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le dispositif innovant “lecture empathique”

Présentation générale du dispositif

Chaque semaine, une enseignante propose à la classe une séance de lecture à haute voix. Les élèves écoutent six de leurs camarades lire un chapitre de roman. La lecture a été préparée à la maison et sur le temps d’APC (activités pédagogiques complémentaires) juste avant la séance. À l’issue de la lecture, les élèves lecteurs, comme les élèves observateurs, expriment leurs ressentis. Dans un second temps, l’enseignante demande aux élèves de nommer les sentiments des personnages. C’est une entrée porteuse pour construire progressivement avec les élèves le sens du récit. Le lexique des émotions du jour est noté au tableau. Au fil des séances, les écoliers regroupent les mots et distinguent sept champs lexicaux des émotions qu’ils enrichissent de semaine en semaine. À la fin des séances, pour valider la compréhension du texte, les élèves proposent un résumé du chapitre à l'oral. Celui-ci est répété plusieurs fois par le groupe afin d'aider à la structuration de la pensée. L’enseignante propose parallèlement des activités pour fixer ces apprentissages lexicaux grâce à la création d’images mentales. Ce fonctionnement met en œuvre les quatre dispositifs pédagogiques pour développer une éducation à l’empathie émotionnelle : les élèves lisent ensemble (faire ensemble), les élèves sont lecteur puis spectateurs/auditeurs (changer les rôles), les spectateurs/auditeurs sont les observateurs des émotions des lecteurs (observer), les lecteurs et spectateurs/auditeurs parlent de leurs ressentis à l'issue de la lecture (verbaliser les émotions). C’est aussi un projet évolutif : les consignes varient subtilement au cours de l’année de manière à alterner des temps d’apprentissage, ritualisés et sécurisants, avec d’autres, déstabilisants au début : ces modalités sont pensées en fonction de la progression des compétences de lecture de chacun comme du développement des liens empathiques au sein du groupe-classe.

Présentation détaillée du dispositif

Cette année, les élèves de la classe de G. Vaz vont rencontrer l’auteur G. Abier au troisième trimestre. L’enseignante propose donc aux élèves de lire ses romans à haute voix. Les premiers et les derniers chapitres sont lus par l’enseignante. Le plus souvent, ce sont donc les élèves qui sont à l’œuvre. Chaque mardi après-midi, la géographie de la classe est modifiée : on pousse les tables, on installe des couvertures et six chaises pour les lecteurs qui vont, ensemble, lire un chapitre du roman en cours. Le travail est mené par étapes. Dans les étapes une et deux, les consignes varient selon le moment de l’année (en fonction des progrès des élèves en lecture à haute voix mais aussi pour favoriser de nouvelles stratégies empathiques dans les groupes de lecteurs) :

Étape 1 - Lire à haute voix
Durant tout le premier trimestre, les élèves ont leur texte délimité par leur professeure une semaine à l’avance. Ils retravaillent leur lecture avec leur enseignante le mardi midi sur le temps d’APC.

À partir de janvier, les élèves préparent leur lecture seulement pendant le temps d’APC. C’est aussi à eux de se répartir le chapitre. Ils doivent réussir à gérer cette insécurité inattendue en se partageant les parties du texte à lire tout en prenant en compte les compétences en lecture de l'autre.

Un peu plus tard dans l’année, l’enseignante intègre une nouvelle consigne. Après la lecture devant le public, elle demande aux élèves de lire une seconde fois leur chapitre en échangeant les passages à lire. Cette seconde lecture vise à favoriser la compréhension des spectateurs puisque le même texte est lu deux fois. L’équipe doit réagir immédiatement : “Comment faire ? Tu veux lire quoi ?”, “Oui, mais il y a C. qui a des difficultés ; je vais me mettre à côté d’elle pour lui souffler.” Les élèves mettent en place une stratégie. Lors des temps d'APC, le mardi midi, l'enseignante met en œuvre des activités jeux afin d'outiller les élèves pour améliorer la fluidité de leur lecture.

Étape 2 – Échanger autour des émotions des élèves
Après la lecture, on échange autour des émotions avec les spectateurs-observateurs. On apprend à dire les émotions que l'on a ressenties mais aussi à les nommer : la honte, la gêne ou encore la peur. Les observateurs corroborent les propos des lecteurs : “Oui, nous l’avons remarqué, notent-ils, il mettait sa feuille devant sa bouche/était rouge sur ses joues/tapait du pied.” On cherche aussi l’émotion qui explique certains défauts de lecture comme le débit trop rapide. “Je n’aimerais pas être à leur place/je suis mieux spectatrice que lectrice, je suis moins stressée”, expriment certains spectateurs… et futurs lecteurs ! Le vocabulaire utilisé est repris par l’enseignante qui invite les élèves à chercher les définitions dans le dictionnaire pour trouver par exemple la différence entre énervé et nerveux. On part à la quête du mot juste. “Les élèves ne formulent pas de jugement, explique G. Vaz, car on part de l’émotion pour expliquer le langage du corps et les éventuelles difficultés de lecture qui ont pu en découler.”
La première fois où l’enseignante a demandé aux lecteurs une seconde lecture en échangeant les textes, la discussion a été particulièrement riche. “J’étais stressé car je ne savais pas que tu allais me demander de lire deux fois. J’avais peur que l’on se moque de moi car je lis mal.” Chaque lecteur témoigne. Les observateurs font remarquer que les lecteurs ont réussi car ils se sont aidés. Et la conclusion s’impose d’elle-même : on est aussi fort à aider qu’à accepter d’être aidé.

