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questions de socle !

mis à jour le 03/11/2010


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Au collège Julien-Lambot à Trignac, le taux de redoublement en 2006 et 2007 était très au-dessus de la moyenne académique. Dès cette période, les recommandations ministérielles et académiques incitaient les équipes éducatives à réfléchir à la pertinence des redoublements. S'inscrivant dans cette réflexion générale, des enseignants du collège ont saisi l'opportunité de la mise en place du socle commun pour inventer des réponses plus adaptées aux difficultés rencontrées par les collégiens.

mots clés : remédiation, socle commun, compétences, diagnostic, évaluation


Dans cet établissement de quatre cent vingt-cinq élèves, situé en zone urbaine sensible, les PCS (professions et catégories sociales) défavorisées représentent le double du taux académique ou national. Or, si l'on sait que, bien souvent, il existe une corrélation entre ce taux et un pourcentage de réussite scolaire plus faible, cela n'est pas pour autant une fatalité. La question du redoublement se pose alors ici avec une acuité toute particulière. Le redoublement a-t-il réellement des effets positifs ? N'est-il pas la réponse trop fréquemment donnée quand aucune autre n'est offerte aux élèves qui arrivent aux évaluations de sixième, tant en français qu'en mathématiques, avec un différentiel de 10 % par rapport aux autres ? Les professeurs s'interrogent d'autant plus qu'environ 24 % des entrants en sixième ont déjà un an de retard, contre 16 % au niveau national (voir annexe). Une première réflexion de l'équipe laisse apparaître que l'analyse des besoins réels des élèves n'est pas suffisamment approfondie pour permettre la mise en place de remédiations ciblées. Le constat est alors douloureux : beaucoup d'élèves finissent par redoubler en sixième ou en cinquième et se trouvent en quatrième avec un, voire deux ans de retard, et toujours en difficulté. Les problèmes s'aggravent alors, l'adolescence s'ajoutant à l'échec scolaire, et malgré les diverses formules de soutien disciplinaire proposées, les résultats en fin de cursus restent insuffisants. Pour un trop grand nombre de collégiens, la sortie du système scolaire se fera prématurément et sans une certification minimale. Ce schéma est certes amplifié par l'effet des conditions socio-économiques locales, mais il témoigne du dilemme auquel sont généralement confrontées toutes les équipes éducatives.

Les prémices

Durant l'année scolaire 2007-2008, la moitié des enseignants décide de se mettre au travail en équipe pluridisciplinaire pour mieux cerner les compétences essentielles à faire acquérir. C'est à la même période que les professeurs sont invités à travailler sur le socle commun, qui semble pouvoir être un bon point d'appui à la réflexion, puisqu'il définit ce qui est exigible. Pour bien remédier, il faut bien identifier les problèmes ! Trop souvent, pour décider ou non d'un redoublement, le regard porte sur les moyennes et s'attarde sur celles nettement inférieures à la norme usuelle du "10/20". Pourtant, les notes recouvrant à la fois des connaissances et des compétences expriment tout autant des difficultés d'apprentissage que des problèmes de réflexion. De plus, une moyenne peut cacher des lacunes accessoires ou essentielles par rapport à un niveau attendu. Avec une moyenne identique, certains ont acquis l'essentiel, mais pas l'accessoire et, dans ce cas, le passage dans la classe supérieure devrait être possible. D'autres n'ont pas acquis l'essentiel mais se "rattrapent" avec des points gagnés sur des acquisitions accessoires et, parfois, cela passe inaperçu. En réalité, la précision de l'évaluation des acquisitions se perd dans l'abondance des informations compilées dans une moyenne disciplinaire. Le socle commun est un outil qui, lui, clarifiant les exigences, doit donc permettre de rentrer plus finement dans l'analyse des difficultés (voir annexe). En juin2008, après plusieurs réunions, l'équipe pluridisciplinaire, consciente de la difficulté de traduire dans ses pratiques le contenu du socle commun, demande un stage pour l'établissement. De contretemps en contretemps, ce stage n'arrivera que tardivement au printemps 2009 et, en attendant, seuls quelques volontaires vont tenter de mettre en œuvre le travail par compétences dans leur discipline. C'est le cas de Christian Faugier, professeur d'histoire et géographie et du professeur stagiaire dont il est le conseiller pédagogique, Laurent Boutin.

