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le “petit citoyen de la rue”

mis à jour le 07/01/2016


echanger dossier 11

À l'école maternelle Condorcet, à Angers, on ne restreint pas l'espace de la prévention et de la sécurité à la porte d'entrée. En s'emparant des clefs de la route, toute l'équipe éducative réfléchit au sens de la prévention routière, pour les jeunes enfants. Comment un projet d'école peut-il favoriser la citoyenneté et la prévention des incivilités au niveau de l’école maternelle ? Comment, en posant comme objectifs le respect des règles de circulation et la connaissance du code de la route, favorise-t-on les apprentissages des tout-petits ?

mots clés : échanger, école maternelle, éducation et prévention routière


ensibiliser les enfants aux dangers de la rue, spécifiquement aux abords de l'école (passage du tramway et circulation en centre-ville particulièrement dense), tel est l'objectif du projet commun à toutes les classes de l'école maternelle Condorcet. Celui-ci, porté par la directrice Françoise Gaignard-Petiteau, répond à un enjeu citoyen de prévention routière, dès le plus jeune âge. Il s'appuie sur un partenariat avec l'association des parents d'élèves, les familles, la Prévention routière (documentation et fiches pédagogiques), la mairie d'Angers (dons d'affiches sur la sécurité autour du tramway) et la police municipale. Le projet est mis en œuvre dans le cadre de l'éducation à la santé et à la citoyenneté. En ce sens, les voies de circulation, les moyens de déplacement pour venir à l'école, les panneaux de signalétique, les logos, sont vecteurs de sens pour les apprentissages premiers.

Des professionnels du code de la rue"

Aux côtés de l'équipe éducative, le personnel de la police municipale s'engage. Celle-ci, plus habituée à travailler à l'école élémentaire, accepte néanmoins d'intervenir auprès des tout-petits, après présentation du projet par le conseiller pédagogique de la circonscription, Didier Fauchard. En début d'année scolaire, cette participation est l'élément enclencheur du projet. Du dix au seize octobre, toute une semaine est ainsi banalisée. Dans un premier temps, un diaporama expliqué par les policiers est présenté à toute l'école, par groupes de deux classes réunies. Les parents, via un message informatif dans le carnet de liaison, sont invités. Aux premières règles de prévention routière, les enfants réagissent spontanément : Mon papa est déjà passé à l'orange ! Maman téléphone en roulant ! C'est l'occasion, pour tous, de discuter cordialement des tenants et aboutissants de la sécurité au volant. Via la sécurité routière, le projet renforce le lien école-famille. On développe le langage en utilisant un vocabulaire spécifique : rue, route, piste cyclable, voie du tramway, chaussée, trottoir piéton. Par ailleurs, une enseignante explique l'importance du travail réalisé en amont, au sein de la classe, pour illustrer le rôle d'aide et de prévention de la police, au-delà des sanctions, pour démystifier l'image du policier auprès des tout-petits, impressionnés par l'uniforme. En ce sens, plusieurs livres "Mes p'tits docs : Les Policiers" (édition Milan) ont été lus aux enfants dans les classes. Ensuite, pour passer de la théorie à la pratique, les enfants se déplacent dans la rue pour observer les panneaux un à un, en compagnie des agents municipaux. Ceux-ci les font traverser sur les passages piétons, en rappelant les règles d'observation (circulation des véhicules) et les repères possibles (feux de signalisation, Stop...). Plus tard, les parents témoignent de l'effet du projet "code de la rue" observé à la maison. En sortant de l'école, les enfants réinvestissent fièrement ce qu'ils ont appris à l'école et en rediscutent avec leur famille : "Maman, tu passes sur la piste cyclable avec la poussette !". Les enfants, ayant compris le sens de certaines règles, se font désormais les porte-parole de la sécurité routière, à pied et en voiture.

Une citoyenneté à toute échelle

Lors de la sortie avec les policiers, on prend plusieurs photographies des lieux observés (panneaux, pictogrammes, maisons, tramway, feux, marquages au sol). Une sortie supplémentaire permet aux enfants de compléter les clichés et de mieux mémoriser leur environnement. Les photographies, imprimées en grand format (A4), sont affichées en permanence dans les salles et couloirs de l'école, de façon à ce que tous puissent s'y référer. L'idée est, en effet, de construire une maquette d'environ deux mètres représentant, grande échelle, le carrefour dangereux du tramway à proximité de l'école. Grâce à cette maquette (voir ci-contre la maquette),  les enfants peuvent faire le lien entre leur création manuelle et la réalité de leur environnement urbain, en intégrant le quadrillage des rues, les trottoirs, les panneaux, l'architecture... Dans toutes les classes, en lien avec les programmes (découverte du monde, topologie, structuration de l’espace), les enseignantes font travailler les enfants autour de l'orientation et du repérage dans l'espace.
À cet effet, un plan de la ville d'Angers est affiché avec, sous forme de photographies individuelles, la localisation du lieu d'habitation des enfants (voir ci-contre le plan). Comment je viens à l'école ? Tel est le titre du plan personnalisé par les enfants. Une enseignante de grande section et une collègue de moyenne section favorisent le travail collaboratif sur la maquette et le plan. Ainsi, les axes de circulation de déplacement sont soulignés par les uns et mis en exergue par les autres, grâce aux gommettes de différentes couleurs. Des piétons naissent en pâte à modeler, en plastique fou. Grâce au logiciel Google Earth, les lignes, les traits, la vision en 3D se précisent. Même si ce sont les plus grands qui œuvrent majoritairement sur la maquette, toutes les sections participent. Pour signifier les passages piétons à destination des déficients visuels, les enfants collent des lentilles sur le sol de la maquette. Cette activité permet d'aborder le respect des différences. En continuité, on prolonge le comportement civique à l'extérieur : attendre son tour avant de traverser la route, laisser passer les piétons, respecter le sens giratoire, utiliser les transports en commun, plus écologiques. On évoque aussi le tri sélectif en misant sur le recyclage. Pour construire la maquette du tramway, les écoliers agencent plusieurs boîtes à thé. Le soufflet entre les wagons vient d'une pièce défectueuse d'un sèche-linge ! Leur emplacement aux endroits stratégiques de la maquette ou du plan (carrefour, feu, passage piéton) permet la mise en situation virtuelle, propice à réfléchir au code de la rue en miniature.

