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partager la culture artistique

mis à jour le 06/06/2011


echanger dossier 5

Introduite avec délicatesse, l'histoire des arts a su trouver sa place dans ce collège au terme d'un processus progressif de maturation, et avec un réel souci de cohérence. La philosophie de ce nouvel enseignement repose sur un dialogue entre les disciplines où chacune d'elles intervient selon sa spécificité tout en tentant d'apporter un élément de réponse à une question partagée.

mots clés : histoire des arts, mise en place progressive, mise en cohérence, interdisciplinarité


Au collège Gérard-Philipe de Carquefou, la réflexion sur l'histoire des arts a débuté en février 2010. Une vingtaine d'enseignants intéressés par ce nouvel enseignement se sont réunis à l'appel de l'une de leur collègue professeure d'histoire-géographie, par ailleurs coordinatrice académique patrimoine-musées-archives. Celle-ci, à qui a été confiée la mise en œuvre de l'histoire des arts au sein du collège en compagnie de la professeure d'arts plastiques, a décidé de partir de l'existant en recensant les projets déjà réalisés autour des arts. Pour orienter les collègues, D. Nordez et G. Jumelais ont choisi d'agir avec délicatesse et diplomatie en les persuadant que, tel Monsieur Jourdain, ils faisaient déjà de l'histoire des arts sans le savoir.

Une œuvre phare qui irradie

Trois mois plus tard, certaines réticences étaient tombées, et la réflexion avait mûri. Entre deux portes, les conversations sur l'histoire des arts allaient bon train et, l'équipe s'étant élargie, toutes les disciplines y étaient représentées, dont documentaliste, EPS, SVT, mathématiques, sciences physiques et technologie. Les deux professeures d'arts plastiques et d'histoire ont pris soin de sensibiliser leurs collègues à l'histoire des arts en leur suggérant des visites de musées virtuels dont elles avaient indiqué les sites. Au tout début juin 2010, une demi-journée banalisée a eu pour finalité la mise en place de l'histoire des arts au sein du collège, avec la plus grande cohérence possible (voir annexe). Après avoir exposé à nouveau la philosophie de ce nouvel enseignement, les professeurs ont choisi de présenter à leurs collègues un mini-projet élaboré et expérimenté dans trois disciplines en collaboration avec une professeure de français. Présenter un exemple concret et en montrer la faisabilité constituaient un vecteur d'adhésion à l'histoire des arts. L'œuvre concernée, La liberté guidant le peuple de Delacroix, a été approchée au moyen de son étude par Alain Jaubert dans la collection "Palettes". En histoire, la première partie de ce document a été exploitée à propos du contexte historique de la toile. En arts plastiques, c'est la suite du DVD relative à la dimension plastique de l'œuvre qui a été utilisée, afin de montrer en quoi celle-ci a marqué une révolution esthétique.
En français, enfin, le tableau a conduit vers le romantisme en littérature, autour du personnage de Gavroche, notamment. À raison de deux heures qui lui ont été consacrées dans chaque discipline dans un délai d'une quinzaine de jours, cette œuvre a donné lieu à trois approches complémentaires. Les élèves de quatrième, interrogés à ce sujet, n'ont pas éprouvé un sentiment de saturation, mais ont trouvé, au contraire, que la connaissance de La Liberté guidant le peuple se trouvait de plus en plus approfondie. Loin d'être redondants et lassants, les regards croisés sur l'œuvre ont été perçus comme complémentaires.

Une mise en œuvre collégiale

Cette seconde réunion avait donc pour but de formaliser la mise en place de l'histoire des arts à tous niveaux. Pour ce faire, des ateliers se sont tenus, au cours desquels des échanges ont eu lieu sur les programmes des diverses disciplines, ce qui n'est pas si fréquent. D. Nordez a exposé dans quel esprit ce nouvel enseignement devait être perçu, comme un lieu de rencontre entre les disciplines autour de projets qui peuvent être modestes dans le temps imparti. Chacun a réfléchi à la manière d'intégrer l'histoire des arts dans sa discipline. Autour d'un artiste ou d'une œuvre, il importe que chaque enseignant s'efforce de rester dans son champ de savoir. Il est essentiel d'élaborer une question commune, une problématique relativement simple afin que chaque discipline tente d'y apporter, à sa manière spécifique, un élément de réponse. Là réside la philosophie de l'histoire des arts. Il s'est ensuite agi d'œuvrer à une mise en cohérence globale, tant au sein du collège qu'à chaque niveau. À l'intérieur du cadre chronologique imposé par les instructions officielles (IO), des décisions ont été prises de manière concertée et consensuelle afin d'opter pour des thèmes fédérateurs et leurs déclinaisons, des thématiques et des œuvres qu'il serait envisageable d'étudier, voire de rencontrer. À chaque niveau, un thème fédérateur a été choisi : mythes et récits merveilleux en sixième, le portrait en cinquième, révolutions et arts en quatrième et arts et témoignages en troisième. Puis deux thématiques ont été choisies à chaque niveau. Le thème a été décliné en pistes d'étude dans les divers domaines artistiques.

