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faire du sport au CDI ?!?

mis à jour le 25/06/2012


echanger dossier 7

Dans le cadre de l'expérimentation "cours le matin, sport l'après-midi", l'équipe du collège Tiraqueau a élaboré un fonctionnement qui, tout en inscrivant les activités sportives sur les créneaux de l'après-midi, met en œuvre, avant tout, un projet pédagogique plus global, qui fédère et donne sens aux différentes activités.

mots clés : échanger, temps scolaire, rythmes, expérimentation, pédagogie de projet, pratique sportive


De manière inattendue, c'est au centre de documentation et d'information (CDI) du collège Tiraqueau que commence notre enquête. Devant les postes d'ordinateurs, des élèves s'activent. Un petit groupe sort en prévenant la documentaliste : "on va en salle G 106 pour l'enregistrement". Tranquille effervescence de tous. Tandis que Fabien Vautour, professeur d'éducation physique et sportive (EPS), accompagne un groupe qui part en reportage, Sophie Barré, la documentaliste, ne chôme pas, sans cesse sollicitée par les élèves. Du coup, c'est Françoise Forgeau, la principale qui accompagnait le correspondant d'Échanger, qui est réquisitionnée pour résoudre un problème orthographique. Les collégiens laissent un moment leur activité pour répondre aux questions... et l'on se rend compte qu'on est confrères ! Journalistes eux aussi, ils sont en train d'écrire des articles qui vont être publiés sur le site du collège. Quant à leurs camarades qui viennent de sortir, ils enregistrent de courtes émissions bientôt diffusées sur le même site, et à la cantine au moment des repas. Et le sport là-dedans ? Ils sourient à cette naïve question et y répondent volontiers. Oui, ils participent à l'expérimentation "cours le matin, sport l'après-midi", mais la pratique active de l'activité physique n'exclut pas celle de l'activité intellectuelle, heureusement! Ils en sont les preuves bien vivantes. Expliquez-nous, demande-t-on. Ils expliquent, comme l'ont fait avant eux Françoise Forgeau et David Landry, le principal-adjoint (avouons-le)...

Le cadre d'une expérimentation nationale

Le collège sud-vendéen est l'un des cent vingt et un établissements inscrits à cette expérimentation qui se déroule sur une durée de trois ans. Possédant plusieurs sections et ateliers sportifs (judo, foot, natation, tennis, athlétisme, danse, équitation, karaté), l'établissement, classé en Éducation prioritaire, dispose également d'un internat accueillant notamment les élèves de ces sections. L'association du sport et de l'école n'est donc pas une nouveauté, à Tiraqueau, avec toutes les contraintes que cela suppose. Des conventions ont été établies avec les clubs ; ce sont des animateurs sportifs qui prennent en charge les élèves des SSS (Sections sportives scolaires), durant les deux dernières heures de l'après-midi, trois fois par semaine. Ces élèves finissent donc leur journée à dix-huit heures, une heure plus tard que leurs camarades. Les classes concernées par l'expérimentation regroupent des élèves des sections sportives et des élèves "ordinaires". Voilà donc pour le contexte. Pour ce qui est de l'expérimentation, une rencontre, en juin, a réuni l'équipe administrative du collège, les professeurs d'EPS et des représentants des clubs sportifs, en présence de M. Marchive, inspecteur pédagogique régional d'EPS. C'est ainsi que tout a commencé. De quoi s'agit-il au juste ? "Construire un emploi du temps différent au profit de la réussite de l'élève" : tel est le sous-titre du cahier des charges définissant cette expérimentation qui dure trois ans. L'objectif est, par "une meilleure prise en compte des pratiques sportives dans les rythmes scolaires", de "permettre aux élèves de mieux vivre leur scolarité, d'accroître leur motivation et leur épanouissement et contribuer ainsi à leur réussite scolaire". Une nouvelle version du bon vieil "esprit sain dans un corps sain". S'il s'agit avant tout de "développer la pratique sportive sur les créneaux horaires de l'après-midi", les "activités artistiques et culturelles peuvent également être envisagées en complément et en cohérence avec les activités sportives retenues", précise le texte. Le budget alloué est de cinq mille euros par an sur trois années, pour une expérimentation qui doit concerner au moins deux classes.

De la structure au contenu...

