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des concepts qui se laissent voir

mis à jour le 15/01/2010


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Périurbanisation, métropolisation, aménagement du territoire, toutes ces notions doivent être acquises et comprises par les élèves de lycée. Si la restitution des connaissances laisse penser que le cours est su, on peut néanmoins se demander quel lien est fait par les élèves entre leur propre territoire et les concepts étudiés. Pour répondre à cette interrogation, deux enseignantes d'histoire et géographie ont expérimenté de nouvelles séquences.

mots clés : géographie, aménagement, sortie, urbanisation


C. Ferchaud enseigne depuis plusieurs années au lycée Alcide-d'Orbigny à Bouaye, une commune d'environ cinq mille habitants, située à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Nantes. Chaque année, elle constate combien il est difficile pour les élèves de se représenter, au-delà des mots, ce qu'est la rurbanisation ou l'aménagement du territoire. Ces notions, qui font partie du programme de première, doivent être comprises tant dans leur dimension locale qu'européenne ou nationale. D'ailleurs, la plupart des manuels commencent par la plus grande échelle, soit l'Europe, pour finir par un zoom sur la plus petite. Pour autant, et malgré différentes approches pédagogiques, l'enseignante d'histoire-géographie constate la difficulté des élèves à utiliser les connaissances acquises pour donner du sens aux transformations de leur environnement proche ou lointain. C'est pourquoi, il y a deux ans, elle a décidé d'expérimenter une nouvelle façon de travailler 1 avec ses élèves de première scientifique, lesquels n'ont pas caché leur surprise en découvrant qu'ils allaient devoir marcher autour de leur lycée !

Une déambulation organisée

Une sortie "bizarre", "un peu trop près du lycée", qui déclenche un enthousiasme modéré pour ces adolescents qui ont l'habitude, pour la plupart, d'arriver en car aux portes de leur établissement. Celui-ci a été construit en plein champ, il y a une dizaine d'années, et fait aujourd'hui partie d'un quartier constitué d'une zone résidentielle et d'une zone d'activités économiques. Comme le précise C. Ferchaud : "Sa création répondait aux besoins de la population du Sud-Loire, en pleine expansion. Avec le prolongement de la voie rapide de Nantes vers le littoral, la commune entend jouer la carte de sa position géographique pour attirer les entreprises". Rien de très exaltant, a priori, pour des lycéens, mais l'enseignante a préparé un parcours guidé qui conduit les élèves à faire une visite complète, y compris celle du parc des entreprises. Durant les deux heures de "promenade", les consignes données permettent aux élèves de se repérer dans l'espace avec carte et plan tout en observant certains points obligatoires pour bien comprendre ce qu'ils sont en train de découvrir : les transformations récentes d'un espace. Répartis en groupes pour aller collecter les informations, les élèves sont invités à chaque étape à regarder, à noter les signes visibles de ces transformations (voir annexe). Les entreprises ont été prévenues et les élèves ont la possibilité de poser toutes les questions qui vont leur permettre de découvrir ce qui se passe autour de leur établissement. Quelle est la nature de l'activité ? En quoi l'implantation sur Bouaye présente-t-elle un intérêt ? Qui est à l'origine de cette installation ? Des rencontres avec des habitants de la zone pavillonnaire les informent également sur les raisons des choix faits par les familles. À la fin de la séance, les élèves ont le temps d'ordonner leurs observations afin d'en garder une trace exploitable ultérieurement.

Changer de point de vue

Après cette séance d'arpentage et de découvertes au niveau du sol, la suite du travail se passe en salle multimédia. L'enseignante a réuni, dans un diaporama, une série de photographies des alentours du lycée, datant de 2004. Les espaces sont encore en chantier, les voies de communication également. Les élèves confrontent alors ces témoignages visuels avec la vision aérienne du même lieu, proposée par Géoportail (voir annexe). Le point de vue est différent et incite à s'interroger sur les aménagements et leurs impacts sur l'espace. Le site de l'IGN (Institut géograpique national) est également très intéressant car son ancienneté facilite les comparaisons. Enfin, il faut aussi rechercher qui est à l'origine de quoi, quelles sont les institutions qui prennent les décisions qui engagent la vie collective, quels sont les liens entre les décisions politiques d'une ville ou d'une région et les choix personnels des citoyens. Les élèves réalisent alors un organigramme au niveau local puis ils réutilisent cet outil schématique pour expliquer les transformations des espaces au niveau national. Pour l'évaluation, il s'agira de réaliser un croquis à partir d'une série de documents qui traiteront de l'aménagement du territoire, au niveau départemental, cette fois. Le déroulement de la séquence incite les élèves à utiliser leurs connaissances construites grâce à l'étude menée de manière concrète. L'apport théorique a été donné lors du cours sur l'aménagement du territoire à l'échelle nationale, et l'évaluation permet de mesurer l'acquisition de compétences de natures différentes : adapter, à l'échelle locale, le croquis fait à l'échelle nationale sur l'aménagement du territoire, acquérir l'outil visuel approprié à une étude de l'aménagement de l'espace qui se construit à partir des connaissances acquises pendant la séquence.