Un lancement partiel

Dans l'attente du stage, les deux enseignants expérimentent et relèvent les problèmes auxquels ils sont confrontés. Le premier est bien sûr de différencier les savoirs et les compétences qui relèvent du socle de ceux qui n'en relèvent pas. Le travail est réalisé à partir du programme en vigueur en 2008-2009, du programme 2009-2010, ainsi que d'un document fourni par les inspecteurs d'histoire et géographie reliant le socle commun et le programme. Les deux professeurs ont repris leurs objectifs, les ont modulés en fonction des séquences, les ont hiérarchisés et intégrés à chaque thème (voir annexe). Ce n'est pas la partie la plus difficile, des corpus théoriques facilitant le travail. Pour autant, les professeurs ont le sentiment que leurs choix sont contestables, car les documents officiels ne sont, bien sûr et heureusement, jamais aussi précis. Ils ont donc pris comme principe général de se référer au nouveau programme qui tient compte du socle commun. Cependant, il n'est pas toujours aisé, pour chaque séquence, d'identifier des compétences hors socle afin de différencier leminimum attendu de ce qui est à acquérir en sus. Alors, les professeurs s'interrogent sur les dérives possibles : garder dans le socle toutes les compétences ou savoirs qui sont proposés dans une séquence, c'est conserver le même niveau d'exigence ; inclure trop d'éléments dans ce qui est hors du socle, c'est prendre le risque d'un nivellement par le bas... Il faut bien trancher, quitte à se tromper et, à chaque début de séquence, les élèves reçoivent une fiche de révision (voir annexe) dont les parties en caractère gras indiquent les compétences ou savoirs du socle. La réaction des élèves est immédiate : certains sont tentés de ne travailler que ce qui relève du socle. Mais il est encore trop tôt pour savoir si cette réaction est liée à un manque de confiance en eux qui pourra être surmonté ou à un calcul plus stratégique de leur part contre lequel il faudra lutter.

Cibler la réponse à apporter

L'objectif de la réflexion engagée a pour but d'essayer d'analyser au plus près les difficultés des élèves afin d'y remédier au fur et à mesure. Les deux professeurs ont donc testé différentes manières de procéder en classe. L'une d'entre elles a été, à deux reprises, de donner un contrôle à mi-séquence, portant uniquement sur les savoirs et compétences du socle définis pour cette séquence. Tous ceux qui avaient obtenu plus de la moyenne, à la fois en savoirs et en compétences, ont travaillé durant les séances suivantes en semi-autonomie sur des savoirs et compétences hors socle. En fin de séquence et pour ces élèves-là, l'évaluation portait sur les acquisitions hors socle. Pour les autres, les professeurs ont fabriqué des fiches pour retravailler les points non acquis et, au terme de cette remédiation, les élèves ont repassé une évaluation sur les mêmes savoirs et compétences du socle commun. Ainsi, dans une classe, pour les deux élèves les plus faibles, rien n'a changé, la note est restée à 3 ou 4/20. Mais pour tous les autres, la note a doublé, voire triplé, passant de 6 à 10, de 9 à 15, de 4 à 12 ou de 8 à 19... Bilan encourageant, donc, mais qui pose deux problèmes : comment considérer ce résultat pour ne pas créer de sentiment d'injustice chez les élèves qui n'ont pas refait l'évaluation puisqu'ils avaient un résultat estimé convenable et qui, cependant, se trouvent au final avec une note inférieure à certains camarades, qui, eux, l'ont refaite ? Et puis, que faut-il faire de ces deux notes : faire la moyenne des deux ? ne compter que la deuxième ? Le second problème que rencontrent les professeurs est celui du temps. Organiser la programmation en respectant les instructions officielles, tout en y incluant les temps nécessaires à la remédiation pour que chacun ait sa chance d'acquérir année après année les fondamentaux prévus, ce n'est pas une affaire simple. L'enseignant est toujours tenté d'utiliser le maximum de temps disponible pour "faire cours" à tous ses élèves. Il faudrait une contrainte forte pour que la remédiation prenne une place incontestée dans l'emploi du temps.


Tester des réponses différentes

C. Faugier pense par exemple à des plages horaires définies spécifiquement dans l'emploi du temps. En réduisant chaque séance de cinq à dix minutes, on pourrait instaurer quotidiennement une à deux séances de trente-cinq minutes pour travailler, alternativement, les compétences disciplinaires et les compétences transversales du socle. Pour les élèves qui maîtriseraient ces compétences ou ces savoirs, ce serait des séances de travail pour aller au-delà. Cette proposition sera étudiée lors des conseils d'enseignement de fin d'année. Mais pour l'instant, il faut inclure la remédiation dans les horaires de la discipline, même s'il est évident que les compétences transversales rendront indispensable une organisation différente. C'est pour cela que les deux professeurs essaient systématiquement de prévoir des temps pour revenir sur les difficultés rencontrées par les élèves. À partir d'une série d'exercices donnés en cours de séquence, par exemple, les enseignants identifient les savoirs et compétences du socle qui ne sont pas acquis ou qui le sont trop partiellement. Ils conçoivent alors une séance en classe entière pour retravailler uniquement sur ces points. C'est moins coûteux en temps, mais un peu moins ciblé aussi, puisque la remédiation ne s'adresse plus cette fois-ci de manière individualisée à ceux qui en ont besoin. Mais comment mesurer l'efficacité des différents dispositifs ? En retravaillant point par point, on risque de ralentir les bons élèves. En ciblant quelques points que l'on traite collectivement, on risque de ne pas tenir suffisamment compte des rythmes d'apprentissage des plus faibles. Pour C. Faugier, malgré ces quelques interrogations, la traduction pédagogique du socle commun ne pose pas de difficulté majeure. En revanche, le problème de l'évaluation des acquis des élèves se pose avec force, car seule une évaluation fine permettra aux enseignants de tirer parti du socle commun.

