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mis à jour le 03/11/2010


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Des injonctions paradoxales, chacun en use : Aime ! Sois heureux ! Chacun connaît pourtant leur limite ! Si parfois la suppression des redoublements a pu relever de ce type d'injonction, cet article atteste que l'injonction partagée de faire réussir chacun est loin d'être paradoxale. Grâce à un faisceau d'actions, le collège du Val-d'Oudon est passé, en 3 ans, de 17 à 5 % de doublants, avec moins de 1 % en sixième. Tout cela en améliorant de dix points le taux de réussite au brevet et celui du passage en seconde.

mots clés : liaison CM2/6e, projets, évaluation, suivi individualisé, soutien, accompagnement, suivi personnalisé


Ce collège du Segréen, en limite de la grande couronne angevine, recrute un public scolaire sur treize communes rurales. Il connaît peu de violences ou d'absentéisme et son corps professoral est très stable. Jusqu'à la rentrée 2005, ce collège connaissait le paradoxe de se situer dans une zone en expansion démographique et de perdre des effectifs. Les élèves arrivaient en sixième avec un retard légèrement supérieur à la moyenne académique et ils obtenaient des résultats légèrement inférieurs lors de l'évaluation sixième connue par le nom de son logiciel d'exploitation, JADE. À la faveur d'un changement de direction notamment, des constats ont été posés et partagés et la tendance s'est inversée. À regarder de près, donc !

Une histoire de calculs

À son entrée en fonction, le principal fait un constat qui l'alarme. Les élèves accueillis en sixième, nous l'avons dit, sont plus âgés et redoublent davantage. Mais les départs en Maison familiale rurale et en apprentissage sont aussi nombreux dans les classes du cycle central. À la sortie, réussite au DNB (diplôme national du brevet) et taux d'accès à la seconde sont inférieurs aux taux escomptés. Cause ou conséquence ? Nul ne le sait. L'attractivité du collège est, toujours est-il, à ce moment, devenue faible. Et, si l'on peut risquer une expression familière, "le collège public ne fait pas le plein !". Mais que faire de ces constats ? Le principal n'a pas tergiversé : il a présenté à tous un tableau réaliste et objectif des faits et des chiffres. En prenant comme hypothèse l'arrivée d'une cohorte de quatre-vingt-dix élèves en sixième, les taux de doublements et les départs en cours de scolarité, il a dressé les perspectives avec leurs conséquences sur les élèves, certes, mais aussi sur les postes des enseignants. Les calculs du nombre d'élèves et du nombre d'heures d'enseignement sont facilement corrélés. Pour autant, pas question de culpabiliser quiconque. Une fois le diagnostic posé et partagé par tous, il reste à se donner les moyens de changer et d'oser de petits gestes. Bref, il s'agit de dégager des leviers.

La liaison, une culture

Travailler ensemble entre enseignants des écoles et des collèges s'appuie sur des actions, des projets communs. Le principe est de rassurer les familles, les élèves et les professeurs du premier degré. L'idée est de multiplier des moments partagés dans le collège sur des supports pédagogiques précis. Jamais de "visites" mais de véritables moments scolaires. Ce socle s'est construit autour d'expériences classiques : un défi mathématique, un forum de sciences, un projet robotique et enfin un projet musique. Petit à petit, non seulement les enseignants, mais aussi les élèves, ont appris à travailler ensemble, à apprivoiser les lieux. Ce jour où la correspondante d'Échanger était au collège, salles, cour et cantine étaient en effervescence. Deux cent quarante élèves de CM (cours moyen) étaient là pour partager des expériences scientifiques. Mais pour que ces projets communs deviennent autre chose que des actions ponctuelles et reconduites, le collège s'est attaché à inscrire ces projets dans une démarche de conventionnement et de partenariat. Le cadre devient ainsi pérenne et n'est pas soumis aux bons vouloirs et aux aléas des présences individuelles. Cette démarche d'officialisation est aussi un avantage pour trouver des sources de financement qui dégagent des marges de liberté. Un exemple en est donné avec la restructuration du collège, un pôle musical est prévu et va s'ouvrir à un cadre plus large, celui de l'école musicale. Cette charte de fonctionnement croisé et partagé des locaux ouvre des perspectives : la création d'une classe à horaire renforcé en musique dans un collège rural, des équipements de qualité supérieure. Même chose en ce qui concerne le studio vidéo numérique, un équipement de nature à susciter des projets communs.


