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en guise de préambule

mis à jour le 10/11/2011


echanger dossier 1

La mise en œuvre du socle commun de compétences interroge et inquiète de nombreux enseignants. Échanger a demandé à une formatrice, Florence Béthuys, de l'IUFM de Nantes, d'apporter son éclairage pour nous aider à tenter de mieux comprendre quels sont les enjeux d'un fonctionnement qui amène à penser différemment l'enseignement, et pas seulement son évaluation.

mots clés : socle commun, compétences, situation problème, évaluation


En ce début d'année scolaire, l'heure est encore aux négociations des stages, pour Florence Béthuys. C'est le moment où la formatrice rencontre les équipes et où se discute le contenu des interventions à venir. L'occasion aussi de prendre la température et de mesurer les attentes. Face à ce qui apparaît comme un bouleversement sans précédent, les questionnements sont légitimes et s'expriment parfois avec inquiétude. La formatrice a, quant à elle, réfléchi en amont aux questions qu'on lui pose aujourd'hui. Il n'existe pas de recette unique prête à l'emploi, s'empresse-t-elle de préciser en préambule, mais certains éléments permettent de mieux comprendre ce qu'est et implique le socle commun de compétences. Voici donc un résumé de quelques aspects de cette réflexion appuyée sur des lectures variées (voir annexe), et les comptes-rendus d'expériences mises en œuvre dans certains pays francophones qui fonctionnent déjà par compétences. Il ne s'agit pas ici de développer des exemples concrets de mise en œuvre, mais plutôt de tenter de comprendre ce qu'implique le concept de compétences. Mais d'abord, pourquoi ce changement ?

Compétences et culture

Procédant de la volonté de lutter contre l'échec scolaire et les inégalités, la mise en place du socle commun répond aussi à la nécessité d'une harmonisation européenne de l'Éducation. C'est en 2005 que la loi impose de garantir à tous les élèves l'acquisition d'un socle de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour "accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir professionnel et réussir sa vie en société. [Ce socle comprend] la maîtrise de la langue française et des principaux éléments de mathématiques, une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté, une pratique d'au moins une langue vivante étrangère et la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication". S'alignant sur le modèle européen, la France se montre cependant plus exigeante en matière de culture patrimoniale. La langue n'est pas seulement un outil de communication, elle est également le témoin d'un environnement culturel. La culture se construit aussi par la transmission d'un patrimoine. L'importance de cette "culture humaniste" (voir annexe) est une spécificité française, qui vise à élargir le champ : la maîtrise d'un outil, qu'il soit de communication ou non, prend son sens dans la sphère plus large de la culture patrimoniale. On la retrouve concrètement dans la mise en place de l'histoire des arts à tous les niveaux de la scolarité. Cette orientation est également observable dans le domaine scientifique et dans celui des nouvelles technologies. La France se limite en revanche à la maîtrise d'une langue vivante étrangère, au lieu de deux.

L'évaluation chiffrée a vécu

L'histoire de la notation montre une lente mais irréversible érosion de la quantification. Le débat sur les notes ne date pas d'hier : Claparède 1 dénonce en 1920 "l'école actuelle [qui] veut toujours hiérarchiser, alors que ce qui importe avant tout, c'est de différencier, la pédagogie à une dimension et les expédients des concours, des rangs et de la notation". Complexe, le système de la notation pose surtout le problème de l'équité et de la fidélité : qu'évalue-t-on exactement avec une unique note de 9,5/20 ? Quelles compétences sont prises en compte, et selon quelles proportions ? L'autre problème de l'évaluation chiffrée est lié au mode compensatoire qui en découle. Par le jeu des moyennes, certaines réalités peuvent être masquées. Et notre système procède souvent d'une démarche négative, comme le note Hervé Hamon 2 : "Combien de professeurs disent leur doute et leurs scrupules à l'issue du conseil de classe ? Pourquoi ? Parce que le "roc" n'est pas si ferme, ou que s'il l'est, ce n'est pas, en maintes circonstances, au bénéfice de l'élève. Le "tout à l'école" devrait offrir une garantie d'équité. Mais nous sommes loin du compte. Car l'orientation, depuis toujours, est "négative". Orienter un élève, le plus souvent, n'est pas détecter ses aptitudes, mais ses inaptitudes". Compétition, sélection, absence de fiabilité, iniquité... : les reproches faits à la notation chiffrée sont nombreux et fondés. Les cours ne sont pas des concours, l'apprentissage n'est pas une compétition : le fonctionnement par compétences se fonde sur un tout autre raisonnement.