Poser un nouveau regard

Les élèves avaient l'impression d'évoluer dans un univers simple, voire banal, ils ont pris conscience de la complexité d'une politique d'aménagement du territoire. Certains ont fait le lien entre leur vécu et la réalité étudiée en se remémorant les choix de leurs propres familles : celles qui ont quitté un quartier nantais devenu trop onéreux pour aller vers une commune rurale bien reliée à la ville, ou celles qui ont quitté un hameau éloigné et peu équipé pour se rapprocher des services pratiques qu'offrent les communes intégrées à la communauté urbaine. L'organigramme a été bien utilisé et a permis de mettre en évidence la logique des implantations (voir annexe). Ces travaux montrent que les élèves commencent à conceptualiser les notions abordées. Les deux autres types d'exercices attendus, la représentation sous la forme du croquis et la rédaction de synthèse, sont restés des exercices ardus pour la classe, mais certains les ont néanmoins bien maîtrisés1. De toute façon, cet apprentissage va se poursuivre tout au long de l'année. L'enjeu de cette séance était davantage lié à la volonté de l'enseignante de faire rentrer ses élèves dans l'espace, de leur faire franchir les portes entre le familier et l'inconnu 2. Et ce n'est pas un vain mot puisque certains ont découvert les pistes cyclables qui relient le lycée au centre de Bouaye. L'année suivante, C. Ferchaud a recommencé la même séquence avec, cette fois, une classe de première série ES (économique et sociale). La spécificité de chacune des filières s'est exprimée avec une certaine aisance à appréhender qui les connexions logiques entre les acteurs et les aménagements, qui les impacts socioéconomiques. D'autres projets sont en réflexion, comme celui de suivre la ligne du tramway nantais qui s'enfonce de plus en plus dans les communes environnantes, transformant ainsi complètement les possibilités de déplacement de la population. De plus, l'intérêt de ce travail a conquis les collègues d'histoire et géographie de C. Ferchaud qui, à leur tour, se sont emparés de ce dispositif, allant même parfois plus loin encore.

De l'histoire à la géographie

Après avoir réalisé la séquence décrite ci-dessus avec sa classe de première ES, K. Gratton, professeure d'histoire et géographie, a décidé de poursuivre dans le même esprit en organisant une journée à Nantes. L'objectif était double, faire l'étude d'une des parties du programme d'histoire, la période industrielle et les bouleversements urbains qui y sont liés, et travailler l'un des thèmes majeurs du programme de géographie, l'aménagement de l'espace. Le programme de la journée était riche et commençait par la salle d'exposition du Musée de Nantes, consacrée à la période industrielle. Les élèves connaissaient la place du commerce triangulaire dans le développement de la ville au XVIe et au XVIIesiècle, ils ignoraient en revanche les effets de l'industrialisation. Après avoir découvert cette période riche en transformations architecturales, la classe est allée visiter l'île de Nantes. L'endroit fut un haut lieu de la construction navale, il est actuellement entièrement réaménagé avec une double volonté: en faire un quartier rénové, lieu de promenade et de travail, tout en lui conservant sa spécificité patrimoniale. Ils avaient un guide très impliqué dans l'évolution de ce quartier. En effet, une association située sur l'île, la Maison des Hommes et des Techniques, regroupe d'anciens salariés des chantiers navals qui œuvrent à la préservation de l'histoire sociale, industrielle et économique du lieu. L'aménagement récent de l'île, très contemporain, répond aux politiques locales actuelles: se réapproprier l'histoire de la ville dans des réalisations modernes. Pour préparer cette rencontre, l'enseignante a exploité un DVD3 sur le quartier. Réalisé durant la période de friche industrielle, il montrait bien les différents impératifs économiques qui ont alors alimenté les discussions autour du projet de destruction totale du site ou de celui de sa réhabilitation.