Passage de témoins

Ce socle commun d'expériences partagées a permis, au fil du temps, de gagner en efficacité dès la constitution des classes de sixième. En fin d'année, professeurs des écoles et du collège se retrouvent dans une sorte de rituel : il s'agit de constituer ensemble ces futures classes. L'objectif est que chaque futur sixième soit dans un environnement et une prise en charge des plus propices à sa réussite. Cette anticipation est souhaitée pour prévoir l'accueil d'élèves aux problématiques scolaires complexes ou pour tenir compte d'éventuels handicaps. Un jeune dysphasique a, par exemple, fait l'objet de trois réunions à l'école. Le praticien qui l'accompagne est venu lors des journées pédagogiques de juillet présenter concrètement les difficultés rencontrées. Après cette séance, l'équipe d'enseignants s'est constituée sur la base du volontariat en imaginant des modalités d'évaluation spécifiques. Lors de cette demi-journée banalisée, fin juin, les professeurs des écoles présentent les futurs élèves à leurs collègues de sixième, par le biais de fiches individuelles. Il ne s'agit pas de résultats mais d'observations sur le mode de comportement de chacun. Y figurent les points d'appui et les degrés d'autonomie (voir annexe).

Les classes de sixième, c'est aussi l'affaire des écoles

À partir de cette connaissance mutuelle des élèves, les classes sont constituées par les professeurs du collège lors d'une seconde demi-journée, avec cette année, l'ambition d'impliquer les professeurs du primaire. À cette occasion, ils repèrent les quatre ou cinq élèves faisant déjà l'objet d'un suivi pour éviter que le hasard ne les réunisse !... Ce travail conjoint est amplifié et renforcé par une formation commune organisée sur le site de l'IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) d'Angers. Lors de l'année scolaire 2007-2008, une équipe complète de professeurs du collège est allée à la rencontre des professeurs des écoles stagiaires à l'IUFM, pour un échange de pratiques et une mise en perspective. Lors de ce temps de formation, travail sur les compétences, soutien lecture, apprentissage des langues sont au programme, mais aussi connaissances des évaluations de CM2. Ainsi, ces journées sont construites et vécues comme des partages d'expériences qui donnent des armes aux maîtres pour aider l'élève à résoudre ses difficultés d'entrée au collège. Elles permettent ainsi aux jeunes enseignants d'entrer progressivement dans une culture du lien. L'idée est bien de donner plus de sérénité à chacun, puisque les maîtres savent aussi dans quelles conditions "leurs" élèves seront accueillis mais aussi suivis.

Être aidé pour réussir sa sixième

En effet, toujours avec ce souci d'un accompagnement rapproché, l'emploi du temps des sixièmes comporte une heure alignée, dite en "barrette". Sur ce créneau, toutes les classes de sixième et environ huit à dix professeurs travaillent sur la base de difficultés repérées par le professeur principal ou à la demande de l'élève ou de sa famille. Dans ce cadre, les élèves un peu perdus apprennent à gérer un agenda, un cartable, à se repérer dans le collège. Bref, jusqu'aux congés d'automne, l'accent est mis sur l'adaptation des gestes à une scolarité maîtrisée. Ensuite, les élèves sont répartis en groupes sur des pôles ressources en maths, français, langues ou autre. D'autres dispositifs existent, mais la règle est que ces élèves ne peuvent participer à plus de deux dispositifs. Chacun, étant évalué, est redirigé après un bilan vers un groupe adapté : les uns iront, par exemple, vers un soutien lecture, alors que d'autres iront vers un tutorat encadré par des troisièmes. Une attention toute particulière est apportée aux élèves qui souffrent de troubles de l'ordre de la dyslexie. Chacun sait que ces élèves ont besoin de temps pour parvenir à maîtriser leur rapport au langage écrit. C'est ainsi que des surveillants, guidés et soutenus par une orthophoniste, aident les élèves lors des contrôles. Ils ont ainsi la possibilité de passer par une phase d'oralisation qui leur permet de minimiser la gêne que représente l'accès direct et immédiat à l'écrit. Dans ce cadre, un tutorat d'une heure par semaine et par élève concerné fonctionne sur la base d'un élève - un adulte référent.