De l'évaluation à l'assessment

C'est au regard d'un certain nombre de constats largement partagés que la mise en place du socle commun trouve son sens. Outre la question de la notation, le cloisonnement disciplinaire nuit, pour certains élèves, à l'installation des nécessaires passerelles qui permettent de donner sens et cohérence à l'apprentissage. Une réelle démocratisation de l'apprentissage, annoncée dans la loi Haby en 1975 avec le collège unique, est loin d'être réellement mise en œuvre : "Croire qu'une démocratisation consiste à donner à tous l'enseignement qui a jusqu'ici réussi au petit nombre privilégié, c'est condamner à l'échec les élèves que le milieu social et familial n'a pas préparé à affronter ces contenus et ce style d'enseignement" 3. Les pratiques induites par le socle de compétences permettent d'envisager autrement le rapport à l'élève. Scallon 4 préfère d'ailleurs le terme anglais assessment à celui d'évaluation, car il laisse transparaître l'étymologie latine, assidere, qui signifie "asseoir avec". Au-delà des mots, c'est bien la posture de l'enseignant qui est en jeu. Celui-ci n'est pas le juge qui sanctionne d'une froide note, mais l'accompagnant qui porte "assistance" à celui qui apprend en lui proposant des situations qui vont lui permettre d'acquérir des compétences nécessaires. On mesure l'importance du changement impliqué par le fonctionnement en compétences qui nécessite un repositionnement du rôle de l'enseignant comme de ses pratiques. Il s'agit aujourd'hui d'accompagner ce changement...

De la compétence à la situation d'apprentissage

Distincte de la connaissance qu'on peut "réciter" ou de la performance qui est ponctuelle, la compétence est un ensemble qui lie une stratégie et des moyens pour résoudre un problème. Les Québécois la définissent ainsi : "un savoir agir fondé sur la mobilisation et l'utilisation efficace d'un ensemble de ressources". Pour Roegiers 5, "la compétence est la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations-problèmes". Ce qui amène au nœud essentiel de la réflexion, note Florence Béthuys. Hier comme aujourd'hui, la question de l'évaluation découle logiquement de la situation d'apprentissage élaborée. L'enseignant qui élabore une séquence sait quels objectifs il vise, comment il veut les atteindre, et il construit l'évaluation en conséquence. Cette démarche générale reste toujours valable : comment faire acquérir une ou des compétences du socle ? Quelles sont les "ressources" nécessaires pour maîtriser une compétence ? Quelles situations mettre en place pour permettre à l'élève d'acquérir ces ressources ?

La complexité formatrice des situations-problèmes

La maîtrise d'une compétence n'est ni univoque (on peut adopter des stratégies différentes pour atteindre un même objectif) ni imposée (par l'enseignant). C'est l'élève qui définit une stratégie pour atteindre l'objectif qui lui est donné. Autant que le produit fini qui peut être simple, c'est la démarche mise en œuvre qui importe, et elle va impliquer la mobilisation de compétences diverses. La situation-problème 6 fonctionne comme dans la vie réelle : le mécanicien est face à une panne, son objectif est de la réparer, c'est à lui d'en identifier la cause et de mettre en œuvre une stratégie pour résoudre le problème. On est loin de la simple restitution d'une connaissance ou de l'application mécanique d'une technique imposée. Du coup l'activité prend du sens pour l'élève, elle est motivante car il se trouve face à un obstacle réel qu'il a les moyens de franchir. Mais si la situation-problème fonctionne comme dans la vie réelle, elle n'est pas la vie réelle : on est à l'école ! L'apprentissage consiste alors à amener l'élève à formuler ses stratégies, à les confronter avec celles des autres, et donc à en découvrir de nouvelles (voir annexe) pour ensuite les appliquer dans des situations variées. Pour accompagner l'élève dans une réelle démarche d'assessment, de nombreuses pistes sont possibles : on peut travailler sur la perception par les élèves de leurs chances de réussite, les amener à changer graduellement leurs perceptions en discutant en interactivité, avoir recours à l'autodescription, susciter chez les élèves un autoquestionnement...


