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les coulisses des 3e A

mis à jour le 02/07/2010


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À Saint-Brévin-les-Pins, trois enseignants du collège René-Guy-Cadou se sont lancés dans une aventure spectaculaire: créer une classe théâtre en langue espagnole... Projet un peu fou qui s'est concrétisé, au printemps 2009, par des représentations en France et en Espagne, après deux années de labeur pour les professeurs et aussi, bien sûr, pour les élèves !

mots clés : apprentissage des langues, théâtre en langue étrangère, langues vivantes, pratique artistique en langue étrangère, classe européenne


Au début de cette histoire, il y a un professeur d'EPS, Vincent Potier, qui anime l'atelier de pratique artistique théâtrale du collège depuis de nombreuses années. Il a précédemment participé à des projets Comenius avec ses collègues de langues. Le dernier en date l'a déjà conduit, en mars2007, à Valladolid où les élèves allemands de Stuttgart, les Espagnols et les Français se sont présenté leurs contes patrimoniaux respectifs sous la forme de saynètes. L'enseignant a alors pu constater à quel point le partage d'une activité théâtrale abolit les frontières de la langue. Les adolescents échangeaient, se comprenaient au travers de ce qu'ils avaient vécu en commun. Les contacts entre eux étaient beaucoup plus aisés que lors des échanges classiques où il faut davantage de temps pour faire connaissance. Et puis voilà qu'en juin2007, le collège s'est porté volontaire pour créer une classe européenne en espagnol afin de répondre à la demande du lycée Aristide-Briand de Saint-Nazaire (cf. Échanger hors série n° 3). Alors, de cette expérience et de ce projet, est née une idée proposée par le trio d'enseignants qui l'a réalisée depuis : créer une classe de quatrième théâtre / espagnol avec des élèves débutants dans cette seconde langue. Classe qui, dans le prolongement des projets Comenius du collège, participerait à un échange avec une classe du lycée Delicias de Valladolid.

D'abord se lancer...

Une telle structure, sans doute, ne s'improvise pas, mais les conditions ne sont pas toujours celles que l'on attend pour démarrer un tel projet. L'idée avait été proposée en juin et il fallait être prêt en septembre, alors l'été fut studieux pour les trois enseignants concernés, Yolanda San Millan pour  l'espagnol, Yann Bartolomé, le professeur principal, et Vincent Potier, pour le théâtre. Si le principe était de créer une pièce en espagnol, il y avait aussi la volonté affirmée de faire vivre à une classe un projet fédérateur, source d'apprentissages multiples dans le domaine des savoir-être. Un pari ambitieux qui a été présenté en septembre2007 à une classe prise au hasard parmi celles de ce niveau. Il y avait huit élèves qui étaient connus par V. Potier pour avoir fréquenté l'atelier théâtre en classe de cinquième, mais aucun recrutement d'élèves particulier n'a été fait au départ. Même principe, donc, que dans les classes à projet qui, sans être choisies par les élèves, naissent des choix d'une équipe pédagogique, ou tout au moins d'une partie de celle-ci. Mais cela crée aussi des difficultés, puisqu'il faut convaincre le groupe de l'intérêt du projet. Et de fait, l'heure de théâtre, placée en fin de journée, a suscité des résistances auprès de quelques élèves et familles. Le projet a été expliqué longuement à ces dernières et finalement, sur les vingt-cinq élèves, une seule n'a pas suivi l'enseignement proposé. Deux autres ont été irrégulièrement présents (ils avaient en projet une troisième MDP - module découverte professionnelle - et ne pouvaient donc pas se projeter dans la deuxième année) mais sont venus au spectacle de fin d'année pour jouer leurs rôles. Ce spectacle, d'ailleurs, n'était pas vraiment prévu, mais ce sont les familles et les élèves qui ont souhaité ce temps de présentation du travail théâtral en espagnol, même s'il n'était pas encore très abouti.
 