La CPE (conseiller principal d'éducation), une plaque tournante

Ce dispositif est complexe et exige une attention multiforme; celle des enseignants, on s'en doute, des surveillants, du principal, mais, bien entendu, il est suivi de près par Sandrine Bedouet, la CPE. C'est notamment elle qui met en synergie la coordination qu'exigent les PPRE. "Les professeurs, professeurs principaux m'alertent", dit-elle. Mais son regard se fait aussi attentif et vigilant au comportement de chacun, dans la cour, dans les couloirs, en permanence. La proximité avec les familles est une obsession. Pour mieux aider certains élèves, de sixième notamment, on établit l'un de ces plans individualisés de réussite. Certains portent plus sur la remédiation. D'autres ciblent le maintien. D'autres enfin sont dans le domaine de l'accompagnement. Dans la plupart des cas, au-delà de la lutte contre la difficulté scolaire, ce qui est recherché, c'est bien la chaîne de confiance autour du jeune, et cela passe par l'implication des familles dans les programmes d'aide. À chaque fois, il s'agit de travailler une compétence spécifique. Une fois ce cadre établi, on précise par écrit le bilan de ce qui est acquis et des marges de progrès. C'est ainsi que celui que nous nommerons Bastien doit gagner en autonomie. Cette conquête commencera par le port de ses lunettes en classe, par le fait qu'il fasse son cartable seul à la maison. Il faudra également qu'il présente son carnet de liaison à ses parents à chaque fois qu'une mention y sera portée. Lors d'une rencontre, chacun s'engage, principal et enseignant, mais aussi élève et parents. Après la définition d'une période précise, les compétences seront réévaluées. Pas de PPRE sans culture du résultat. À ce moment, un nouveau plan sera alors éventuellement remis en place. Pas la panacée, mais bien un moyen de remettre l'un ou l'autre dans les rails. Lors du second trimestre, les élèves en difficulté écrivent avec les parents et les professeurs du collège ce qui est clairement recherché par tous : une sorte de mini-contrat d'engagement ou chacun exprime ce qu'il attend des autres.
 

Difficultés signalées en conseil de classe !... et après ?

Cette attention constante, doublée d'une démarche d'évaluation et de contrat, est étendue à tous les niveaux et chaque fois qu'un conseil de professeurs ou un conseil de classe signale un élève en difficulté. La vigilance est particulièrement de mise au niveau du cycle central. À un moment, le collège perdait beaucoup de ses élèves qui migraient notamment vers la Maison familiale rurale du secteur. Aujourd'hui, les élèves restent au collège. Pour parvenir à ce résultat, les rencontres sont nombreuses avec les jeunes en situation de fragilité et avec leur famille. Au cours de ces entretiens, une trace écrite est effectuée sous une forme qui, peu à peu, s'est stabilisée. Ainsi, voit-on y figurer les raisons qui ont motivé cette rencontre, les noms des personnes présentes et les engagements pris ainsi que leurs modalités de suivi. Les demandes se trouvent formulées de la manière la plus concrète possible comme "refaire, après chaque cours de mathématique, les exercices déjà effectués". Les parents peuvent aussi être conduits à prendre l'engagement de vérifier, chaque soir, le cahier de texte. Mais les engagements peuvent prendre des formes moins scolaires, comme supprimer l'accès au poste de télévision ou limiter le nombre de SMS (Short message service) ou l'accès au téléphone. Là encore, comme pour les PPRE, un rendez-vous est pris dans un délai suffisamment significatif pour l'élève. Chacun fera alors le point sur ses engagements.

