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une sixième sans (fausses) notes

mis à jour le 03/11/2010


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Dans une des six classes de sixième du collège de La Suze, il n'y a pas de note. Inscrite dans le projet d'établissement, cette pratique vise à impliquer davantage les élèves dans leurs apprentissages et à prévenir le décrochage des plus fragiles.

mots clés : notes, évaluation, décrochage, autoévaluation, compétences


Ce dispositif s'est mis en place en réponse à une série de difficultés constatées quotidiennement, ici comme souvent ailleurs, presque banales : le manque d'enthousiasme des élèves pendant les cours, leur faible implication dans les activités, d'une manière générale, et dans le travail personnel en particulier. La règle commune semble s'établir comme : "Je fais juste ce qu'il faut pour avoir ma moyenne, pour ne pas avoir d'histoires, ni avec le professeur, ni avec les parents". L'intérêt des élèves semble se porter bien moins sur les découvertes qu'ils font, les apprentissages réalisés, que sur le résultat chiffré du contrôle. Les enseignants constatent aussi que des élèves, malgré des capacités tout à fait normales, décrochent parfois vite dans certaines disciplines, dès la sixième : une difficulté, matérialisée par une (très) mauvaise note, se transforme alors en échec. Cet échec qui se présente comme global et n'offre aucune prise décourage alors l'élève, qui se sent dévalorisé, incapable de réussir. Parallèlement, cette note entraîne dans chaque discipline, puis très vite, à travers la moyenne générale, un marquage général par les adultes et les élèves eux-mêmes en "bon" et "mauvais" élève. Toute l'hétérogénéité réelle de ce type d'élèves se trouve ainsi gommée et ne permet ni aux élèves ni aux enseignants de connaître précisément les points forts et les faiblesses de tel ou tel. Refusant de se résigner, avec le double objectif de tout faire pour (re)donner à tous les élèves le goût d'apprendre et d'éviter les assignations précoces qui découragent les plus faibles, des enseignants ont décidé de se constituer en équipe pour approfondir et élargir cette question de l'évaluation.

Des pionniers, une formation

Si un groupe a ainsi décidé de travailler ensemble sur une évaluation moins globale, plus nuancée et plus porteuse de sens pour tous, c'est aussi parce que, dans l'établissement, depuis plusieurs années, des pratiques alternatives étaient déjà en place, en particulier, en arts plastiques. En effet, Odile Jourdren n'a jamais mis une note en sixième et, depuis plusieurs années, elle amplifie cette pratique avec une évaluation plus formative à tous les niveaux. Ce choix réfléchi, assumé avec sérénité, expliqué aux élèves, aux collègues, mais aussi aux parents, a fait germer, puis entretenu et avivé toute une réflexion sur la légitimité de la note chiffrée, sur sa fonction et son utilité pédagogique. À la voir présenter ses fiches individuelles d'évaluations trimestrielles (voir annexe), tous ont pris conscience de l'intérêt - pour l'élève, ses parents, le professeur - des critères retenus, appuyés sur des compétences, pour donner une valeur précise, nuancée, complexe à la production d'un élève. Sa discipline - les arts plastiques - se prête bien à une réflexion sur les enjeux de l'évaluation, car elle met en évidence l'importance de la question : Que veut-on évaluer ? À l'évidence, l'évaluation de la seule réalisation est insuffisante car elle peut pénaliser une prise de risque, la recherche, la réflexion, l'implication. Ce ferment a rencontré d'autres recherches, d'autres insatisfactions... Ainsi, déjà, l'an passé, Odile Jourdren, professeure principale de sixième, a rassemblé, avec l'appui du chef d'établissement, quelques enseignants dans "sa" classe pour une première action concertée sur une autre évaluation, sans note.

Une formation sur site

Cette même année, une formation sur site, de trois jours, a permis à une très large majorité de collègues volontaires de réfléchir ensemble aux moyens d'évaluer autrement dans les différentes disciplines. Ces trois journées ont été précieuses pour souder l'équipe en permettant à chacun de partager l'information sur ce qui existait déjà dans le collège et les réflexions générales actuelles sur l'évaluation. En alternant les temps de travail disciplinaire et pluridisciplinaire et les moments en plénière, la formation a amené chacun à découvrir les réticences, mais aussi les difficultés précises pour chaque discipline. Elle a aussi été l'occasion de s'approprier des outils et dispositifs déjà testés et parfois même rodés - bien que toujours en évolution - par des collègues. Du temps a aussi été consacré à créer des outils adaptés au collège et au projet de l'établissement. Chaque enseignant a pu ébaucher, parfois avec des collègues, "sa" fiche disciplinaire, en respectant une harmonisation décidée collectivement (voir annexes), tout en ayant le souci d'une certaine harmonisation. Ainsi, pour que les élèves se repèrent, l'évaluation sur chacune des compétences, quelle que soit la discipline, se fait de la même manière : TS (très satisfaisant), S (satisfaisant), C (convenable), I (insuffisant). Comme le bilan de l'expérimentation partielle, alors en cours, était positif, que la formation avait levé certaines réserves, des enseignants se sont engagés dans la démarche: les problèmes de démobilisation des élèves et de décrochages précoces attendaient toujours une réponse! La décision d'une application totale sur une classe, avec des extensions bien identifiées, a donc été prise et inscrite dans le volet évaluation du projet d'établissement. L'objectif visé étant, au terme de ce projet, en 2011, d'étendre à toutes les sixièmes, au moins, ce nouveau dispositif.

