innovation pédagogique

Mais pour mettre en place un accompagnement efficace, il est d'abord nécessaire de procéder à une analyse de l'existant. Le groupe en est à ce stade à l'heure où nous écrivons cet article. Il nous a semblé qu'il pouvait être intéressant de rendre compte du fruit d'une réflexion qui est loin d'être achevée. Il s'agit plutôt d'un point d'étape : qu'en est-il donc des pratiques des TICE dans les différentes disciplines ? La culture numérique semble bien s'être généralisée pour ce qui est du travail des enseignants. La préparation des cours et des documents pédagogiques se fait aujourd'hui, quelle que soit la discipline, grâce aux TICE, dont certaines font maintenant partie du quotidien des enseignants. Les ressources numériques sont également largement sollicitées en tant que sources d'information. L'équipement domestique a contribué à cette généralisation qui continue à se développer avec l'usage de nouveaux outils, mais reste cependant inégale. Si la pratique des différents moyens bureautiques et le recours aux différentes bases de données numériques sont maintenant passés dans les mœurs, l'utilisation, dans la classe, de nouveaux outils comme le vidéoprojecteur ou le TBI (tableau blanc interactif), est diversement pratiquée. Pour ce qui est des usages au sein de la classe, avec les élèves, la diversité est plus grande encore.

Certaines disciplines font un usage régulier des TICE. Il est nécessaire, cependant, de distinguer quelle "utilisation" en est faite. Pour certains enseignements, elles constituent un objet d'étude en soi, c'est le cas par exemple de l'écogestion. La maîtrise de certains logiciels fait partie des contenus d'enseignement. De la même manière, les TICE sont fortement ancrées dans les programmes de sciences physiques et chimiques fondamentales et appliquées (SPCFA), et pas uniquement en MPI (mesures physiques et informatiques). Elles sont également prises en compte au baccalauréat, dans l'évaluation des capacités expérimentales en terminale scientifique. En documentation, les TICE ne constituent pas uniquement un outil de recherche, elles font également l'objet d'un apprentissage à part entière, avec la formation des élèves à un usage raisonné. Les contenus des programmes constituent indéniablement une forte incitation au développement des pratiques, comme c'est le cas par exemple en mathématiques, avec l'utilisation du tableur en collège ou la mise en place d'une épreuve expérimentale utilisant les TICE en lycée.

Un autre aspect de l'utilisation des TICE est lié aux possibilités de représentation virtuelle qu'offrent les outils numériques. Ainsi, dans plusieurs disciplines, elles facilitent la visualisation de ce qui restait naguère très théorique et contribuent ainsi à une meilleure appropriation mentale des notions étudiées. C'est le cas par exemple en SVT (sciences de la vie et de la Terre). Certains logiciels permettent une simulation de phénomènes qui ne peuvent être expérimentés en classe. De la même manière, en sciences et techniques industrielles (STI), les TICE offrent les moyens d'une meilleure compréhension de certains systèmes complexes, autrefois représentés sur des plans papier, en deux dimensions. La modélisation numérique actuellement en trois dimensions permet une visualisation beaucoup plus explicite. En SVT comme en physique-chimie ou en SPCFA, les bases de données, les logiciels d'animation, de simulation ou de modélisation, offrent des possibilités largement exploitées. Il en est de même en histoire-géographie avec, entre autres, les logiciels de cartographie ou en mathématiques avec des logiciels spécifiques qui permettent, par exemple, une approche dynamique de la géométrie. Il est bien évident que l'équipement est une des conditions qui rend possible ou non des pratiques faisant appel à ces outils et logiciels souvent onéreux. Les collèges sont nettement moins bien dotés que les lycées, et certaines disciplines moins que d'autres. Au-delà de ces différences, la culture numérique s'est développée aussi dans l'enrichissement des sources documentaires.

