi, dans le cas d'un PPS, celui-ci sera automatiquement accordé. Dans celui du PAI, cet accord n'est pas obligatoire, mais en règle générale, l'élève bénéficie de cet aménagement. De même, si cela est jugé nécessaire, un secrétaire peut être mis à disposition du candidat.

Du côté de l'informatique

Certains élèves dyslexiques peuvent bénéficier d'aides informatiques telles que le logiciel Medialexie dont le coût s'élève à 1300 euros pour une licence multipostes. Ce logiciel de reconnaissance et de synthèse vocale permet de transcrire un écrit à l'oral, et inversement. Mais l'élève doit être accompagné pour sa prise en main, car son maniement est complexe. Le logiciel Dragon, qui diminue la fatigue, est moins onéreux, de l'ordre de 200 à 300 euros. On peut également mentionner des logiciels gratuits comme, par exemple, des dictionnaires prédictifs. Ce type de logiciel permet notamment de faciliter le travail par une mise en page et une typographie adaptées. On recommande aussi de ne pas justifier les textes, comme c'est le cas dans cet article, afin de faciliter le repérage du passage à la ligne. Il faut aussi rechercher une police et une taille de caractères adaptées à l'élève. La Comic Sans MS est souvent utilisée. Pour renforcer le confort de lecture, l'interligne doit souvent être augmenté. La formulation des questions, la clarification de leur libellé et la sériation des tâches constituent autant de voies d'accès au succès, pour nombre d'élèves.

De multiples pistes pédagogiques


Quatre séries de pistes peuvent être explorées. Elles portent sur le rapport à l'écrit, l'acquisition des savoirs, la mémorisation et les méthodes de travail. Il importe donc d'abord d'alléger la charge mentale de l'élève afin qu'il puisse se concentrer sur l'objectif poursuivi, tant au niveau de la lecture que de l'écriture. Faire lire les consignes à haute voix par un tiers, les enregistrer, donner avant le cours un texte qui sera étudié, constituent autant de pistes qui sont de nature à faciliter la lecture. De même, tout en gardant des exigences réelles sur le plan de l'écrit, il convient, selon les circonstances, d'envisager divers détours comme faire écrire par un tiers, faire enregistrer les réponses de l'élève puis les lui faire écrire, remplacer l'écrit par l'oral, donner un polycopié, faire écrire un résumé du cours tout en fournissant un enregistrement de celui-ci, remplacer un schéma à réaliser par un schéma à compléter, etc. La seconde voie à emprunter vise à favoriser l'acquisition des savoirs. Pour ce faire, l'enseignant adaptera sa stratégie pédagogique au profil cognitif de l'élève, auditif, visuel, kinesthésique. En effet, une approche multisensorielle permet de stimuler le cerveau de plusieurs façons, ce qui facilite l'acquisition des apprentissages. Les supports de cours doivent être lisibles de gauche à droite, en soignant leur clarté et leur présentation aérée. De plus, sur le plan du vocabulaire, diverses techniques peuvent aider à le manipuler pour mieux l'assimiler. On veillera à fournir un lexique de mots nouveaux, répéter ceux-ci le plus souvent possible durant le cours, gestes à l'appui, réactiver ce vocabulaire au cours suivant. On peut également susciter chez l'élève des images mentales en associant le visuel, l'auditif, le kinesthésique et le gestuel. Le troisième point concerne la mémorisation; à ce sujet, il est bon de sensibiliser l'élève à la mnémotechnie qui lui conviendra le mieux selon son profil cognitif. Il faut enfin chercher à automatiser les méthodes de travail par la répétition et la prise de conscience de celles-ci et les processus qu'elles impliquent.
 

Méthodologie

Par ailleurs, il est recommandé d'aider ces élèves à organiser leurs idées, par exemple, en les incitant à s'en faire un film visuel ou auditif, en les visualisant sous forme de schéma heuristique. Afin de les aider à s'organiser dans le temps et l'espace, on peut recourir aux couleurs, faire utiliser un cahier plutôt qu'un classeur, clarifier au maximum les supports de cours et structurer les documents écrits. Il est important de donner des clés pour réussir. À cet égard, il convient de questionner l'élève sur sa démarche de travail, de le faire réfléchir à ses stratégies et ses processus d'apprentissage, de l'entraîner à raisonner par analogie. Il importe avant tout de valoriser l'élève en prenant appui sur ses potentialités, en lui demandant, par exemple, comment et pourquoi il a réussi tel ou tel exercice de manière à ce qu'il consolide ses points forts.

