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l'expérimentation en classe : pratique théâtrale et jeu dramatique

Du projet de classe : apprendre à vivre ensemble

À partir du mois de février et jusqu’au mois de mai, les élèves ont participé activement aux séances de vie de classe. Le point de départ a été leurs représentations de la nature par le biais de déambulations et de mimes. Puis le travail a été orienté vers le chœur, avec des exercices sur le rapport à l’autre et au groupe. Un texte d’Abd Al Malik, Rock the planet, a été proposé pour une mise en voix et en gestes dans la perspective d’une présentation devant un public choisi. Les élèves ont été répartis par groupes pour un travail de mise en espace et d’oralisation de cette chanson. Au début, ils ont manifesté un grand enthousiasme face à ces propositions. Puis, de la gêne et de la réticence face à certains exercices ont émergé. Comme escompté par Claire Thévenin, le rapport à l’autre, notamment la question du regard et du contact physique, se sont avérés à certains moments problématiques. Cependant, la présence de deux professeures ayant fait le choix d’être au plus près des élèves en pratiquant avec eux a permis une adhésion de séance en séance. Au final, les quelques élèves en marge ont fini par accepter de jouer. Durant ces heures de vie de classe, des progrès significatifs au niveau du comportement ont été remarqués. Un climat bienveillant s’est mis en place. Aucun élève n’a été rejeté. Les remarques déplacées, les moqueries et les vulgarités se sont estompées. "En améliorant la communication interindividuelle et en restaurant la confiance en soi qui faisait défaut à certains", une confiance entre élèves et avec les enseignantes s’est installée peu à peu.
Aussi, durant ces séances, les élèves ont réintégré des règles de la vie en communauté par lesquelles le futur adulte qu’il va devenir doit se construire. Chacun a dû écouter l’autre, par exemple. Les contraintes n’ont plus été ressenties comme telles puisqu’ils ont mieux perçu les objectifs qu’il fallait atteindre. À ce titre, ces activités leur ont permis d’être en situation de réussite dans le cadre d’une école de socialisation. Même si la classe n’a pas été exempte de conflits, ils se sont réglés de manière plus citoyenne dans le respect d’autrui. À la fin du mois de mai, au CDI (Centre de documentation et d’information) du collège, les élèves de sixième ont joué devant la documentaliste et les professeurs de la classe. Cette représentation a été un aboutissement de ce projet. L’ensemble des acteurs a manifesté sa satisfaction générale d’avoir participé à cette première expérience théâtrale : "Durant ces séances, j’ai commencé par réinvestir immédiatement la plupart des exercices du stage. Il faut dire que pendant celui-ci, j’ai beaucoup pratiqué, ce qui m’a aidée à mieux les intégrer. J’ai été très satisfaite du travail réalisé. J’ai pu mettre en œuvre auprès de mes élèves ce que j’avais appris. Par ailleurs, j’ai pu observer les effets du jeu dramatique dans l’ambiance de cette classe où la pratique était devenue régulière. Il fallait que je voie comment et à quel point les compétences travaillées étaient transférables dans ma discipline" conclut Claire Thévenin.

Aux métamorphoses d’Ovide : une classe et leur professeur en jeu

En amont de la séquence sur les mythes intitulée "Les Métamorphoses d’Ovide, des récits spectaculaires", les élèves ont été sensibilisés artistiquement et culturellement. D’abord, par une lecture d’image sur l’œuvre de Sir Edward Burne-Jones, Pygmalion et l’image (1875-1878). Ensuite, ils ont découvert le ballet de Rameau, Pygmalion (1748) par un extrait d’une chorégraphie de Trisha Brown (2010). De plus, une sortie au musée des beaux-arts d’Angers a été proposée dans le cadre d’un parcours sur la mythologie. Enfin, le texte d’Ovide a été analysé en lien avec ces activités en mettant l’accent sur le vocabulaire des sensations dans le récit de la métamorphose.