Jouer et apprendre

Durant le premier trimestre, les élèves de cette classe ont, comme leurs camarades de quatrième, commencé à découvrir la langue espagnole. Parallèlement, ils s'exerçaient au jeu théâtral à partir d'un travail classique autour des déplacements, de la pose de la voix, du regard, de la concentration. Une comédienne du théâtre Athénor, Corinne Laurent, accompagnait une séance sur trois, environ. À partir du deuxième trimestre, le travail s'est précisé. Puisque l'idée était de créer une pièce en espagnol, il fallait en définir le thème ainsi que le genre, et puis il fallait commencer à dire la langue de Cervantès, à s'entraîner à l'intonation, aux sons différents de ceux du français. C'est à partir de courtes pièces espagnoles que les élèves ont travaillé et ressenti physiquement cette langue encore si nouvelle pour eux. Est-ce la musicalité de l'espagnol ou bien les diverses et nombreuses compétences de ces jeunes adolescents qui ont orienté le thème choisi ? Toujours est-il que l'idée d'un cabaret un peu fou a émergé, idée qui permettrait d'utiliser les talents en danse, musique et cirque de certains, tout en offrant un rôle à tous. Et puis, autre atout pour ce projet, la pièce pourrait être constituée d'une série de petits sketches plus faciles à écrire quand on est hispanisant débutant. Le travail s'est donc poursuivi dans cette direction et en juin2008, les élèves ont joué un ensemble de saynètes en espagnol durant douze minutes environ devant les familles.



Jouer, danser interpréter...

 

Des changements pour tous

À la rentrée suivante, la classe n'était plus au complet du fait du départ de quatre élèves. Cette fois, le recrutement a été dirigé vers six élèves qui, en quatrième, suivaient avec enthousiasme l'atelier théâtre, et qui avaient exprimé leur désir d'intégrer la classe de troisième espagnol/théâtre. Mais le choix est resté fondé sur la même volonté d'avoir une réelle hétérogénéité dans le groupe et ces six élèves présentaient les mêmes écarts dans leurs résultats que le reste de la classe, elle-même tout à fait banale dans ce domaine. Les professeurs, eux, ont modifié l'organisation pour répondre aux difficultés rencontrées l'année précédente. Dans une petite ville du littoral comme Saint-Brévin, la fréquence des transports en commun ne permet pas une grande autonomie de déplacement. Les familles s'étaient organisées pour venir chercher les enfants après l'heure de théâtre, chaque semaine, mais cela n'était pas toujours aisé. En cette rentrée 2008, donc, le cours de théâtre a été placé de 16 h à 17 h, juste après une heure d'espagnol. D'une part, les heures restaient ainsi dans le cadre horaire du collège et donc des transports scolaires, mais en plus, la séance de langue venait fort à propos pour remettre en route la langue espagnole dans la tête des élèves. La comédienne, elle, a accompagné davantage le groupe, venant tous les quinze jours en début d'année puis toutes les semaines à partir de novembre. Car le rythme s'est accéléré quand l'échange prévu avec le collège de Valladolid a été programmé pour début mars... Un vent de panique a soufflé sur la 3e A !

S'approprier une langue étrangère

Lors des séances du jeudi après-midi, les élèves commencent donc par une heure d'espagnol. Pour cette heure-là, l'enseignante concentre le travail sur l'oral : le fait de parler sans inhibition, de prononcer de mieux en mieux les sons qui ne sont pas familiers, de donner à son intervention une accentuation et une intonation espagnoles. La séance s'appuie donc sur des situations d'échanges, des répétitions de saynètes et des discussions autour d'un thème où chacun doit prendre son tour. Mais cela ne peut suffire puisque les élèves doivent créer leur texte en espagnol. Il faut donc également, durant la séance, reprendre les propositions validées de la séance précédente de théâtre. Dans le feu de l'action, les élèves improvisent en français ou en espagnol, ils sont concentrés sur la situation théâtrale, sa dynamique... D'ailleurs, de séance d'improvisation en séance d'improvisation, le texte, fébrilement noté par les enseignants à chaque séance, est débattu puis réécrit par les élèves. Lors du cours d'espagnol, il faut donc redire les répliques proposées et les formuler dans un espagnol courant mais correct. De plus, lors de l'écriture de la pièce, bien des expressions ou des tournures ne peuvent être traduites littéralement du français à l'espagnol. Le travail est alors poursuivi durant cette heure d'espagnol où les élèves recherchent les équivalences. De même, certaines répliques ont du rythme en français et pas en espagnol, alors il faut chercher comment traduire la même idée avec des répliques espagnoles qui restent fluides. Petit à petit d'ailleurs, les improvisations se font davantage directement en espagnol. Le texte s'est donc bien étoffé (voir annexe) à partir des trois minutes sur les douze qui ont été conservées de l'année précédente. Les élèves ont jugé sévèrement leur travail de la première année et surtout, ils se sentent plus à l'aise pour développer les dialogues. Noël approche et il y a encore tout le travail de mise en scène à peaufiner, les costumes, les accessoires, le décor à concevoir...

Une équipe soudée...

