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poésie urbaine

mis à jour le 17/06/2010


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Déambulation nantaise, tel est le titre du recueil de poèmes réalisé par une classe de lycée professionnel après avoir cheminé dans la Cité des Ducs. En quoi la ville peut-elle être un prétexte à l'écriture ? Comment rendre compte poétiquement de l'espace urbain en conjuguant littérature et histoire ?

mots clés : espace, écriture, poésie, découverte de la ville


Selon Charles Baudelaire, "La forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel". Quel passé recèle un lieu ? Pourquoi retracer son évolution historique ? Comment explorer poétiquement la ville de Nantes ? C'est ce à quoi s'est attelée une classe de première préparant les baccalauréats professionnels "structures métalliques" et "systèmes électroniques numériques", composée d'une quinzaine d'élèves. Leur professeur de français et d'histoire-géographie a élaboré une séquence intitulée "La ville, une source pour l'écriture", combinant deux objets d'étude de l'une et l'autre disciplines, soit d'une part, l'évolution historique d'un espace urbain, d'autre part, la poésie. Les objectifs sont triples. D'abord, étudier les caractéristiques des textes poétiques afin d'être en mesure de les apprécier, de les analyser et de les commenter. Puis découvrir la ville de Nantes, son histoire et sa topographie. Enfin, produire un poème ayant Nantes pour thème.

Décrire la ville par les émotions

En français, les élèves ont tout d'abord étudié un corpus de poèmes ayant pour points communs, sur le plan thématique, la ville et, sur le plan formel, une vision impressionniste de celle-ci. Ce florilège urbain comprend "Il pleure dans mon cœur" de Paul Verlaine, "Belles villes du matin" de Jules Romains, "New-York" de Léopold Sedar Senghor, "La Ville" de Saint-John Perse et "De la difficulté qu'il y a à imaginer la cité idéale" de Georges Pérec. Ils ont analysé diverses formes d'écriture et les procédés littéraires caractéristiques du texte poétique. Du rythme aux images, en passant par l'énonciation et l'évocation, ils ont cerné les éléments du registre lyrique. Au cours de l'analyse de ces poèmes urbains, l'accent a été mis, d'une part, sur la représentation poétique de l'espace avec des parti pris et des choix affirmés. Ainsi, Senghor personnifie-t-il la mégapole. D'autre part, c'est la dimension subjective des textes qui a été étudiée. Ainsi Verlaine, instaurant un parallèle permanent entre la ville et ses sentiments, crée un paysage-état d'âme. Quelques éléments biographiques, clés de compréhension supplémentaires, ont été recherchés par les élèves afin qu'ils appréhendent mieux combien le vécu d'une personne oriente sa vision, urbaine en l'occurrence. L'étude de ces approches souventsymboliques et de ces modes de perception très personnels a préparé les élèves à aborder le milieu urbain par les moyens de la création poétique.

La ville, héritage du passé

La séquence s'est poursuivie en histoire par l'étude de l'organisation spatiale de la Cité des Ducs. Quel est son héritage naturel ? À cet effet, un dossier iconographique a été distribué aux élèves, comportant cartes et photographies anciennes en sépia ou noir et blanc. Des années 1920 à nos jours, l'évolution de la topographie urbaine a été analysée afin de découvrir comment Nantes, dont la naissance est due au déploiement d'îles formant gué entre les rives nord et sud de la Loire, a perdu son fleuve au cours du XXe siècle au terme de progressives étapes de comblement. À cette occasion, le travail sur les images poétiques a été poursuivi en se portant sur les représentations visuelles de la ville. Les notions de dénotation et connotation, de perspective et de lignes de force, ont été mobilisées afin de mieux percevoir comment l'espace a changé et a été montré au fil du temps. Pourquoi a-t-on surnommé Nantes "La petite Venise de l'Ouest" ? Par ailleurs, l'héritage humain a été abordé via une étude toponymique afin que les élèves prennent connaissance et conscience de l'héritage du passé à l'œuvre dans la dénomination des rues. Pourquoi certaines d'entre elles portent le nom d'anciens maires de la Cité des Ducs ? Quelles sont les origines du quai des Tanneurs, de la rue Cassegrain, de l'avenue Bonduelle et de l'îlot Boucherie ? Un vrai roman historique! Pourquoi le quartier datant du XVIIIe siècle, aujourd'hui ceinturé de boulevards, s'appelle-t-il encore "l'île" Feydeau ? Pourquoi le lieu de loisirs nantais en plein essor se nomme-t-il le Hangar à bananes ? L'inscription de l'histoire dans les lieux incite en retour à jouer avec les mots pour dépeindre la ville.