Étape 3 – Échanger autour des émotions des personnages du livre
Pendant la lecture, les spectateurs-observateurs disposent de leur cahier de brouillon pour noter les sentiments des personnages. Le point de départ des échanges, ce sont ces émotions identifiées par les élèves. Le professeur les note au tableau et demande à la classe d’en expliquer les raisons : “Quand et pourquoi le papa était-il en colère ?” demande-t-elle par exemple. Dans cet espace de parole, chacun peut s’exprimer. Les élèves proposent un mot et, comme un puzzle, on construit progressivement le sens de l’histoire en assemblant ces propositions. Cette modalité pédagogique évite l’écueil selon lequel l’élève qui a tout de suite compris l’histoire monopolise la parole et livre le résumé complet. Par ailleurs, les élèves acceptent d’attendre car tous peuvent s’exprimer. Cette démarche permet de dégager les éléments explicites et implicites du récit. Les mots que proposent les élèves sont basés sur leur interprétation de la situation ou alors ce sont des mots qu’ils relèvent dans le texte au moment du temps d’écoute. C’est ainsi qu’apparaissent des mots nouveaux. Un élève dit par exemple que le personnage était contemplatif quand il regardait les nuages. “Comment était-il d’après vous ?” demande l’enseignante. “Il avait la bouche ouverte, il était concentré.” Le sens du mot est incarné grâce au contexte précisé au cours des échanges. Pour vérification, le dictionnaire est à portée de main. Au début de l’année scolaire, le vocabulaire était simple. Puis, au fil des séances, il s’est enrichi et des regroupements possibles sont apparus. Sur le mur de la classe, l’affiche “D’émotions en émotions” présente les sept champs lexicaux identifiés (sérénité/joie/peur/colère/tristesse/honte/surprise) et les mots associés. Le document est complété au fil de l’année. G. Vaz note l’intérêt des élèves et leur fierté de connaître de nouveaux mots. “Maintenant on en a 59”, a compté récemment l’un deux. “Mais j’ai aussi découvert leur plaisir à dire, une joie de la mise en bouche, inattendue» poursuit l’enseignante. Pour clore chaque séance, les élèves proposent un résumé oral du chapitre lu. Celui ci est corrigé, affiné au cours d'échanges entre eux. À la fin, il valide la compréhension du texte.

Étape 4 – Fixer l’acquisition des mots nouveaux 
Pour permettre aux élèves de les utiliser dans d’autres contextes, il faut fixer la connaissance de ces mots nouveaux. Pour cela, G. Vaz met en place des activités visant à créer des images mentales des émotions. Elle a sélectionné un large corpus d’images représentant des visages qui expriment des émotions parmi lesquelles des photographies, des dessins, des œuvres d’art célèbres. Ces documents visuels sont distribués aux élèves sous forme de cartes.

Séance 1 – Par équipes, les élèves doivent les classer en sept groupes de cartes correspondants aux sept champs lexicaux identifiés au cours des séances de lecture. Les élèves de l’équipe doivent se mettre d’accord. Ils identifient des éléments corporels qui peuvent correspondre aux émotions. Évidemment, il n’y pas une seule réponse possible ; chacun doit être capable de justifier son opinion et d’accepter éventuellement que l’on se mette d’accord sur le choix d’un autre camarade. Les élèves s’aperçoivent que l’on peut interpréter différemment des éléments du langage corporel. Il est donc possible de mal interpréter ce que l’on voit chez l’autre. Parfois, justement, il est impossible de trancher et l’équipe décide que deux bonnes réponses sont possibles.

Séance 2 – Quand les cartes sont classées, les élèves doivent associer un mot de la liste à chaque carte. Il s’agit de créer un contexte d’utilisation du mot. Là encore, il y a débat.

Séance 3 – Pour chaque champ lexical, l’enseignante demande aux élèves de sélectionner cinq cartes d’émotions correspondant à cinq degrés de cette émotion comme par exemple ravi, épanoui, excité.

Les élèves ont ensuite la possibilité de jouer au jeu des sept familles qu’ils on conçu puis avec le jeu créé par un autre groupe etc. En juin, l’enseignante va proposer à la classe de créer un second jeu des sept familles. Les cartes seront des photographies des élèves exprimant les émotions choisies dans le premier jeu. “Mon objectif est de faire de l'image avec les mots, de développer la fonction " imageante" des élèves en passant par les sensations éprouvées par le corps”, explique G. Vaz.
Une prochaine étape sera de mesurer l’impact de ces apprentissages lexicaux en expression écrite longue : les élèves indiqueront-ils d’emblée les émotions des personnages ? Utiliseront-ils les mots qu’ils ont appris ?

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