C'est sans doute dans cette direction que les TICE sont les plus utilisées avec les élèves, toutes disciplines confondues. Les travaux de recherche documentaire ont été transformés par la palette offerte par le numérique. Les supports médiatiques se sont diversifiés : sons, images, films, textes... encyclopédies, dictionnaires, articles de presse, archives, reproductions, documents divers sont à disposition de tous. Les enseignants, comme les élèves, y puisent largement. Ces derniers pratiquent la recherche documentaire dans de nombreuses disciplines et trouvent dans les TICE une manne parfois difficile à maîtriser avec discernement. Les enseignants de documentation pointent une difficulté relative à l'usage raisonné de ces sources. Leurs collègues ne sont pas toujours sensibilisés aux notions info-documentaires, de sources, de droits d'auteurs ou de champs sémantiques hiérarchisés alors que la question documentaire est posée de plus en plus dans les programmes et les travaux interdisciplinaires. Les sources sonores et visuelles offrent des possibilités largement exploitées dans les langues vivantes, en éducation musicale ou en français. Vidéoprojecteurs et salles multimédias en permettent une utilisation qui reste cependant limitée.

Les TICE proposent également des supports variés pour les productions des élèves. Pour en rester dans le domaine sonore, l'enregistrement et le partage de productions sonores réalisées par les élèves eux-mêmes commencent à se développer, avec entre autres la balado-diffusion en langues vivantes ou certains logiciels de traitement du son en éducation musicale. Dans les disciplines littéraires et les domaines des sciences humaines, la production écrite a trouvé un support riche avec la bureautique et les possibilités qu'elle offre. Il semble cependant que les disciplines plus "littéraires" fassent un usage moins important des TICE. En physique, l'utilisation de la webcam permet aux élèves de réaliser des acquisitions qui pourront ensuite être traitées. En SES (sciences économiques et sociales), une enquête réalisée par l'IATICE de la discipline, qui date de 2006, fait apparaître que, sur soixante-dix-huit questionnaires reçus, un tiers des enseignants déclarait utiliser les TICE plusieurs fois par trimestre dans les cours, un tiers une fois par an et un dernier tiers ne les utilisait pas du tout. L'équipement des salles est évidemment un facteur déterminant. Le fait, par exemple, d'avoir à partager une salle multimédia entre de nombreuses disciplines peut constituer une difficulté pour une pratique régulière.

En plus des sources documentaires et des bases de données spécialisées, il existe de nombreux logiciels didactiques et pédagogiques. C'est le cas par exemple en mathématiques, avec des logiciels de géométrie dynamique ou des tableurs, en écogestion avec des outils pour le géomarketing, la relation client, ou encore, en sciences, des logiciels d'ExAO (expérimentation assistée par ordinateur)... À ces outils professionnels, il faut ajouter les créations maison, proposées par des enseignants. Les sites académiques et départementaux accueillent ainsi de nombreuses expériences qui peuvent apporter des idées concrètes que chacun s'appropriera à sa manière. Ainsi, en musique, on trouve différentes situations qui utilisent les TICE dans le cadre des cours, pour faire créer par les élèves des paysages ou signatures sonores. Déroulement des séquences, exemples de production... les bases de données sont riches et nombreuses. Ainsi, en EPS (éducation physique et sportive), on trouve un site sur lequel sont proposées des photographies reproduisant différentes figures de gymnastique. Par un simple copier-coller, les élèves peuvent réaliser virtuellement l'enchaînement qu'ils mettront ensuite en œuvre concrètement sur le tapis.

Pour certaines disciplines, l'analyse théorique de ces technologies complète ou, parfois, remplace la pratique de l'outil lui-même. En philosophie, si leur utilisation est loin d'être généralisée dans les cours, les TICE peuvent, en revanche, constituer un objet de réflexion philosophique en soi, pensé comme un outil parmi d'autres. Les activités en arts plastiques allient pratique et réflexion. Les élèves sont régulièrement amenés à pratiquer les TICE, mais ce qui importe, autant que le faire, c'est la démarche et la réflexion qui vont conduire l'élève à choisir un outil numérique plutôt qu'un autre. On retrouve en EPS des procédures assez proches. La vidéo permet de filmer les élèves en activité, pour une analyse ultérieure. Certains logiciels leur permettent de suivre et d'analyser des performances, en course par exemple, à partir de mesures faites au chronomètre et au cardio-fréquencemètre. Une autre voie offerte par les TICE concerne les moyens d'échange. Cette direction reste encore à explorer pour beaucoup, mais certaines pratiques existent déjà. La balado-diffusion déjà évoquée en est un exemple. Le cahier de textes numérique commence à se répandre. Les échanges entre élèves et enseignants par le biais du net sont également en plein développement. Les enseignants entre eux utilisent aussi les TICE, comme en documentation avec les espaces de travail collaboratifs.

