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vous avez dit culture numérique ?

mis à jour le 10/06/2010


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Comment peut-on définir la notion problématique de culture numérique ? Quel rôle attribuer à l'école dans la construction de cette culture ? Ce professeur-documentaliste se livre à un travail scientifique de définition et propose une approche didactique appuyée sur les sciences de l'information et de la communication.

mots clés : culture numérique, numérique, information, communication, TICE


Dans l'expression "culture numérique", ce qui fait problème, ça n'est pas le terme culture mais le terme numérique. Si les recherches en sciences sociales ont permis de diffuser des représentations quelque peu assises sur la notion de culture, il n'en est pas de même pour l'adjectif numérique, surtout lorsqu'il est accolé au terme culture. C'est donc par lui qu'il me semble nécessaire de commencer ce petit exercice de réflexion.

Numérique

L'empire de cet adjectif s'est depuis quelques années étendu et a eu tendance à remplacer le préfixe hyper ou l'adjectif substantivé virtuel que la grandiloquence de certains publicistes nous avait imposés pendant toute une période. Il n'est pas sans avoir hérité d'un certain nombre de leurs défauts : celui, par exemple, d'être déjà saturé par un usage parfois inconsidéré ; celui, aussi, d'être utilisé de manière acritique, avec pour principale fonction de faire moderne ; celui, surtout, d'avoir favorisé l'expansion ad nauseam de l'immatériel ou de la dématérialisation, comme si ces technologies n'existaient pas sans une immense, complexe et coûteuse base matérielle requise par des systèmes qui ont l'inconvénient de ne pas être tous visibles. De la sorte, on a plutôt retiré de l'intelligibilité aux processus qu'on voulait désigner. Pour autant, le sens de ce mot, si l'on fait l'effort d'y prêter attention, est de caractériser une propriété du codage informatique des documents électroniques, fondée sur la numérisation en base 2, de tous les documents, textes, images fixes et animées, sons. Cela permet leur fusion en un support unique, l'hyperdocument, unifiant le stockage des informations en tant que données physiques non interprétées, mais posant de manière nouvelle l'organisation sémiotique du document produit et exigeant, du coup, qu'elle fasse sens, c'est-à-dire qu'elle ouvre la voie à une démarche d'interprétation, tant du scripteur que du lecteur. Ces derniers coopèrent d'ailleurs souvent dans cette nouvelle configuration de la production de texte, comme l'a magnifiquement analysé Yves Jeanneret 1, dès les années quatre-vingt-dix. C'est, d'ailleurs, sur ce fond épistémologique que l'on peut véritablement penser le "copier-coller", c'est-à-dire, le décrire et le comprendre au-delà de toute posture moralisatrice.


Culture

La culture renvoie à deux éléments constitutifs : des savoirs assimilés, intégrés dans la personnalité du sujet, et des pratiques devenues spontanées du fait de leur fréquence d'usage par les sujets pratiquants. Ainsi, la culture philosophique renvoie-t-elle à la connaissance d'auteurs et de problématiques philosophiques, mais aussi à l'acte de philosopher, de pratiquer la philosophie ; de même, la culture historique renvoie tout autant aux savoirs historiques qu'à la faculté de "faire de l'histoire". Pour ce qui pourrait concerner la culture numérique, il faudrait s'interroger d'abord sur la raison de ce couple étrange. Pourquoi a-t-on eu besoin de cette expression bien "connotée" pour désigner ce rapport aux médias informatisés, alors que le besoin ne s'en était pas fait sentir pour la culture utilisant l'imprimé, dont les enquêtes sociologiques persistent à signaler l'aspect toujours problématique à travers la notion d'illettrisme ? On peut trouver étonnant que le seul autre qualificatif ayant trait à un support d'information qui soit associé au mot culture soit l'adjectif livresque pour désigner des savoirs sans fondements pratiques, connotés négativement... Éloquent ? Par contre la culture numérique semblerait échapper à cette flétrissure. Pourtant, le risque d'une perte d'ancrage dans une pratique du monde est tout aussi présent, sinon plus, dans le virtuel en tant que monde en soi. Si la notion de culture numérique peut prendre sens, c'est sans doute pour indiquer que l'informatisation appliquée aux processus de communication et d'apprentissage exige et connaissances et pratiques sur leur mode d'existence. Mais cela me paraît très insuffisant, trop limitatif. La notion de culture informationnelle me paraîtrait plus pertinente. En effet, elle inclut non seulement les deux sens du terme information (information comme unité physique, donc numérique, information comme signe appelant à une interprétation), mais aussi toute la culture qui a trait au fonctionnement de la communication entre les hommes, aux systèmes et régimes différents de communication, aux différents médias qui, dans des systèmes sémiotiques qui leur sont plus ou moins propres, permettent aux hommes de communiquer, de transmettre la culture de l'humanité. Pour désigner cette problématique, les Anglo-saxons utilisent information literacy, sachant que literacy est définie comme compétence et connaissance dans un domaine spécifié 2. Observons qu'ils n'utilisent ni computer science, ni numerical pour qualifier leur literacy.

La question didactique

Dans la culture informationnelle, comme dans toutes les autres cultures spécifiques (culture littéraire, culture historique, culture scientifique...), les contenus et les modes d'appropriation ne sont pas identiques selon que l'on parle des enseignants, des élèves, des experts et des pratiquants réguliers. Pour ce qui concerne les élèves, il faut rappeler qu'ils sont dans l'école pour faire des apprentissages et pas seulement des rencontres fortuites avec les savoirs. Il importe donc que cette culture de l'information soit prise au sérieux en considérant qu'elle doit faire l'objet d'une didactisation réfléchie, c'est-à-dire inscrite dans la progressivité, articulant les pratiques sociales plus ou moins spontanées, les représentations et pratiques des élèves et les connaissances établies dans le domaine des sciences de l'information et de la communication. C'est tout l'enjeu d'une recherche menée par l'équipe de recherche en technologie éducative (ERTÉ) qui travaille, depuis 2006, sur le thème de la culture informationnelle et du curriculum documentaire à l'Université Lille 3. Cette équipe, sous la responsabilité d'Annette Béguin, tente de mieux définir les éléments structurants d'une culture informationnelle, nécessaire aux individus d'aujourd'hui. La recherche met en lumière l'importance et la spécificité des professeurs-documentalistes dans l'articulation des savoirs en sciences de l'information et de la communication aux apprentissages disciplinaires. Cette recherche devrait aboutir à des préconisations utiles à l'élaboration d'un programme d'apprentissages documentaires de la maternelle à l'université, permettant de construire des dispositifs plus efficaces pour les élèves et les étudiants.


1. Jeanneret (Yves), Y a-t-il (vraiment) des technologies de l'information ?, Presses universitaires du septentrion, 2000. Chap. 4: "L'écrit d'écran : lire, écrire et un peu davantage", p.107-130 (réédité chez le même éditeur en 2007).
2. New Oxford American Dictionary, 2005-2007.
 
auteur(s) :

F. Lemarchant

contributeur(s) :

J.-L. Charbonnier, IUFM, Nantes [44]

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information(s) technique(s) : pdf

taille : 152 ko ;

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