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non, la curiosité n'est pas un vilain défaut !

mis à jour le 30/09/2010


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On déplore parfois que les élèves manquent "d'appétit". On le constate plus encore chez les élèves de Segpa qui n'ont pas choisi d'être là et qui ont souvent un parcours scolaire douloureux. Peut-on attirer leur attention et solliciter leur intelligence pour qu'ils acceptent de se confronter à l'apprentissage avec confiance ? Une enseignante, en Segpa depuis dix-sept ans, suscite et utilise la curiosité de ses élèves en adaptant ses pratiques.

mots clés : motiver les élèves, motivation, remédiation


L'enseignant spécialisé est à mi-chemin entre l'enseignant du premier degré, qui a une classe unique en responsabilité, même s'il intervient sur d'autres groupes, et l'enseignant du second degré qui suit plusieurs classes, mais avec une discipline unique. Au collège Julien-Lambot, à Trignac, Géraldine Joigneault enseigne les arts plastiques, le français, l'histoire-géographie et les mathématiques aux élèves de la sixième à la troisième. Grâce à cette répartition, elle a pu constater, au fil des années, à quel point la perception d'un support est différente, chez les élèves, selon l'âge ou le groupe-classe, mais aussi selon l'évolution de la société dans laquelle nous vivons. Et aujourd'hui, il faut de toute évidence faire émerger leur curiosité d'un magma d'informations qui leur parvient, le plus souvent, sous une forme imagée mais sans aucun étayage. Développer la curiosité des élèves est certes une nécessité qui plonge plus d'un professeur dans de profondes réflexions, mais cela ne saurait suffire. Avant d'aller voir de plus près ce qui a fait ses preuves dans les classes de G. Joigneault, laissons-la ajouter quelques précisions : "Mobiliser les élèves est devenu une obligation pour enseigner. Mais cette énergie mobilisée reste fluctuante selon l'intérêt porté à l'activité. Il faut donc accepter que la mobilisation ne soit pas permanente. Se rappeler comment nous-mêmes nous nous comportons en formation, par exemple. Le professeur doit s'adapter aux changements, transmettre des impulsions, déléguer des responsabilités aux élèves. Aiguiser leur curiosité fait partie d'un ensemble, d'une volonté de l'enseignant de permettre une véritable communication entre élèves et professeur. Il est essentiel de leur témoigner une confiance fondée sur leur capacité à progresser. L'idée forte, c'est aussi que l'enseignant est un chef d'orchestre qui guide et contraint à passer par des étapes difficiles, l'échec, la frustration. De l'intérêt de travailler aussi sur des projets fédérateurs qui vont donner du sens aux apprentissages et valoriser les efforts acceptés et fournis."

Réveiller toutes les intelligences

Les élèves de Segpa ont souvent une piètre image d'eux-mêmes et ont, de ce fait, mis en veille une bonne part de leurs capacités. Le fil rouge institué par Géraldine Joigneault dans son enseignement est donc de provoquer des réactions multiples et polysensorielles. Ainsi, la plupart des sujets traités le seront à partir de supports très divers pour que les élèves aient à voir, à écouter, à exprimer, à ressentir. Une chanson comme celle de Gotainer, Primitif, sera une amorce efficace pour lancer une leçon de grammaire sur la construction des phrases. Les publicités d'un opérateur de téléphonie, aux couleurs chaleureuses, serviront à comprendre sans difficulté le sens propre et le sens figuré des mots "claque" ou "combat". La suite du travail, plus classique, pourra alors se faire sans que les élèves rechignent car ils sauront jouer à leur tour avec les mots et reconnaître, dans un exercice, le sens des mots étudiés dans différents contextes. Tout comme ils accepteront plus facilement de réaliser une série d'exercices pour s'entraîner à bien construire leurs phrases après l'audition de la drôle de chanson de Gotainer. Une autre habitude de l'enseignante est la participation à un concours ou un projet annuel. Outre le fait de lui permettre de travailler sur les notions de confiance en soi (les élèves partent toujours battus) et d'effort, c'est un excellent moteur pour capter l'énergie de tous. Lors d'Estuaire 2007, un travail avait été mené avec l'un des photographes du projet ligérien. Après plusieurs séances de travail et de nombreuses sorties sur le terrain avec le minibus du collège, les élèves de sixième ont produit un ensemble de très belles photographies. La décision a alors été prise de les faire encadrer. Depuis, elles ornent les murs de la salle du Conseil. En 2008-2009, les classes de sixième et de quatrième ont participé à un concours organisé par la SNCF (société nationale des chemins de fer de France) et le CDDP sur le bassin de Saint-Nazaire (sept classes du CM2 à la terminale BEP, réparties en plusieurs catégories). Toutes les créations ont été exposées à l'antenne CDDP et ce sont deux élèves de sixième Segpa qui ont remporté le premier prix dans la catégorie 8-12 ans. Les élèves avaient travaillé plusieurs mois sur la sécurité ferroviaire. La création des affiches, l'invention du slogan, étaient le résultat d'une réflexion menée en classe avec un intervenant SNCF spécialisé pour rencontrer les scolaires et après la visite de la gare en compagnie du chef de gare. La remise des prix sous les flashes de la presse locale a ravi les élèves et la récompense d'un voyage à Nantes pour toute la classe a été très appréciée pour aller découvrir Estuaire 2009 et en faire de nouvelles prises de vues...