L'idée était au départ de mettre en œuvre l'expérimentation sur une classe de chaque niveau, mais la décision finale ne concerne qu'une classe de sixième et une classe de cinquième. En effet, compte tenu des emplois du temps des quatrièmes et troisièmes, il est matériellement impossible de faire tenir tous les enseignements plus "théoriques" sur les heures du matin. Ces deux classes regroupent donc des élèves de sections sportives et des élèves "ordinaires" et tous vont expérimenter un nouvel emploi du temps. Les heures d'EPS, mais aussi toutes les disciplines qu'on eût naguère nommées éveil, sont placées l'après-midi : technologie, musique, arts plastiques, mais également heure de vie de classe et aide au travail personnel (ATP). Trois heures supplémentaires sont également placées dans l'emploi du temps, de seize à dix-sept heures, trois fois par semaine, sur le créneau correspondant aux heures de SSS. Que va-t-on y mettre ? Ou, pour le dire autrement, quel projet bâtir pour ces deux classes, dans le cadre de l'expérimentation ? La question est soulevée avec l'équipe pédagogique, et les discussions sont vives. L'inscription à cette expérimentation suscite des craintes et permet d'engager un débat de fond, qu'il va falloir rapidement transformer en décisions concrètes. L'école ne doit pas se laisser déposséder, et chacun doit rester à sa place, dans une complémentarité qui n'est pas une interchangeabilité. Quel est le rôle de l'école, dans ce cadre, quand ce sont en partie des personnes extérieures au système scolaire qui prennent en charge les jeunes ? Quelle articulation entre la pratique sportive et les enseignements scolaires ? Comment garder une cohérence d'ensemble et éviter le fractionnement dans l'esprit des élèves ? Quelle pédagogie mettre en œuvre ? Quel équilibre trouver entre les différentes disciplines, les sportives et les autres ?

Sport ou EPS ?

Les questions ne manquent donc pas, et elles sont loin d'être secondaires. Au final, ces trois heures supplémentaires sont réparties en deux types d'activités. Encadrée par des animateurs sportifs, une heure est réservée à l'initiation à trois des sports proposés aux élèves des sections sportives (le judo, le karaté et l'athlétisme). Les deux autres heures sont, quant à elles, consacrées à un projet pluridisciplinaire pris en charge par trois enseignants : un enseignant d'EPS, l'enseignante-documentaliste et l'enseignant de mathématiques-sciences physiques, Jean-Noël Pédeutour, qui est également un des administrateurs du site internet du collège. Le sport et l'éducation physique et sportive sont deux choses bien différentes, rappelle fermement Fabien Vautour, et l'école est un lieu d'éducation. Le projet mis en place vise ainsi à repositionner l'expérimentation dans le domaine pédagogique nécessairement mis en œuvre par les professionnels de l'éducation que sont les enseignants. Durant deux heures hebdomadaires, donc, tandis que leurs camarades des sections sportives sont sur les terrains, les autres élèves de sixième et cinquième sont regroupés au CDI pour un "atelier journalisme". Interviews, enquêtes, rédaction... ils font tout. Leurs articles écrits, et plus récemment oraux, sont diffusés sur le site du collège. La vidéo va bientôt permettre d'élargir encore le champ, avec l'achat de caméras et de logiciels adaptés. Presse écrite, radio et maintenant télévision, rien n'arrête nos journalistes. Et ce qui est vrai pour la forme l'est également pour le fond. Au début, l'idée était de réaliser des articles uniquement sur les différents sports pratiqués par les collégiens, mais peu à peu, l'horizon s'est élargi et les élèves sont maintenant à l'affût de tout ce qu'il pourrait être intéressant de relater (voir annexe). Ainsi, ils interviewent les professionnels du collège, font un reportage impromptu sur une séance de prévention faite par un dentiste (qu'ils découvrent en cours de séance dans la salle adjacente)... Événements de la vie du collège, ateliers et clubs, professionnels du sport ou non, métiers... ils font feu de tout bois.

Une expérience formatrice, incontestablement

Ils ont fait beaucoup de progrès, constate Sophie Barré, la documentaliste. Elle explique que cet atelier est une manière de travailler des compétences plus nombreuses, notamment dans le domaine de la langue, tout en s'appuyant sur les pratiques sportives des uns et des autres. Une manière de partager l'expérience avec tous les élèves du collège, dans un projet dont les objectifs ne sont pas uniquement sportifs, loin de là ! Dans le cadre de l'atelier, les élèves ont par exemple rencontré un journaliste de Ouest-France, à qui ils ont apporté un brouillon d'article. La correction (impitoyable !) a été riche d'enseignements pour les apprentis qu'ils sont. Formatrice, cette expérience ? Incontestablement, répondent les enseignants. Et il suffit de regarder les collégiens travailler pour en être convaincu... Ainsi, une élève de l'atelier, ce vendredi soir, à dix-sept heures, vient demander au professeur d'EPS de venir écouter l'enregistrement qu'elle vient de terminer avec ses camarades. Elle insiste pour que ce dernier vienne maintenant. Ce sera fait dès lundi, répond celui-ci, déjà aux prises avec le correspondant d'Échanger ! Ce sont des signes qui ne trompent pas. Il a fallu beaucoup travailler sur la réactivité, note Fabien Vautour. Quand on parle de l'actualité, on ne peut publier l'article trois semaines plus tard! Respect des échéances, du cahier des charges, travail en groupes, utilisation des nouvelles technologies... autant de compétences qui, en plus de celles liées à l'expression orale et écrite, sont travaillées dans les activités de l'atelier journalisme. Et les enseignants ont parfois du mal à fournir à la demande. Ils sont pourtant deux et demi. Le professeur de mathématiques-sciences physiques intervient une heure par semaine ; c'est lui qui valide la mise en ligne des différentes productions. La documentaliste et le professeur d'EPS se chargent plus spécifiquement du suivi des élèves. Il faut parfois accompagner un groupe en reportage. Et la production est foisonnante! Surtout que les élèves travaillent souvent en dehors des heures de l'atelier, pour réaliser certaines interviews, par exemple.