Quai de la Fosse, photo ancienne


Visite in situ

Forts de ces connaissances géographiques, historiques et poétiques, le moment est alors venu pour les élèves d'explorer la ville de Nantes dont la plupart ne connaissent qu'à peine le centre, leur lycée se situant à la périphérie. En recourant aux services de l'office du tourisme, le professeur a organisé une visite guidée de la ville. Du château à la cathédrale, du quartier Saint-Félix au quartier Saint-Donatien, les élèves ont effectué un parcours sélectif de Nantes, armés de plans et d'appareils photos. Ils savent qu'ils devront écrire un poème sur ce que leur inspire cette ville et réaliser une photographie à caractère historique selon une perspective de leur choix qui fournisse une vision subjective d'une vieille rue, d'un monument historique, d'une façade, d'une statue. Le recueil final comportera en effet une série de vues attestant de l'héritage du passé.

Création poétique

"Vivre dans une ville, c'est la respirer. En vous appuyant sur l'ensemble des connaissances abordées lors de la séquence, écrivez un poème sur Nantes : promenade historique ou errance, à vous de voir...", telle est la consigne relativement ouverte qui a présidé à l'exercice d'écriture. À cette occasion, le professeur de la classe s'est adjoint les services d'un collègue enseignant le français et l'anglais, Philippe Kernoa, féru comme lui de poésie, et, comme lui, auteur à ses heures. Ensemble, ils ont animé cet atelier poétique et mis la main à la pâte en écrivant eux aussi. Certes, les poèmes précédemment étudiés ont fourni des pistes, voire des modèles. Mais s'agit-il seulement de pasticher Saint-John Perse ou Senghor ? Tous les poèmes doivent être lus devant la classe afin, notamment, de tester leur dimension sonore. Les élèves sont prévenus que les deux enseignants, qui écrivent eux aussi leur poème, les aideront à améliorer leur production sur le mode de la réécriture. Les élèves ont d'abord écrit un premier jet qui a ensuite été retravaillé en termes de rythme, d'effets sonores, de lexique, selon les cas.

Poétique de l'espace

La séquence a abouti à un recueil de vingt et un poèmes dont la page de garde est une photographie déformée du quartier de la tour de Bretagne en noir et blanc, ornée des lettres du mot "déambulation" disséminées sur l'espace. Celui-ci s'achève sur un photomontage de vues de Nantes choisies pour leur dimension historique (voir page40). Les formes poétiques adoptées par les élèves s'avèrent très diverses. Certains ont choisi de rédiger un acrostiche à partir des mots "Nantes, ville d'art et d'histoire, passé historique". Certains poèmes tutoient la ville tandis que d'autres s'adressent à un interlocuteur qu'ils incitent à la visiter. Si la longueur des textes varie beaucoup, tous les élèves ont opté pour des vers, parfois rimés, libres la plupart du temps, éventuellement groupés en strophes régulières. L'empreinte de l'étude historique est très nette, puisqu'on trouve systématiquement, dans ces poèmes, des allusions parfois teintées de nostalgie à l'histoire de la ville de l'époque médiévale au XVIIIe siècle. Ainsi, dans "Nantes, ville des grands arbres", les arbres d'ébène font-ils sans doute référence au passé esclavagiste de la ville.

Un lieu à géométrie variable

Plus qu'un prétexte à écriture, le milieu urbain devient ici objet d'analyse, lieu d'exploration, topos littéraire, parchemin historique, source d'inspiration, mode d'expression. Lu, analysé, historicisé, topographié, foulé, photographié, recréé, l'espace donne ainsi lieu à de multiples approches complémentaires. De la sensibilisation initiale à la mise en vers finale, en passant par une excursion à caractère historique, cette séquence propose un itinéraire diversifié à travers Nantes, une déambulation qui emprunte les voies du savoir autant que les sentiers de la création. Décrypté, décrit et écrit, l'espace-temps urbain livre ainsi, tel un palimpseste, les tesselles de son passé. Au fil de cette Déambulation nantaise se dessine, pas à pas et mot à mot, la forme d'une ville.
 
auteur(s) :

J. Perru

contributeur(s) :

X. Couilleau, LP Arago, Nantes [44]

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