Heureusement, le projet est effectivement fédérateur et les élèves s'investissent avec énergie dans le travail à faire. Le film tourné pendant la courte représentation de juin2008 les inquiète beaucoup quant à leur accent. Ils se trouvent nuls. Le fait de savoir qu'ils sont attendus dans un vrai théâtre avec des spectateurs espagnols mobilise grandement les élèves, alors ils travaillent l'oral sans rechigner. Lorsqu'il semble évident que les seules séances du jeudi au collège ne suffiront pas à boucler le spectacle, aucune récrimination n'est exprimée au sujet des deux samedis entiers consacrés aux costumes, à la musique, aux répétitions. Et si les résultats scolaires, dans cette classe où les moyennes s'échelonnent entre 5 et 17/20, sont loin d'être identiques, il n'empêche, tout le monde sait son texte et même beaucoup plus. Les professeurs sont surpris de constater que les élèves, même les plus faibles, connaissent les répliques de la pièce entière ! Un autre constat les réjouit ; ce projet, proposé parce qu'il porte aussi des valeurs citoyennes de respect, de solidarité et d'autonomie, est en train de porter ses fruits: les élèves coopèrent, ils gèrent efficacement l'organisation et le déroulement des préparatifs et acceptent la discipline exigée par le spectacle. Ils sont tellement investis dans ce projet que cela pose des problèmes comme cela arrive dans les groupes trop soudés. Ils ont du mal à différencier les moments où spontanéité et créativité sont les bienvenues pour nourrir le travail théâtral, et ceux où l'on attend davantage de pondération pour développer les connaissances dans tel ou tel domaine. Pendant le mois de février, les autres enseignants de l'équipe ont bien du mal à les faire travailler. Lorsqu'un mot évoque une situation de leur pièce, c'est une série de tirades qui fuse dans la classe, que l'on soit en SVT (sciences de la vie et de la Terre) ou en français, et pour les élèves, les plaisanteries les plus courtes ne sont pas du tout les meilleures... Au point que le chef d'établissement vient remettre un peu d'ordre en menaçant d'annuler le voyage en Espagne si le calme ne revient pas.

Le pire et le meilleur

À l'heure des bilans, c'est ce comportement des élèves qui vient amoindrir les aspects positifs du projet. Après les dix jours passés à Valladolid où la pièce a rencontré un grand succès, après le séjour des élèves espagnols qui ont, eux également, montré énergie et talent dans l'interprétation de leur création en français, le troisième trimestre est à nouveau empreint d'une certaine agitation dans les autres cours. Et cette fois, c'est la menace d'annulation du spectacle de fin d'année prévu à Saint-Brévin qui vient calmer un peu les esprits. D'une part, parce que les professeurs de l'équipe se plaignent, d'autre part, parce que le professeur principal constate que les résultats scolaires des meilleurs élèves stagnent aux alentours de 13 ou 14 quand ils devraient être au-dessus. Le passage en seconde, évidemment, n'est pas remis en cause, et pour les élèves aux résultats moyens ou faibles, la différence avec les résultats attendus est moins notable. Néanmoins, il semble bien que toute l'énergie déployée par les élèves se soit concentrée essentiellement autour du projet de la classe. Et dans ce domaine, ils se sont vraiment dépassés, au bon sens du terme. La prise de confiance de chacun d'entre eux, la coopération, l'ouverture d'esprit a provoqué un épanouissement chez tous les élèves de la classe. Lors des rencontres avec leurs camarades espagnols, les échanges ont été immédiats grâce au partage des moments très forts que provoque une représentation. Tous ont vécu la même chose et se parlent sans difficulté, dans une langue approximative, de leurs émotions, de leurs joies ; tous échangent et se mélangent sans attendre d'avoir fait plus ample connaissance. Leur épanouissement se remarque également dans leur capacité à se mouvoir, à s'affirmer physiquement.

Un final très réussi !

Pour beaucoup de ces élèves un peu mal dans leur peau et dans leur scolarité, les trois professeurs notent aussi des progrès énormes dans leur faculté à s'exprimer à l'oral en français et, bien sûr, en espagnol. Alors certes, en deux ans, le groupe a pris l'allure d'une troupe, certes, en espagnol, l'écrit n'a pas profité pour l'instant de ce travail... mais les vingt-cinq élèves qui ont participé à ce projet de classe ont, de toute évidence, appris à aimer la langue espagnole, à échanger dans une langue étrangère, à découvrir une autre civilisation et à partager responsabilités collectives et plaisirs du jeu théâtral. Ce n'est sans doute déjà pas si mal !
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

Y. Bartolomé, Y. San Millan, V.  Potier, Collège René-Guy-Cadou, Saint-Brévin-les-Pins [44]

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