Susciter l'envie autour d'une séquence

Dans les différentes disciplines, le programme de la Segpa est celui du collège que l'on demande aux enseignants d'adapter à leur public. Ainsi faut-il, tout comme en cinquième générale, faire acquérir des concepts comme celui des croisades ou celui, plus large, des civilisations. C'est un objectif difficile, car de nombreux élèves n'ont aucune représentation mentale de l'époque médiévale. S'ils visualisent le chevalier et les châteaux forts, ils n'ont en revanche aucune représentation d'un système fondé sur un équilibre entre dominants et dominés. Ils ne se représentent pas davantage l'impact des croisades sur l'évolution du monde. À plusieurs reprises, l'enseignante a pu constater la difficulté d'aller au-delà d'une simple transmission de connaissances sans perdre en route l'attention de ses élèves. Comme elle utilise régulièrement des extraits de fictions cinématographiques pour amorcer ou relancer des séances, elle conçoit alors l'idée de se servir d'un film qui serait le pilier de la séquence. Kingdom of Heaven de Ridley Scott emporte son choix. Ce film a l'immense avantage d'être accessible tout en recélant de nombreux éléments qui, une fois observés, permettent la compréhension des événements et incitent donc à aller vers une approche plus abstraite du mot "croisade". Mais pour commencer, quelques séances préparatoires sont nécessaires. D'abord,  le brainstorming ou remue-méninges rituel dont G. Joigneault se sert à chaque début de séquence. On utilise le savoir commun, même s'il est peu important, comme point de départ de l'apprentissage. Ensuite, il faut situer l'époque par rapport à ce que l'on connaît déjà, ce qui va donner l'occasion de revoir la frise chronologique. Il faut également situer les événements spatialement, et donc travailler sur un fond de carte pour placer Jérusalem par rapport à la France et l'Angleterre. Enfin, une petite séance de mathématiques sur les échelles permet de calculer le nombre de kilomètres parcourus par les croisés. Cette fois, les élèves sont prêts à découvrir le film annoncé et attendu comme une récompense de leurs premiers efforts (voir annexe).

Des détours sans démagogie

Chaque extrait de film étudié est le support d'une discussion en classe. Les thèmes sont nombreux et les interrogations aussi. Les choix faits par les protagonistes, les obligations auxquelles ils doivent se soumettre, tout cela amène les élèves à se questionner avec leurs propres mots sur les valeurs de la chevalerie, sur la place de la religion dans la société, sur l'organisation du monde à une époque où la communication était liée au temps du déplacement. Les échanges entre les élèves et le professeur sont riches mais ne peuvent suffire. Ce sont les textes au programme, ceux du manuel de français ou d'histoire, qui sont lus et étudiés ; ces mêmes textes qu'il aurait été très difficile de leur faire lire directement. L'écueil du vocabulaire est dépassé grâce à un certain nombre d'explications déjà données oralement au cours des projections d'extraits. Pour le lexique plus ardu, il faut d'abord le retrouver visuellement dans un jeu de mots mêlés, puis une fois ces mots identifiés, l'élève en choisit cinq. Il cherchera leurs définitions dans le dictionnaire pour ensuite les réinvestir dans l'écriture de phrases. Parallèlement à ce travail, l'enseignante propose des lectures intégrales provenant de la collection "Z'azimut" aux éditions Fleurus. Là encore, les élèves prennent plaisir à lire les histoires du Chevalier maudit qui évolue dans un monde dont les codes ont été décryptés. Puis, parce que cette époque du Moyen Âge a encore des effets aujourd'hui, l'enseignante poursuit sa séquence par des auditions de musiques médiévales ou inspirées par elles, suivies de la découverte d'instruments. Enfin, le final savoureux est le repas proposé à partir de recettes médiévales par M. Gouyette, cuisinier du collège, en collaboration avec les élèves. Pour l'ensemble de cette classe de cinquième Segpa, la mobilisation et l'attention portées au travail demandé ont été bien meilleures tout au long de la séquence.