Eux, qu'en pensent-ils ?

Cours le matin, sport l'après-midi, ça leur plaît ? Parce que, quand même, ça fait trois heures hebdomadaires de plus que les autres... Petit sondage à main levée : 100 % de satisfaction haut la main ! Et les justifications fusent. Le matin, on est plus efficaces pour les cours, disent-ils avec leurs mots. L'après-midi, on est plus excités, les activités pratiquées conviennent mieux. Globalement, ils se sentent moins fatigués. Et c'est pas des cours en plus, puisque les autres sont en étude ! Eux, au moins, ne s'ennuient pas. Au contraire, ils sont utiles à tous, font des choses intéressantes, sur des sujets qu'ils choisissent. La plupart des élèves de ce collège de zone rurale prennent les transports scolaires, mais même les externes, qui pourraient rentrer chez eux plus tôt, ne regrettent absolument pas d'avoir à rester une heure de plus trois fois par semaine. Pour ce qui est du sport, il y a plusieurs manières de l'apprendre, note un élève : on apprend en pratiquant, mais "on apprend aussi en faisant nos articles". Un autre résume, approuvé par tout le groupe : "On est plus ouverts". Ouverts sur ce qui se passe dans le collège, sur les activités proposées, sur les pratiques sportives... Ouverts grâce à tout ce qu'ils ont appris à faire dans le cadre de l'atelier journalisme, aussi. Alors, évidemment, si on leur donnait le choix, soit de revenir à un emploi du temps classique, soit de continuer dans un fonctionnement similaire à ce qu'ils vivent cette année, ils n'hésiteraient pas trente secondes : cours le matin, sport l'après-midi ! Même si quelques élèves traînent un peu la jambe dans les faits, expliquent ensuite leurs enseignants, il n'en demeure pas moins que le projet suscite une adhésion très partagée des collégiens. Mais les choses ne sont pas si simples et la réalité diffère parfois des désirs...

Et demain ?

Tout le monde est d'accord sur l'impossibilité actuelle de généraliser une telle expérience - ce qui n'est d'ailleurs pas envisagé dans le dispositif -, faute de moyens matériels et humains. Les équipements sportifs sont déjà saturés, note Françoise Forgeau. Même constat du côté des enseignants. Sophie Barré explique qu'un seul CDI ne peut suffire. Cette année, l'atelier journalisme est grand dévoreur en espace comme en ressources humaines. Elle se libère deux heures chaque semaine sur toute l'année scolaire pour un travail certes productif, mais elle n'est alors pas disponible pour les autres classes du collège. Le même problème se pose pour Fabien Vautour qui prend une partie de son temps sur les heures réservées à l'association sportive du collège. Deux enseignants et demi consacrent deux heures hebdomadaires au projet. C'est l'unique moyen de pouvoir réaliser ce qui a été prévu, et ce type de travail en partenariat est riche pour tout le monde. Mais dans l'état actuel des choses, c'est au détriment des autres élèves. À l'heure où nous écrivons cet article [avril], l'équipe est déjà en train de réfléchir aux aménagements à apporter l'an prochain pour que l'expérimentation puisse perdurer. Plus que de moyens financiers, c'est de moyens humains dont l'expérimentation aurait besoin, note la principale, qui ne peut que déplorer parallèlement la perte de trente heures supplémentaires dans sa dotation pour l'année prochaine. À l'heure actuelle, c'est vers une recherche de plus d'équité que s'oriente la réflexion de l'équipe : une expérimentation qui concernerait toutes les classes de sixième, mais sur une période plus courte, avec un projet fédérateur par classe. Reste à voir la faisabilité d'un tel dispositif.

Aménagement du temps

Une évaluation complète est prématurée à l'heure où nous écrivons cet article. Le dispositif prévoit des critères d'évaluation précis : qu'en est-il de la santé des élèves, des prises alimentaires prévues, de la pratique sportive effective, des intervenants et partenaires concernés, des modalités de mise en œuvre ?... Les expériences seront analysées de manière plus globale. Pour ce qui est du collège Tiraqueau, l'organisation mise en place est plébiscitée par les élèves, qui sont aussi enthousiastes qu'unanimes. Pourtant, elle ne sera pas reconduite en l'état. Quoi qu'il en soit, cette expérience, qui cherche à tisser des liens entre les activités sportives et culturelles, physiques et intellectuelles, en s'adaptant au mieux aux rythmes des élèves dans une perspective éducative de diversité et de cohérence, va bien dans le sens d'une vision toute "humaniste de l'esprit sain dans un corps sain". Quoi de plus normal dans un collège qui porte le nom d'un ami de Rabelais !
 
auteur(s) :

D. Grégoire

contributeur(s) :

S. Barré, F. Forgeau, D. Landry, F. Vautour, Collège André-Tiraqueau, Fontenay-le-Comte [85]

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