À la rencontre des œuvres

L'étape suivante a consisté à élaborer une liste d'œuvres, et à établir des liens avec les programmes des différentes disciplines. Pour ce qui est des œuvres, certaines donnent lieu à des rencontres purement virtuelles. Dans ce cas, les ressources correspondantes sur internet ont été fournies. D'autres œuvres donnent lieu à des rencontres réelles lors de sorties avec les élèves. Les ressources locales ont été recensées avec une grande diversité. Ainsi, parmi les œuvres et sites réellement accessibles à Nantes, figurent aussi bien les tableaux religieux du musée des beaux-arts que les nefs des machines de l'île, l'architecture de l'île Feydeau, le musée Jules Verne ou les œuvres contemporaines de la biennale Estuaire. Les principes qui ont présidé à ces propositions ont été la diversité des domaines artistiques et la multiplicité des pistes d'étude selon les classes et les équipes (voir annexe). Le cadre virtuel ayant été posé en fin d'année, la rencontre réelle avec l'histoire des arts n'attendait plus que la rentrée. Lors de la prérentrée, deux heures ont été consacrées à la mise en place de l'histoire des arts, un processus lentement élaboré, avec finesse et doigté. En fonction des classes, des équipes pédagogiques ont sélectionné une ou plusieurs œuvres, ainsi que des thématiques associées. Dès la rentrée, certaines équipes pédagogiques ont élaboré des problématiques interdisciplinaires et une programmation annuelle, mais il reste encore à faire émerger des projets.

La soie, le canon... et le thé

Une équipe d'enseignants s'est emparée d'une exposition temporaire nantaise afin de mettre des élèves de quatrième en contact direct avec une œuvre pour le moins originale, de surcroît. Au château des ducs de Bretagne, La Soie et le canon a illustré, du 26 juin au 7 novembre 2010, les relations qu'ont entretenues la France et la Chine de 1700 à 1860. De nombreux objets prestigieux sont présentés, qui témoignent aussi bien de la richesse de la culture chinoise que de l'essor en France du goût de l'Orient. L'exposition, réalisée en collaboration avec le musée Guimet, explore l'évolution du regard porté sur cet Extrême-Orient aussi lointain que fascinant. Son propos est ainsi défini : "En octobre1700, l'Amphitrite, premier navire français à commercer avec la Chine, débarque à Nantes, grand port colonial, sa cargaison : thé, soie, porcelaine, nacre, ivoire, panneaux laqués... Naît alors un véritable goût pour la Chine et sa culture. Les guerres de l'opium, avec pour point d'orgue le sac du Palais d'été à Pékin en 1860, confirment le basculement du rapport économique et le déclin de l'Empire du Milieu". La période traitée cadre avec les XVIIIe et XIXe siècles étudiés en quatrième, tandis que la thématique "Arts, créations, cultures" s'applique à cette exposition. L'œuvre choisie, qui ressortit des arts décoratifs, est pour le moins singulière, puisqu'il s'agit d'une superbe boîte à thé en bois laqué rouge et or, commandée par l'armateur nantais Thomas Dobrée, et réalisée à Canton en 1824. Finement travaillé, cet objet précieux est orné de dragons, symboles de prospérité. La problématique retenue est la suivante : en quoi cette boîte à thé est-elle le reflet des goûts d'une époque ?

La boîte à thé de Thomas Dobrée
La boîte à thé de Thomas Dobrée

Un univers dans une boîte à thé

Les élèves ont réfléchi à cette question en aval de la visite de l'exposition. C'est en octobre qu'ils se sont rendus au château des ducs de Bretagne pour y rencontrer, entre la soie et le canon, l'œuvre en question ! Au cours de cette visite, ils ont rempli une fiche d'observation axée sur une découverte sensible de la boîte à thé chinoise. En effet, si les IO préconisent une "rencontre sensible et réfléchie avec l'œuvre", celle-ci doit donc donner lieu à une expérience de l'ordre du ressenti. Sans pour autant être autorisés à toucher l'objet précieux et prestigieux, sinon du regard, les élèves, après l'avoir observé en silence, ont noté les impressions que celui-ci a suscitées en eux. Après avoir contemplé ce trésor sous toutes ses faces, ils doivent le décrire le plus précisément possible, en déterminer l'usage avant d'identifier les autres objets de l'exposition en relation avec le thé. En plus de la fiche de découverte sensible, les élèves remplissent un cartel en renseignant les éléments suivants : titre et nom de l'objet, artiste / auteur, commanditaire, date, format, techniques, matériaux, support, lieu d'exposition habituel (voir annexe). Les approches croisées s'emboîtent ensuite dans cette œuvre.