Des histoires, de l'Histoire

C'est souvent à travers la fiction que la grande Histoire suscite un intérêt, et pas seulement auprès des plus jeunes. Pour sa classe de troisième, G. Joigneault modifie son dispositif, mais conserve le support d'une fiction cinématographique. Cette fois, la mobilisation des élèves est provoquée par la nécessité du décryptage. En effet, lorsqu'ils regardent les extraits du film de Vera Belmont, Survivre avec les loups, ils sont saisis par cette histoire et les premières discussions portent sur le traitement réservé aux Juifs, puis sur le parallèle entre la cruauté de l'homme et celle de l'animal sauvage... pour finalement découvrir la polémique née après la réalisation du film tiré d'une œuvre autobiographique qui finalement ne l'était pas vraiment... Alors il faut reprendre les images, chercher ce qui peut être vrai, ce qui ne peut pas l'être et puis s'apercevoir finalement que la question qui se pose n'est plus celle-là. En réalité, que ce film soit autobiographique ou non, cela change-t-il le rapport aux faits historiques ? Trois axes émergent alors de ces premières réflexions. Quelle est la réalité historique ? et c'est, bien sûr, le cours sur la Seconde Guerre mondiale qui est ainsi amorcé. Que voulait faire la réalisatrice et comment s'y est-elle pris ? Pour cette question, les élèves sont équipés d'un dossier de dix pages (synopsis, articles, filmographie) préparé par l'enseignante. Réunis par binômes, ils complètent un questionnaire qui les guide dans leur lecture et les oblige à synthétiser les informations prélevées dans le dossier ainsi que dans un bonus du DVD où V. Belmont, face à une classe, explique les trucages de son film. Enfin, la troisième question est celle de l'autobiographie avec sa part de vérité ou de mensonge. Question au programme des élèves de troisième à laquelle l'enseignante apporte pour réponse des extraits de J'ai 15 ans et je ne veux pas mourir de Christine Arnothy, en lecture suivie. Ensuite, c'est l'étude d'un groupement de textes sur l'autobiographie sans lien avec la période historique avec, entre autres auteurs classiques, Chateaubriand, mais aussi Emmanuelle Laborit qui parle de son handicap. Autre façon, encore, de créer un lien entre ce que ces jeunes perçoivent d'eux-mêmes et la littérature (voir annexe).

L'image, un vecteur indispensable

Cette enseignante en est convaincue, il faut utiliser tous les moyens dont on dispose aujourd'hui pour créer des représentations qui faciliteront les apprentissages, que l'on soit en Segpa ou non, d'ailleurs. L'aménagement de la salle avec un vidéoprojecteur lui facilite la tâche. Cela lui permet une spontanéité qui la rend beaucoup plus réactive aux baisses de concentration des élèves qui deviennent passifs face à une difficulté. Ainsi, alors qu'à la rentrée, elle parle de la dérive des continents à ses élèves de quatrième, elle perçoit comme un grand flou malgré l'explication donnée avec le planisphère. Elle leur projette alors trois minutes sur la Pangée, extrait d'un film proposé sur lesite.tv 1. De toute évidence, les visages s'éclairent et le cours peut se poursuivre. Les différentes expérimentations qu'elle mène confirment régulièrement ses choix. Les images de l'INA (institut national de l'audiovisuel), de Curiosphère, de la BNF (Bibliothèque nationale de France), du site TV, offrent un panel très important d'images qui servent d'amorces, d'énigmes, ou qui viennent simplement donner chair à un propos dont le sens n'apparaissait, avant ces représentations imagées, qu'à l'enseignant ! Grâce à la volonté sans cesse renouvelée de susciter intérêt et confiance en passant par des médias accessibles, ces élèves aux difficultés cognitives réussissent à mobiliser leur attention et donc à entrer dans les apprentissages.

1. lesite.tv: des vidéos en ligne pour toutes les disciplines proposées par france5 et le Scérén, www.lesite.tv.
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

G. Joigneault, collège Julien-Lambot, Trignac [44]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 180 Ko ;

ressource(s) principale(s)

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