Code de la route = code de la classe

Pour l'équipe enseignante, les formes des panneaux dans la rue (triangle "attention", rond "interdiction" ou "obligation"), les couleurs (rouge "Je ne dois pas" ou bleue "Je dois") sont propices à un réinvestissement des règles de vie au sein de la classe. Le parallèle entre code de la rue et code de la classe semble pertinent et accessible, quel que soit l'âge. Françoise Gaignard-Petiteau note l'importance de ce mode de lecture, dès la petite section. Ce code commun à tous se retrouve dans les couloirs, dans la cour, avec un système de complexité accrue au fil des sections. Dans toutes les classes, des affichettes pédagogiques aux codes explicites sont affichées près du tableau : "Je fais attention à remettre le bouchon des feutres, à ramasser ce qui est par terre, je ne dois pas crier, bousculer, courir dans la classe"...
À partir du code de la rue, les enfants imaginent leurs propres panneaux de signalétique, en référence à l'univers de l'école. Un escargot qui déambule tranquillement au milieu d'un triangle rouge ? Attention, passage de petits écoliers lents ! Un panneau rond, rouge, barré, sur un fond de trompette ? Chut... silence, c'est la sieste ! Les productions prennent du sens, au service du respect du sommeil des autres et de la vie en collectivité. Autant de dessins, coloriages, collages, peintures qui permettent de percevoir, sentir, imaginer, créer. Parce qu'ils les ont réalisées, les enfants sont particulièrement sensibles aux affichettes de la classe. En prolongement, lors des déplacements extérieurs (tramway, visite de musée...), l'enseignante distribue un collier de sortie à chaque enfant (avec son identité et les coordonnées de l'école). Chaque enfant a personnalisé son collier par un dessin autour de la prévention routière. Lors d'une sortie en tramway, le collier montre la cour de l'école transformée en piste cyclable, avec le dessin de l'enfant sur sa bicyclette. Les enfants peuvent faire le parallèle entre leur école et leur environnement urbain. Être citoyen, selon le sens antique, c'est devenir membre de la cité, d'une ville, être acteur de son territoire. Très fiers de ces colliers, ils se reconnaissent en tant que "petits" citoyens.

 

Une piste routière dans la cour d'école

Forts de ces observations sur le terrain, les enfants proposent de modifier le tracé de leur cour d'école "parce que la piste est trop facile". L'idée, soufflée par l'équipe éducative qui souhaite pérenniser, durant les récréations, les notions relatives au code de la route, fait son chemin. Courant décembre, les élèves de grande section écrivent une lettre au maire d'Angers : "On a préparé un modèle avec deux nouveaux carrefours, un rond-point, un ralentisseur, des passages piétons et des parkings". C'est l'enseignante, Patricia Jolliet, qui rédige le courrier, mais chaque enfant signe de son prénom. Un dessin représentant le schéma du nouveau tracé réalisé par la classe est envoyé conjointement. Par le débat suscité, elle favorise l'implication des élèves dans la conduite de leur projet commun. En effet, il a fallu se mettre d'accord sur les propositions des uns et des autres, obtenir un consensus. Pour cela, la classe a été divisée en six groupes de quatre enfants. S'appuyant sur le tracé d'origine imprimé en format A3, chacun d'eux esquisse un dessin pour la nouvelle piste routière. Chaque groupe apporte ses idées, ses propositions.
Les enfants, conscients de leur position récurrente de piétons, ont particulièrement insisté sur les passages protégés. Toutes les idées sont ensuite confrontées et un vote détermine la version finale. Chacun exprime son point de vue. Quelques semaines plus tard, une réponse positive est adressée par le service logistique-éducation enfance de la mairie. Un matin de printemps, un technicien arrive, muni du plan des enfants, et réalise la nouvelle piste routière sur la cour de l'école. Les enfants s'emparent à pleines mains des grands panneaux de circulation réglementant le nouveau tracé de circulation : Stop, voie sans issue, ralentisseur, passage piétons, piste cyclable. Les enseignantes en profitent pour réactualiser la signification des panneaux. Chacune vient observer le parcours avec sa classe : par jeux de rôles, on devient piéton, taxi, cycliste. Pour la sécurité des piétons, une ligne jaune encercle l'ensemble du tracé, délimitant l'espace des "roulants", et celui des "marchants". Enfin, on se délecte des premiers tours de piste tant attendus. Mais, devant les passages piétons, on patiente. On respecte les règles de circulation, on apprend à vivre ensemble. Sur les trottinettes et tout nouveaux tricycles achetés pour l'occasion, on agit et on s'exprime avec son corps. Pour sa sécurité et celle des autres, on tend le bras à la place du clignotant, on maîtrise l'engin sur lequel on se déplace. On respecte la priorité à droite, en se concentrant sur une latéralisation, une coordination des mouvements encore balbutiantes !