... Il reste beaucoup à faire. D'une part, car ces TICE sont encore souvent mal maîtrisées, et d'autre part, parce qu'il est capital de s'interroger sur la manière de les utiliser. Le GRAF a synthétisé les freins aux TICE.



Il ressort que divers facteurs expliquent les réticences actuelles. Les difficultés d'accès aux équipements constituent évidemment un aspect incontournable à prendre en compte, tout comme la peur d'outils de plus en plus nombreux. Le facteur temps peut aussi apparaître comme un frein. Il faut du temps pour apprivoiser l'outil, préparer les séances, rechercher les sources, prendre connaissance des productions des élèves ou répondre aux échanges hors temps scolaire. À ceci s'ajoute un malentendu pédagogique: tous les enseignants ne sont pas convaincus de la plus-value que peuvent apporter les TICE. De plus, le travail collaboratif ne fait pas toujours partie de la culture enseignante, surtout quand certains associent mutualisation à pillage.

Sur quels leviers (voir ci-dessous) s'appuyer alors pour faire évoluer la situation ? Les programmes sont les premiers incitateurs d'une appropriation des technologies nouvelles. Devenues l'environnement naturel des générations d'aujourd'hui et de demain, il n'y a plus à tergiverser. Il y a aujourd'hui une obligation institutionnelle à faire usage des technologies dans son enseignement. Cette obligation est symbolisée à tous les niveaux d'enseignement par l'existence du  B2i et nombre d'inspecteurs indiquent dans leur lettre de rentrée aux enseignants, l'utilisation de l'informatique comme l'un des critères d'évaluation d'une inspection. La formation, tout particulièrement la formation initiale, intègre cette obligation. Les enseignants de SES ont, par exemple, reçu un cédérom qui présentait des logiciels, des outils et des séquences spécifiques à la discipline. Les animations pédagogiques et les stages contribuent fortement à la généralisation de certaines pratiques. L'accompagnement de proximité fait avancer: mutualisations, travail collaboratif entre enseignants, ou pratiques évoluées de certains élèves apportent souvent une aide précieuse. Ainsi, même si les TICE font encore peur à certains, il est incontestable que leur place au sein de l'école grandit de jour en jour. La technique est une chose, son usage en est une autre et le champ à explorer est vaste, aussi bien dans l'aide à apporter pour le développement de l'utilisation des TICE que dans la réflexion didactique concernant l'utilisation pédagogique qui en est faite.

Depuis 2007, il existe un ENT (Espace numérique de travail) académique - ETNA -, apte à fournir un ensemble de services numériques à tous les personnels de l'académie de Nantes dans l'exercice de leur profession. Après identification, une page d'accueil personnalisée propose différents services et ressources en rapport avec l'exercice de leur métier. La composante pédagogique est au cœur de cette construction, puisqu'il existe, dans cet espace de travail, un espace dédié au pédagogique, représentant toutes les disciplines d'enseignement, du primaire au secondaire, ainsi que les délégations et missions pédagogiques et éducatives (action culturelle, actions internationales, éducation aux médias, éducation et vie scolaire, innovation et expérimentation, nouveaux arrivants, pôle évaluation et pédagogie, TICE). À ce jour, près de cinq mille ressources pédagogiques sont en ligne, grâce à près de deux cents personnes. Dès à présent, un espace collaboratif, nouvelle pierre à cet édifice, facilite la mutualisation des pratiques. Son déploiement dans l'académie, en relation avec le projet académique CAP 2015, nécessite un travail de réflexion et de collaboration approfondi, auquel s'emploie ce GRAF. Il faut ajouter à ce dispositif le déploiement d'ENT d'établissements scolaires et d'écoles. À terme, chaque lycée, chaque collège et chaque école de l'académie bénéficieront d'un espace numérique à leur échelle, qui permettra à tous les acteurs (élèves, parents, professeurs, vie scolaire, direction) d'échanger et de travailler ensemble.