L'obstacle n'est pas l'erreur

Quoi qu'il en soit, on est ici dans une démarche d'apprentissage progressive, qui donne à l'élève des leviers pour comprendre ses difficultés et surmonter l'obstacle, qui n'est pas une erreur. Celle-ci est un constat négatif qui n'inclut aucune situation d'apprentissage complexe, alors que l'obstacle intervient quand l'élève s'est forgé une conception erronée, un modèle explicatif qu'il s'est construit en lui conférant un statut de vérité qui bloque l'apprentissage. Les situations-problèmes interviennent pour déconstruire les obstacles et les renverser. D'autant plus que l'avantage des compétences, contrairement au "chapitre" d'un cours par exemple, c'est qu'elles sont sans cesse à l'œuvre, dans des situations et même des disciplines différentes, à des moments variés de l'année. Une compétence non acquise à un instant I n'est pas définitivement perdue, elle pourra être acquise plus tard dans l'année. Même si certaines de ces compétences sont foncièrement transversales et si d'autres sont plus liées à un domaine disciplinaire, toutes dépassent largement le cadre de la discipline. Les items de la compétence 1, par exemple, qui concernent plus spécifiquement le français, sont présents dans de nombreuses disciplines. Ainsi, "adapter son mode de lecture à la nature du texte proposé et à l'objectif poursuivi" dépasse bien largement le cadre du cours de français. Une telle approche peut effrayer par la complexité de sa mise en œuvre, mais elle a l'avantage d'établir très concrètement des passerelles entre les disciplines, et de fournir davantage d'occasions d'acquérir une compétence défaillante.

Des textes à leur application

Si on mesure la cohérence de cette démarche formative, il convient aussi d'en mesurer les implications concrètes dans sa réalisation. Nécessaire et incontournable, la mise en place du socle commun de compétences est une loi, son application demande un changement de perspective dans la manière d'enseigner, avant que d'évaluer. Elle demande aux enseignants de concevoir des situations d'apprentissage qui impliquent un questionnement sur les ressources à mobiliser pour mettre en œuvre une ou plusieurs compétences. Les critères d'évaluation sont alors clairement explicités. Le diagnostic, l'auto observation et la formulation des stratégies en sont des étapes clefs qui permettent de faire un bilan pour mieux donner à l'élève les moyens de progresser. Tout cela ne pourra se faire du jour au lendemain, et demande une réflexion personnelle et collective, que la formation doit contribuer à accompagner.

1. Édouard Claparède publie L'école sur mesure en 1920.
2. Hervé Hamon, Tant qu'il y aura des élèves, 2004.
3. Louis Legrand, Pour un collège démocratique, 1982.
4. Scallon Gérard, L'évaluation des apprentissages dans une approche par compétence, éd. De Boeck, 2007.
5. Xavier Roegiers est ingénieur polytechnicien et docteur en sciences de l'Éducation, il est professeur au département des sciences de l'Éducation de l'université de Louvain. Il a notamment écrit Une pédagogie de l'intégration, compétences et intégration des acquis dans l'enseignement, Bruxelles, De Boeck, 2000.
6. On pourra consulter à ce sujet le n° 81 d'Échanger, intégralement consacré aux situations-problèmes.
 
auteur(s) :

D. Grégoire

contributeur(s) :

F. Béthuys, IUFM, Nantes [44]

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