Trois disciplines emboîtées

D'une discipline à l'autre, la boîte à thé de Thomas Dobrée ouvre de multiples pistes d'exploitation pédagogique, comme si elle était à triple fond. En histoire, de cette boîte magique sont sortis les éléments suivants du programme de quatrième : l'Europe et le monde au XVIIIe siècle, les routes de commerce maritime, le port de Nantes et son évolution aux XVIIIe et XIXe siècles, tandis que seront évoquées les conquêtes coloniales des Européens au XIXe. D'autres aspects ont été abordés tels que le sens du titre de l'exposition, la bourgeoisie marchande, et la figure de l'armateur nantais Thomas Dobrée qui a donné son nom à un musée de la ville. En anglais, de cette tea box surgit toute la tradition de la consommation du thé, de ses origines jusqu'à ses objets usuels. Un webquest porte sur les marques Lipton et Twinings. Un éminent membre de l'association des buveurs de thé de Loire-Atlantique interviendra dans la classe qui, dans le cadre de l'écocollège, découvrira le breakfast dans les pays anglophones. Enfin, en français, une boîte à idées s'inspire à son tour de la boîte à thé pour y savourer les plaisirs de l'écriture : rédaction de la lettre de commande de Thomas Dobrée en insistant sur ses goûts, élaboration d'un argumentaire en faveur ou en défaveur du fait de considérer cet objet comme une œuvre d'art, écriture d'un poème à partir d'un objet. L'œuvre fait donc l'effet d'un véritable stimulant propice à éveiller la curiosité et à développer la créativité.

Une galerie de projets

Si une salle des professeurs n'est ni un musée ni une galerie d'art, il n'en reste pas moins que l'on peut y accrocher des tableaux dédiés à l'histoire des arts. Y figurent donc en bonne place quatre tableaux, à raison d'un par niveau, où les enseignants s'inscrivent autour de tel ou tel projet. Certes, chaque classe n'a pas encore systématiquement son projet, mais un bon nombre y apparaît déjà, d'autant plus qu'en troisième, chaque classe doit afficher deux projets. En effet, afin de faciliter l'évaluation de l'histoire des arts au brevet des collèges, deux dossiers seront ainsi constitués au cours de l'année. Bien sûr, certains projets sont répétés dans deux classes. Il faut bien amortir le travail non négligeable de préparation, mais la diversité prédomine. Certains projets portent sur un artiste. Ainsi, dans deux classes de cinquième, Léonard de Vinci est décliné sous ses multiples facettes : en tant que peintre, en arts plastiques, en tant que savant, en mathématiques et sciences, en tant qu'ingénieur, en technologie, et en tant qu'homme de la Renaissance, en histoire. Ailleurs, Dali rallie l'espagnol et les arts plastiques, tandis que l'allemand, l'éducation musicale et l'histoire-géographie sont réunis autour des chansons contestataires. La classe-musée de quatrième, qui visite cinq musées durant l'année, est mobilisée sur un projet impliquant le français et l'histoire. Les élèves réalisent par binôme un diaporama axé sur l'architecture des bâtiments visités et sur les œuvres choisies dans chaque type de collection.

Parcours sans accrochage

Les tableaux d'inscription qui se complètent progressivement témoignent de la dimension work in progress de la mise en place de ce nouvel enseignement. Les idées mûrissent et les équipes se constituent. Les disciplines s'insèrent dans des projets. Ainsi, La liberté guidant le peuple va-t-elle donner lieu, en mathématiques, à une étude des formes géométriques, en anglais, à une étude de la statue de la liberté de New York. À terme, il s'agit bien d'embarquer le plus grand nombre d'enseignants et le plus grand nombre de disciplines à bord du vaisseau histoire des arts. Le titre des tableaux qui recensent les projets est d'ailleurs significatif. À la suite d'"histoire des arts" y figure la formule magique "ou culture artistique partagée", précision fondamentale mentionnée dans le préambule de l'organisation de ce nouvel enseignement (voir BOEN du 28 août 2008). Levant les inhibitions que l'appellation "histoire des arts" peut parfois susciter auprès des néophytes selon qui l'art est toute une histoire, la notion de partage a l'art de motiver les enseignants et de fédérer les bonnes volontés. Voilà comment réflexion, formation et temps dédié œuvrent à des œuvres d'art pour peu qu'un établissement s'en donne les moyens.
 
auteur(s) :

J. Perru

contributeur(s) :

D. Nordez, Collège Gérard-Philipe, Carquefou [44]

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