Réinventer pour évaluer

Cela étant, l'évaluation est encore plus complexe lorsqu'elle réclame une distinction entre des savoirs ou des compétences exigibles et des savoirs ou des compétences complémentaires. Depuis des années, C.Faugier et sa collègue L. Noblet conçoivent des évaluations communes pour le niveau sixième et cinquième, dans lesquelles savoirs et compétences sont distingués (cf. Échanger n° 61-62). Mais, désormais, il leur faut quatre notes distinctes pour rendre compte des acquisitions des élèves (voir annexe). Et sur lebulletin trimestriel, vient s'ajouter une cinquième note, la moyenne dans la discipline. Explications nécessaires, donc, pour les élèves et les parents et ce d'autant plus qu'une seule discipline se lance dans l'expérimentation et que le bulletin n'est pas prévu à cet effet. Mais alors, les enseignants sont confrontés à une nouvelle question à haute valeur symbolique : pourquoi continuer à traduire les résultats des élèves par des notes ? Si l'on considère que le socle commun correspond à la base minimale de savoirs et de compétences à maîtriser, il faudrait que les élèves atteignent, à terme, 20/20 à tout ce qui est issu du socle commun. Ce n'est pas toujours le cas ; pourtant, certains élèves progressent et montrent au fil de l'année un regain de confiance justifié par l'espoir d'un seuil devenu accessible.

Casse-tête !

Autre problème, cette moyenne obtenue dans le cadre du socle est encore, pour l'instant, associée à celle obtenue sur les compétences hors socle afin de donner une moyenne générale. Inutile de dire que, pour les élèves qui ont tenté de répondre, même maladroitement, et qui n'ont atteint qu'un faible résultat sur le hors socle, c'est très décourageant ! Et pourtant, il est évidemment essentiel d'inciter les élèves à aller le plus loin possible. Or, obtenir un 4/20 sur du hors socle signifie néanmoins que l'élève a essayé tant bien que mal de construire une réponse, contrairement à d'autres qui n'en proposent aucune. Pour autant, la moyenne générale en sera très peu modifiée à sa faveur... La question se pose alors de traduire différemment les acquisitions : par des degrés ou tout autre moyen qui ne reviendrait pas à une projection figée d'un résultat pourtant en cours d'évolution ? La réflexion se poursuit pour les deux enseignants qui ont pensé, pourquoi pas, à un pourcentage de réussite globale, sur les compétences et savoirs hors socle, qui indiquerait peut-être plus fidèlement une progression des acquis et éviterait de faire descendre la moyenne qui concerne le socle. Enfin, il faut aussi réfléchir et décider sur les critères quantitatifs, lorsque, par exemple, le savoir requis est "localiser sur un planisphère les différents paysages étudiés en classe". À combien d'erreurs l'élève a-t-il droit pour que le savoir soit considéré comme acquis ? Aucune erreur, deux erreurs, sachant qu'il y a cinq paysages à localiser ? On peut transposer la question à toutes les disciplines. Quelle est la mesure qui indique qu'il faut consacrer du temps pour remédier, quelle norme faut-il recréer pour que les enseignants s'accordent sur ce qui est acquis ou non et donc sur ce qui justifiera ou non un passage dans la classe supérieure ?

Un travail en devenir

On voit bien que de nombreuses questions restent encore sans réponse. Le socle commun commence tout juste à se mettre en place et la formation continue est indispensable pour accompagner les enseignants dans leurs réflexions et leurs expérimentations. Mais ce premier essai de mise en œuvre, relaté ici, montre déjà deux aspects positifs du socle commun. Dans le système antérieur, un collégien qui avait 8/20 de moyenne générale avait de grandes chances de redoubler. Maintenant, si l'évaluation établit que le même élève a une moyenne de 13/20 en ce qui concerne le socle, il pourra poursuivre son parcours sans avoir une image négative de lui-même. Sans doute fera-t-il partie des élèves pour lesquels une remédiation régulière sera nécessaire. Mais le second aspect positif, c'est que la répartition des objectifs à atteindre en savoirs et compétences identifiés permet à cette remédiation d'être ciblée. Pour ces deux professeurs d'histoire et géographie, le travail ne fait que commencer, la réflexion collective va se développer grâce au stage, et les formes de l'évaluation ne pourront qu'évoluer parallèlement à la généralisation du socle commun.
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

C. Faugier, L. Boutin, Collège Julien-Lambot, Trgnac [44]

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