Artiste du bitume ?

En lien avec le code de la rue, les enfants ont réalisé des créations picturales en s'inspirant ou en détournant des productions d'artistes. Le code de l'Art d'Andy Guérif (édition Palettes) permet le foisonnement de l'imaginaire. Dans son ouvrage, l'auteur associe des œuvres d'art célèbres à des panneaux de signalisation routière.

Ainsi, le panneau "train, attention danger" fait-il écho à La gare Saint-Lazare, de Claude Monnet. La ligne haute tension se retrouve dans le tableau de Robert Longo. En parcourant Le Code de l’Art, le lecteur prend conscience qu’une œuvre peut finalement être associée à un simple pictogramme à travers la symbolique schématique qu’il représente. Dans les iconographies présentées aux enfants, la reconnaissance de panneaux s'accompagne d'une ouverture au domaine artistique. Libre à eux ensuite de s'emparer des pastels et couleurs pour donner leur propre vision du monde de la sécurité routière. Avec des gommettes, des aimants, des pochoirs, les enfants reprennent les pictogrammes observés et les métamorphosent : un panneau Risque d'orage devient un reptile serpentin, le panneau Stop se métamorphose en prairie fleurie ou avion du petit Prince, un Danger de route verglacée se transforme en piscine pour voiture amphibie. Autour du trait et des alignements, Françoise Gaignard-Petiteau présente le tableau en quadrillage noir de François Morellet, artiste local choletais, faisant écho au panneau signalétique des barrières. Durant ces ateliers, les enfants réinvestissent les formes, couleurs, verticalité, horizontalité, épaisseurs du code de la route en notions graphiques. En prolongement du code de la route, on fait une place de choix à la créativité.

Prix des clefs de l'éducation routière 2014 et après ?

Le vingt-quatre septembre 2014, les représentantes de l'école sont attendues au ministère de l'Éducation nationale. Cinq petits chanceux y reçoivent, au nom des cent soixante-douze écoliers, le premier prix des clefs de l'éducation routière des mains de Madame la ministre, ainsi qu'un chèque de mille cinq cents euros, destiné à prolonger les actions mises en œuvre (livres sur le code de la rue, cycles, jeux, matériel pour la construction de circuits miniatures). L'ensemble du projet vient d'être récompensé. Ce concours a pour objectifs de récompenser et de faire connaître les initiatives les plus originales et les plus marquantes des établissements scolaires en matière d’éducation routière, au service de routes plus sûres, synonymes de vies préservées. Les critères retenus valorisent des actions continues, très concrètes, proches de la réalité quotidienne des enfants, privilégiant le milieu réel, et utiles tout de suite à la sécurité des élèves. Enfin, il privilégie les projets favorisant les apprentissages où les élèves sont acteurs et producteurs. Il n'est donc pas question pour l'équipe de s'arrêter en si bon chemin. Désormais, quels prolongements possibles ? Danièle Plantier (enseignante en moyenne section) envisage la création d'une affiche de prévention routière présentant l'école. Sylvie Danniou, sa collègue, souhaite la création d'un livret présentant différentes situations de piétons dans la rue, que les enfants pourront mémoriser et intégrer dans leur comportement. Selon elle, le fait de travailler autour d'une même thématique permet une motivation au sein de l'équipe, une diversité des activités surprenante ; d'où l'intérêt d'avoir condensé cette richesse pédagogique dans un diaporama. Enfin, pour Patricia Jolliet (enseignante en grande section), "On apprend autant des autres qu'on peut en apprendre soi-même en cherchant seul de son côté". En 2015, elle espère approfondir le tracé de la piste routière en faisant réaliser par les enfants des panneaux supplémentaires (cédez le passage, sens interdit, giratoire), permettant la mise en situation d'autres engins roulants. Essentiels à la réussite de ce projet, la directrice conclut par la mise en valeur du travail d'équipe, le partenariat avec la commission des parents d'élèves, et surtout, le fait de partir du quotidien de l'enfant, pour tout enseignement : "C'est le jaillissement de l'école avec leur vécu".

 
auteur(s) :

C. Lacôte-Coquereau

contributeur(s) :

F. Gaignard-Petiteau, École maternelle Condorcet, Angers [72]

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