Une expérimentation bien identifiée

Le choix du niveau sixième s'est imposé : l'arrivée au collège reste problématique pour les élèves les plus fragiles et la pression de l'examen et de l'orientation ne s'exerce pas à ce niveau. De plus, comme c'est le début dans l'établissement, la différence avec les autres classes n'est pas perçue de manière aussi nette que si les élèves avaient déjà vécu une ou plusieurs années avec des évaluations chiffrées classiques. La classe a été formée comme toutes les autres : de façon hétérogène. Les parents de cette 6e C ont été informés dès la rentrée de septembre de la spécificité de la classe. Une seule famille a exprimé ses réserves : elle avait peur de ne pas être assez disponible pour s'investir suffisamment. L'enfant a été placé dans une des autres sixièmes. Mais au cas où cette situation se représenterait une année à venir, un protocole sera établi au préalable pour régler une telle situation. Parallèlement, d'autres classes bénéficient de cette expérience, mais sur une partie seulement des disciplines. Ainsi, en arts plastiques, dans toutes les classes - avec, en quatrième et troisième, une note trimestrielle par compétence - mais aussi en physique en cinquième.

Un travail différent pour tous

Le travail d'explicitation des apprentissages visés, dans la perspective du socle commun des connaissances, a entraîné une modification des pratiques pédagogiques, plus ou moins grande selon les enseignants. Et un surcroît de travail pour tous, aussi bien dans l'analyse fine des compétences travaillées, que dans leur formulation, accessible aux élèves et aux parents. Les enseignants ont aussi à assumer un certain nombre de relevés de résultats, des synthèses, et l'ensemble demande une rigueur, une organisation plus grande, ce qui suppose une implication plus importante. En classe, les démarches d'investigation sont privilégiées dès que c'est possible, comme les autoévaluations individuelles ou en groupe, les autocorrections. Dans certains cas difficiles, l'enseignant et l'élève s'engagent sur un contrat. La volonté est de "faire comprendre aux élèves qu'ils peuvent agir sur leur formation. La précision de l'évaluation encourage l'élève à s'interroger sur la qualité de son travail, de ses méthodes, de son investissement". Par ailleurs, le travail en commun des enseignants contribue à construire une ambiance d'établissement très riche et conviviale, nourrie de nombreux échanges pédagogiques et humains, qui fixe les enseignants et permet le développement progressif et maîtrisé de l'expérience et le développement de nombreuses actions pluridisciplinaires.

Un groupe-classe solidaire

La volonté de l'équipe est de mettre en évidence les acquis et les compétences de chacun. Plutôt que de mettre en avant lacunes et insuffisances, l'enseignant cherche à identifier les progrès réalisés, les évolutions favorables dans le comportement, l'implication et les acquis, les compétences. Le constat porté sur les différents critères est complété par des conseils et l'identification des domaines où des progrès sont possibles et des efforts attendus. C'est vrai en classe, mais aussi sur chaque exercice, chaque devoir. Le bulletin trimestriel, par ailleurs identique à celui des autres classes, ne porte pas de notes, mais reproduit une évaluation par critères avec des commentaires qui synthétisent les fiches établies dans le trimestre (voir annexe). Cette pratique ne permet à aucun moment et à personne de classer d'un seul coup les élèves, ceux qui sont en réussite et ceux qui sont à la peine. L'évaluation sans note offre peu de repères aux autres élèves sur les performances de tel ou tel élève dans une discipline et, encore moins, sur la totalité des matières. Du coup, la formation des groupes de travail, spontanée ou organisée par l'enseignant, est plus facile : elle est de fait plus hétérogène et plus variée d'une activité à l'autre, sans ségrégation. L'équipe pédagogique, qui s'est réunie en mars, a souligné la cohésion du groupe-classe, avec une relation d'entraide et une grande sérénité au moment des contrôles et des résultats. L'intérêt des élèves se porte alors sur les critères d'évaluation et les appréciations portées sur leur copie : ils sont nombreux à demander des précisions complémentaires, des explications.