Un débat passionné

Grâce à la découverte de l'impact de l'histoire industrielle dans l'évolution de la ville, les élèves ont été très sensibles aux questionnements actuels qui traversent les collectivités locales. Pour certains, l'histoire semble trop lourde à porter pour les générations suivantes, tant du point de vue symbolique que financier, et ses traces architecturales doivent être effacées. Pour d'autres, l'espace est un patrimoine qui nécessite un devoir de conservation et donc de transformation pour l'intégrer dans l'organisation de la cité. Les débats étaient si vifs, entre les deux moitiés de la classe, que l'enseignante a utilisé la séance suivante pour une heure d'ECJS (Éducation civique, juridique et sociale) sur le thème : que fait-on de notre Histoire ? Les élèves avaient vu et entendu beaucoup de choses, ils avaient les uns et les autres des arguments réfléchis qui les ramenaient sans cesse aux choix que doivent faire les élus pour aménager le territoire. Pour les aider dans leur réflexion, l'enseignante leur a également fourni différents documents : la chronologie des opérations, les consultations des habitants et les décisions municipales, une interview de l'architecte qui met en avant la nécessité d'un enjeu politique avec un projet qui n'évince personne, une plaquette créée pour communiquer sur les atouts du projet, réalisée par la Samoa (Société d'aménagement de la métropole Ouest Atlantique). De la sortie nantaise aux séances de classe suivantes, les élèves de cette première ES ont petit à petit pris conscience qu'ils venaient de découvrir deux grandes périodes de transformations. Celle qui avait eu lieu avec l'industrialisation avait profondément modifié la ville grâce, entre autres, aux nouveaux moyens de transports. Quant à celle qui se produisait là sous leurs yeux, elle était en train de faire passer la ville d'une ère industrielle à une ère tertiaire, en valorisant un espace auparavant dédié à la construction, et désormais destiné à de multiples services.

Franchir les portes de la ville

Les élèves de K. Gratton ressemblent évidemment beaucoup à ceux de C. Ferchaud et à tous ceux qui habitent près d'une grande ville, mais dans une zone encore semi-rurale. Ils savent se rendre dans le centre-ville et stationner des heures entières sur les marches de tel ou tel grand magasin, mais bien souvent, ils ne connaissent rien d'autre de la ville en dehors des grands centres commerciaux implantés sur les boulevards extérieurs. Alors, l'enseignante, tout comme sa collègue initiatrice des sorties sur le terrain, avait bien l'intention d'ajouter à sa sortie nantaise une autre dimension, celle de la découverte des réseaux. Elle avait pour objectif de montrer à ses élèves les possibilités de déplacement dont ils disposent pour parcourir l'espace urbain ; elle voulait également leur faire observer les flux de population et donc les enjeux du développement du réseau routier, ferroviaire et fluvial! Durant toute la journée, ils ont utilisé l'ensemble des moyens de transport qui sont à leur disposition : le bus, le navibus, le tramway et le TER (transport express régional). Les élèves, très motivés par cette petite aventure, ont découvert Nantes vue du fleuve, ils ont apprécié la simplicité du tramway et la rapidité du train... De retour en classe, ils ont aussi travaillé sur les enjeux politiques du développement des transports à partir de leurs propres remarques: "Si l'attente entre deux bus est supérieure à vingt minutes, on ne le prend pas, c'est trop long", "Si l'on doit changer trois fois de transport, on prend la voiture"... et "Lorsque l'on a pris le TER, s'il n'y a pas de bus pour rejoindre son domicile et qu'on n'a pas de scooter...". Les élèves comprennent qu'il y a des différences entre la politique d'une ville et celle du territoire plus vaste qui l'entoure. Ils se rendent compte aussi que s'ils se plaignent constamment de l'éloignement de Nantes, arguant de cela pour rester dans leur commune, c'est peut-être parce que l'inconnu fait peur et que le familier rassure, une bonne raison de plus pour emmener ces élèves de la grande périphérie fouler leur espace du plus près au plus loin !


1. Aménager un territoire, l'exemple de Bouaye sur le site académique de Nantes, espace pédagogique >second degré >histoire-géographie >enseignement >leçons-séquences puis dans organiser le sommaire, thème: géographie; notion: ville/espace urbain/périurbain; niveau: 1re.
2. L'ambition finale est de rendre les élèves capables de se sentir plus tard responsables de la gestion des territoires, de mettre en pratique leur savoir géographique dans leur vie personnelle et sociale. Il s'agit donc bien d'enseigner une géographie utile et citoyenne. Extrait du document d'accompagnement de programme-histoire et géographie-classe de première des séries générales de 2003.
3. P.-F. Lebrun, "La ville, le fleuve et l'architecte", Ouest-France, Avéria Éd., 2000.
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

C. Ferchaud, K. Gratton, Lycée Alcide-d'Orbigny, Bouaye [44]

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