Un diplôme, une forme de culture du résultat

Comme pour les autres actions, la première place est donnée à l'analyse partagée. À chaque rentrée scolaire, les professeurs se réunissent autour de ce qui semble s'être installé comme un rituel. Une grille globale reprend tous les résultats de la cohorte de troisièmes. Pour chaque élève, sont croisés les résultats de quatrième, ceux de troisième et les résultats obtenus au DNB. Alors, forces et faiblesses sont-elles définies comme autant de points de repère pour l'action. À partir de ce constat, les professeurs prennent en charge des temps de préparation spécifique au DNB dans les matières à examen. Cet entraînement est complété par un ensemble de projets communs. Certains mercredis après-midi ont ainsi pu être consacrés à des révisions spécifiques. Résultats : en l'espace de quatre années d'efforts, ce ne sont plus 75 % des troisièmes qui obtiennent leur DNB, mais 88% sur la moyenne de ces quatre dernières années. Dans le même temps, le taux des sorties du système scolaire s'est presque totalement tari. Cette valorisation des élèves par le diplôme ne se réduit pas à ce seul DNB, mais touche aussi le CFG (certificat de formation générale). Tous les ans, lors d'un samedi de novembre, les familles sont invitées, ainsi que tous les élèves, à venir récupérer les attestations et diplômes : aucun élève ne sort bredouille de sa troisième ! Cette politique très incitative concerne aussi la formation aux gestes de premiers secours. Tous les élèves sortent avec cette attestation officielle validant une formation de six à dix heures avec des professionnels de la route, de l'assurance et des forces de police ou de gendarmerie. Cet accompagnement est entièrement conçu par un assistant d'éducation. Dans le même temps, l'implication des enseignants s'accroît pour la validation des compétences nécessaires à l'obtention du brevet informatique dit B2I (brevet informatique et internet). Résultat, à nouveau, la totalité des élèves se retrouve, à la rentrée 2008, à avoir validé le B2I, chacun à son rythme, et 95% obtiennent la certification en langues avec le niveau A2.

Une balise qui devient jalon d'orientation

Dès la classe de quatrième, l'éducation à l'orientation est très présente et se trouve renforcée par des dispositifs d'individualisation. Outre les travaux classiques, un suivi personnalisé est systématisé pour chacun des élèves qui, en quatrième, présente un profil qui pourrait le conduire à choisir le module de découverte professionnelle, dans sa version six heures. L'enjeu est que chacun trouve sa propre voie, mais aussi une raison de tirer profit de sa présence au collège. Avec un professeur référent, madame Monier, qui, en l'occurrence, enseigne l'espagnol, tous ces élèves participent à une forme d'itinéraire de découverte fléché sur les outils de communication de la vie professionnelle. Il peut s'agir de construire un CV (curriculum vitae), par exemple, faire une lettre de motivation, mais aussi savoir se présenter à un entretien. Cette année, treize élèves participent à ce groupe. Pour cela, toutes les classes de quatrième ont une heure au même moment afin que ces élèves, souvent difficiles, ne se retrouvent pas tous dans la même classe. Leur livret individuel de compétences matérialise les jalons et points d'appui de chacun. En outre, certains élèves formalisent avec ce professeur référent, la conseillère d'éducation et le professeur principal, un projet spécifique qui peut s'articuler autour d'un tutorat, avec un autre élève, par exemple, d'un accompagnement spécifique et/ou de trois stages dans l'année. Résultats, là encore, moins d'élèves décrochent. On était à 17 % d'élèves qui quittaient le collège en cours de scolarité en 2005, aujourd'hui, ils ne sont pas plus de deux ou trois. Dans le même temps, les taux de passage en seconde augmentent. Pour parfaire ce travail, il resterait à faire vivre réellement une liaison avec le lycée de rattachement, à l'image de ce qui se fait autour de la liaison avec les écoles du secteur.

On l'a vu, ce qui frappe ici ce n'est pas tant le caractère spectaculaire ou novateur des actions entreprises - ce que nous venons de décrire au Val-d'Oudon existe aussi ailleurs - que leur multiplicité et leur cohérence. Petit à petit, se développe une culture : être attentif à chacun et proposer une solution. Un vrai marquage de proximité. "Pas une difficulté d'élève sans solution", tel semble bien être le leitmotiv !
 
auteur(s) :

C. Riou

contributeur(s) :

R. Miéno, S. Bedouet, C. Merlet, Collège Val-d'Oudon, Le Lion-d'Angers [49]

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