En ce début d’après-midi, Claire Thévenin prend en charge, sur la cour, les élèves de sa classe de 6e et les conduit dans une salle spécialement aménagée.
D’abord, la jeune enseignante leur demande de se répartir dans l’espace, de se croiser en se disant bonjour, ce qui occasionne du rire, de la bonne humeur partagée. Ensuite, ils doivent former un grand cercle et s’asseoir. Elle leur propose un temps de relaxation et de respiration qu’elle partage avec eux. Puis, dans un calme propice à l’écoute, elle énonce la proposition de jeu qui consiste à mettre en espace la métamorphose de Pygmalion et Galatée en quatre images. À l’intérieur d’un cercle formé d’élèves en situation d’écoute, Claire Thévenin montre l’exercice à réaliser avec un élève volontaire. Elle fait le choix de la proximité et du jeu partagé. Pendant cette première approche, on ne ressent pas de tension. Les enfants font preuve de gaieté et de dynamisme. Il s’instaure une confiance réciproque.
Dans une première étape, chaque élève se voit confier l’un des deux personnages. Le premier sera sculpteur et l’autre statue. Les élèves se mettent par deux, en face à face. Ils n’ont pas le droit à la parole. L’élève sculpteur, par des gestes adaptés et bienveillants, doit façonner son œuvre qui doit rester quelques secondes en position figée. Lors de cet essai, beaucoup d’entre eux ne respectent pas les consignes, se parlent et en profitent pour se taquiner, alors l’enseignante reprend les choses en main et redonne la proposition dans un silence revenu. Cette fois, les élèves sont appliqués et concentrés. Des statues prennent forme dans l’espace avec la diffusion d’une musique qui contribue au calme de la salle. Les sens du toucher et de la vue sont principalement travaillés, lors de cette étape. Ensuite, chaque sculpteur vient s’asseoir en position de spectateur alors que les sculptures se placent derrière un paravent sur le plateau de jeu. L’objectif est de représenter l’ensemble des œuvres réalisées "comme dans un musée". Dès que le fond sonore est entendu, chaque élève sort de la coulisse, le regard assuré, et vient s’immobiliser dans l’espace. Il y a deux passages. Entre chacun d’entre eux, un échange de points de vue a lieu afin d’apporter des modifications, ou au contraire, conforter la proposition. Pendant cette activité de jeu dramatique, il est indispensable d’écouter les propositions de l’autre pour répondre de manière adéquate. Lorsque l’élève est spectateur ou acteur, il travaille aussi sa capacité d’écoute. De même, ces moments de verbalisation qui ponctuent chaque exercice sont des moments privilégiés pour le travail sur l’oral. Ainsi, les enfants apprennent à "critiquer". Ces temps permettent aussi de travailler en particulier sur les codes et le langage qui sont propres au théâtre.
Dans une seconde étape, il s’agit de construire la métamorphose selon le principe du théâtre-image. Les élèves demandent s’ils peuvent constituer les groupes comme ils le souhaitent, ce que l’enseignante accepte. Cette dernière formule la proposition suivante "Vous devez, par des postures et des gestes précis, réaliser la métamorphose de Galatée que nous avons vue en classe". Les élèves, attentifs, semblent impatients de jouer, car certains d’entre eux se transmettent immédiatement leurs idées. Pendant cinq minutes, ils occupent l’espace, cherchant les étapes de la transformation, et font des propositions précises dans un joyeux brouhaha. Leur professeure a mis à leur disposition une reproduction du tableau de Sir Edward Burne-Jones travaillé en classe, pour les aider. Chaque groupe est en autonomie.
Claire Thévenin observe et passe dans chaque groupe pour échanger et dissiper les doutes quand il y en a. Au bout du temps escompté, on assiste à la métamorphose de Galatée en quatre images sur le plateau devant un public calme et attentif. Chaque joueur est appliqué et concentré. La qualité des postures proposées témoigne d’une parfaite compréhension. Entre chaque passage, les spectateurs émettent des commentaires et donnent des conseils pour améliorer les métamorphoses. Ainsi, chaque élève se trouve dans une situation de réussite dans le temps de jeu et se sent valorisé en pouvant soumettre à l’autre son point de vue. Ces travaux ont été particulièrement productifs et constructifs. Pratiquement tous les élèves ont participé à l’élaboration des tâches demandées.
La parole a été répartie de manière assez homogène. Cet apprentissage du travail de groupe est une condition essentielle pour réussir en expression dramatique.

Dans une troisième étape, l’enseignante fait le bilan en soulignant les efforts consentis, et surtout la réussite de chaque réalisation. Elle leur demande s’ils souhaitent, pour la semaine à venir, choisir une autre métamorphose pour réinvestir ce travail. Ils acceptent, certains s’organisent déjà. Enfin, elle leur indique que pendant la séance suivante (en fin d’après-midi), ils devront raconter, par écrit, une métamorphose. Les élèves quittent la salle. Claire Thévenin est satisfaite : "Mes objectifs ont été atteints, les élèves se sont montrés participatifs et ont bien compris ma proposition".

En effet, pendant, cette séance d’une heure de jeux dramatiques, tout le monde semble avoir pris du plaisir, et c’est certainement pour cela qu’il règne aujourd’hui, dans cette classe, avec cette enseignante, un climat de bienveillance, de respect et d’écoute. Les élèves ont été concentrés lors de leurs passages sur le plateau. Il n’y a pas eu de moqueries gratuites entre eux. Lorsque la professeure leur a demandé de réaliser une tâche, ils sont entrés très rapidement dans le travail. Les règles de vie ont été dans l’ensemble bien respectées. Les enfants se sont écoutés et se sont parlé avec attention et intérêt. Ils se sont répondu aussi en tenant compte de ce qu’ont dit les autres. Ainsi, ils ont acquis un degré d’écoute important les uns envers les autres. Grâce à ce projet, il s’est construit un rapport particulier entre les élèves et l'enseignante. Sa posture a permis de restaurer un climat de confiance. L'occasion a été donnée à chacun de communiquer avec son corps et avec les autres.

Bibliographie

• Landier (Jean-Claude), Expression dramatique, Théâtre, Hatier Pédagogie, 1999.

• Lallias (Jean-Claude), Cabet (Jean-Luc), Les pratiques théâtrales à l’école, CDDP de la Seine-St-Denis, 1985.

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