Écoute bienveillante

Au collège de Goulaine, Betty Rosner est, depuis 2008, en charge des élèves souffrant de dyslexie. Après avoir suivi une formation dans ce domaine, elle coordonne les équipes pédagogiques concernées. Selon elle, le maître-mot est bienveillance. Elle commence par écouter les élèves dyslexiques à raison d'une heure hebdomadaire qui leur est dédiée, et intégrée dans l'emploi du temps. Quelles difficultés pratiques rencontrent-ils ? Par exemple, quelles police et taille de caractères leur conviennent ? Qu'est-ce qui les gêne quant à la mise en page, au libellé des questions ? De manière empirique, des préconisations émergent, qui sont transmises aux équipes pédagogiques des classes concernées, telles que l'emploi d'une police de caractères arial 14, par exemple. En 2011-2012, trois élèves répertoriés comme dyslexiques se trouvent dans une classe de troisième, et, dans deux classes de cinquième, cinq dans chacune d'entre elles. Betty Rosner cite le cas de deux élèves qui, à leur arrivée au collège, manifestaient 80 mois de retard de lecture. Elles avaient donc, en sixième, le niveau du CP/CE1. Celles-ci poursuivent actuellement leurs études dans un lycée général, et leurs professeurs attendent avec impatience de découvrir leurs bulletins du premier trimestre. Toutes deux ont obtenu le DNB, l'une avec la mention assez bien, l'autre avec la mention bien. Elles ont bénéficié d'un temps supplémentaire qui a eu pour effet de réduire leur stress dans la mesure où elles doivent lire plusieurs fois un écrit avant de l'appréhender. En anglais, elles étaient évaluées à l'oral uniquement. Elles ont été particulièrement performantes en histoire des arts où elles ont présenté, sous forme d'un diaporama, une analyse d'une scène du film Persépolis et d'une gravure de Norman Rockwell. Lorsqu'elles dressent le bilan de leur cursus à partir de la classe de collégiennes, elles apprécient d'avoir été "prises en compte", selon leurs propres mots, d'avoir pu exposer leurs difficultés, et de s'être senties libres d'en parler. L'une a suivi des séances d'orthophonie, l'autre de sémiophonie. L'une compte étudier le droit afin de défendre les enfants, l'autre se destine à être éducatrice.

Par d'autres voies

Betty Rosner regrette amèrement d'avoir, par le passé, gâché la scolarité d'enfants dyslexiques en attendant d'eux ce qu'ils n'étaient pas en mesure de réaliser. En tant qu'enseignante de français, elle mesure mieux la relativité des exigences orthographiques lorsque les priorités sont d'un autre ordre. Elle considère qu'il s'agit bien sûr de faire progresser ces élèves, mais par d'autres moyens. Les élèves dyslexiques pourront appréhender plus aisément l'œuvre littéraire en visionnant le DVD correspondant. Un autre handicap à compenser, directement corrélé à la dyslexie, est un déficit de mémoire à long terme afin de faire accéder au même but par d'autres voies. Grâce à un dictaphone, les questions du professeur sont enregistrées. L'élève pourra ensuite enregistrer oralement ses réponses. Comme le rapporte Haruki Murakami dans sa dernière trilogie romanesque, il n'est pas étonnant de trouver dans une classe deux ou trois enfants dyslexiques. Einstein était dyslexique. Et aussi Edison. Et Charlie Mingus également" 8. Ce dysfonctionnement n'empêche donc pas le génie ! Si l'évolution conduit à scolariser un nombre croissant d'élèves en situation de handicap au sein de l'Éducation nationale, leur devra-t-on d'aussi puissantes découvertes ?

1. Selon l'article L.114 de cette loi, "Constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant."
2. L'article d'Échanger "La dysorthographie n'est pas une maladie incurable" dans ce même dossier.
3. La dyspraxie est une atteinte neurologique présente chez environ 6 % des enfants, qui se traduit par un trouble, plus ou moins sévère, de la planification et de la coordination des mouvements nécessaires à l'exécution d'une action volontaire. Cela se traduit par une difficulté à penser et à organiser une action dans sa tête, et à rendre cette action de plus en plus automatique de façon à l'exécuter sans y repenser.
4. Dont Marie-Annick Thomas-Bore, enseignante retraitée et fondatrice de l'Apeda.
5. On consultera avec profit, sur le site de l'Institut national de la Santé et de la Recherche médicale, les considérations de spécialistes en sciences cognitives sur les troubles de l'apprentissage.
6. Compensation /k/.p.sa.sj/ féminin
1) Action d'établir un équilibre entre deux choses complémentaires ou antagonistes.
2) Dédommagement d'un mal par un bien, d'une perte par un profit, d'un inconvénient par un avantage, d'une valeur moindre par un supplément.
7. Les examens comptables, les baccalauréats généraux, technologiques et professionnels, les BTS, le brevet professionnel (BP), les CAP, les BEP, les mentions complémentaires (MC) et le Diplôme national du brevet (DNB) relèvent de la Division des examens et des concours.
8. In 1Q 84, livre I, avril-Juin, p.179, Éditions Robert Laffont, 2011. L'un des deux protagonistes, Tengo, professeur de mathématiques, est chargé par un éditeur de réécrire un roman prometteur La Chrysalide de l'air, censé avoir été écrit par une adolescente dont il se rend compte qu'elle est dyslexique...
 
auteur(s) :

J. Perru

contributeur(s) :

Y. Drouet, B. Rosner, Collège de Goulaine, Basse Goulaine [44]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 810 Ko ;

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