Avec les parents, un dialogue tourné vers l'avenir

La relation aux parents n'a pas posé de problèmes particuliers, bien au contraire. Pas plus de demandes de rendez-vous en début d'année que dans les autres classes. Informés, les parents ne se sont pas montrés inquiets. Lors de la remise des bulletins (qui se fait dans toutes les classes), elle a été plus riche, plus précise que d'habitude. L'absence de notes ne pose pas en préalable, pour les élèves en difficulté, un jugement négatif et global sur l'élève. Il s'agit d'abord d'un échange sur différentes composantes du travail scolaire qui construisent une image plus complexe de l'élève et de l'enfant. Les parents - tout comme les élèves - sont amenés par l'absence de notes à lire les appréciations, les différents critères mis en valeur. Ils ont ainsi une meilleure connaissance des contenus d'enseignement, des objectifs visés et des compétences acquises par leur enfant dans leur diversité. Ils peuvent ainsi se rapprocher de la réalité de leur enfant, en appréhendant mieux ses points forts, ses faiblesses, ses progrès et ses priorités. Une relation de confiance s'établit ainsi facilement. L'enseignant apparaît d'abord comme aidant l'élève à construire son propre parcours de manière plus efficace pour lui. Les parents sont sensibles à cette posture, d'autant plus que le professeur essaie toujours d'aider les parents à trouver comment ils peuvent s'insérer dans le dispositif. L'attention aux devoirs évalués, le dialogue avec l'enfant sur les priorités mises en évidence, sont à la portée de toutes les familles de bonne volonté.


Un dispositif valorisant, sécurisant

Lors de la réunion de mars, les enseignants notent aussi que, dans cette classe très faible, où beaucoup d'élèves sont entrés avec "une image assez négative de leurs compétences", aucun élève n'a décroché et que la participation et l'implication sont en progrès pour tous, même si les résultats ne bénéficient pas (encore) sensiblement de cette évolution. De même, l'élève doublante s'est adaptée sans problème au dispositif, a pris de l'assurance, bien que ses résultats restent faibles... Il est difficile de faire des hypothèses sur ce qu'aurait été cette classe dans le dispositif classique, mais il semble certain que les élèves les plus en difficulté n'auraient pas pu restaurer leur propre image, garder ou même retrouver confiance. Certains auraient sûrement été découragés par des notes très basses. Le groupe de l'année précédente, vingt-six élèves contre vingt cette année, était majoritairement constitué de bons élèves qui attendaient les (bonnes) notes et ont appris à travailler aussi autrement. Dans un établissement où l'on redouble déjà peu, aucun élève n'a redoublé cette année. En cinquième, c'est une classe très positive, qui s'implique dans le travail scolaire et est capable d'initiatives. Une partie des élèves continue à venir demander des renseignements à leurs professeurs de sixième, à les tenir au courant de leurs résultats. La relation de confiance a été établie de manière durable et l'objectif central, la remotivation individuelle, pleinement atteint.

Un dispositif encore perfectible

Aujourd'hui, les enseignants regrettent cependant que leur connaissance plus fine des compétences précises des élèves ne leur permette pas de travailler de manière très ciblée et occasionnellement avec certains d'entre eux, sur une compétence défaillante. Cette aide très personnalisée serait complémentaire du travail déjà partiellement différencié mené en classe et permettrait de tirer un meilleur parti du travail de repérage, parfois lourd, mené par chacun d'eux. Une concertation incluse dans les services est d'ailleurs demandée par les enseignants engagés pour ce travail d'équipe. Elle permettrait un échange régulier sur les pratiques et serait aussi très utile pour faire évoluer l'ensemble du dispositif et réfléchir aux modalités de son extension : dans un collège où il y a six classes de sixième, ce sera nécessairement progressif, en raison du nombre d'enseignants à mobiliser. Dans le collège, une autre démarche œuvre aussi très activement contre l'échec : l'aide aux dyslexiques, pilotée par une enseignante de français qui s'est formée dans ce but et qui anime un groupe d'enseignants qui, lui aussi, fait tout pour que tous les élèves restent apprenants, quelles que soient les difficultés qu'ils rencontrent. L'articulation entre les deux dispositifs, avec échange organisé d'outils et de pratiques, serait aussi un gage d'efficacité, d'efficience. Aider, valoriser, encourager, donner confiance... pour ne laisser personne sur le bord du chemin, c'est enthousiasmant, mais c'est beaucoup d'énergie et de travail aussi...
 
auteur(s) :

M. Coupry

contributeur(s) :

O. Jourdren, Collège Ariste-Trouvé-Chauvel, La Suze-sur-Sarthe [72]

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