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un espace de parole structuré

mis à jour le 11/12/2017


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En tant que professeure d'histoire géographie, Anne Pédron, a régulièrement été interpelée par ses élèves pour organiser des débats en classe autour des problèmes d'actualité ou sur des thèmes en lien avec le programme. Bien que très sensible à l'idée d'offrir un espace de parole aux adolescents, il lui manquait jusque-là un dispositif structurant pour accompagner ces échanges et laisser le temps à la pensée collective de se construire. Or, depuis la rentrée 2016/2017, elle anime au lycée Nelson-Mandela à Nantes, des Discussions à visées démocratiques et philosophiques (DVDP). Certes, ces temps de débat ne sont pas nouveaux dans les pratiques pédagogiques et les programmes, mais grâce aux DVDP, elle a osé se lancer. Nous verrons de quelles façons ce type de dispositif participe à un apprentissage du débat démocratique par les élèves, tout en leur laissant un espace de parole. Nous verrons également dans quelles mesures il peut permettre de développer des compétences transversales.

mots clés : échanger, co-évaluation, réguler, discussion, débat, philosophie, démocratie, citoyennneté


'est au cours de l'été 2016, lors d'une rencontre organisée par le Cercle de recherche et d'action pédagogiques (Crap) des Pays de la Loire, qu'elle observe une séance de Discussions à visées démocratiques et philosophiques (DVDP) avec des enfants de moins de douze ans. À la rentrée 2016, soucieuse d'offrir un vrai espace de parole, elle décide d'expérimenter ce dispositif pour ses classes de seconde et de terminale section AbiBAC, au rythme d'une fois toutes les six semaines.

Pour le lancement, Anne Pédron propose le sujet de la première discussion et explique aux élèves son choix. Par la suite, elle leur laisse la liberté d'émettre des questions sur les thèmes qui les intéressent en lien tout de même avec le programme d'histoire-géographie ou d'EMC et de les choisir. Sans les imposer, elle les aiguille donc vers des thèmes qu'ils peuvent relier à leurs programmes scolaires et qu'ils pourront aussi alimenter. Pour cela, les élèves votent une semaine avant la date de la DVDP pour le sujet qui leur semble le plus à même de générer de la discussion et de faire réfléchir. C'est ainsi qu'ils ont pu débattre des sujets suivants au cours de l’année : "Peut-on être heureux à l'école ?", "Peut-on manger des animaux ?", "À quoi sert le travail ?", "Qu'est-ce-que réussir sa vie ?", "Pouvons-nous imaginer un monde sans consommation ?", "Doit-on perpétuellement croître ?".
Le délai d'une semaine entre le moment du vote et la date de la DVDP laisse les élèves libres de réfléchir et de faire des recherches s'ils le souhaitent. Aucune consigne de travail n'est donnée par l'enseignante en amont qui souhaite ainsi laisser "les élèves y penser à leur façon" sans leur imposer un questionnement préalable.
 
Si le sujet des discussions est au cœur des apprentissages de la citoyenneté, les modalités d’organisation le sont tout autant. Pour cela, il convient avant toute chose de fixer les éléments non négociables du dispositif. C'est ainsi que les rôles de chacun sont bien définis, le cadre de la discussion explicité et les règles organisant les échanges posées.
Il faut noter que l'un des rôles les plus "exigeant et humble est celui de président" selon Anne Pédron, alors "qu' il attire pourtant au départ des élèves assez extravertis et qui aiment se faire remarquer". En effet, c'est à lui que revient la mission de noter toutes les demandes de parole et de donner la parole en respectant les deux règles démocratiques évoquées précédemment afin que priment la justice et l'équité et non l'autoritarisme pendant la séance. D'ailleurs, s'il ne remplit pas son rôle, la régulation par le groupe s'opère. C'est ainsi qu'à la suite d’une séance en classe de seconde, les observateurs ont fait remarquer que le président de séance avait privilégié ses camarades lors de la prise de parole et n'avait pas suivi les règles démocratiques. Ce rappel des règles par les élèves a permis par la suite que ce rôle soit mieux incarné et que d'autres élèves se lancent.
 
Au cours de l'année, Anne Pédron a observé plusieurs progrès. Tout d'abord, des progrès en terme de savoir être. En effet, les règles de la discussion (on n'intervient pas spontanément mais on lève la main, on ne coupe pas un camarade, on ne se moque pas…) ont été utilisées par les élèves spontanément, dans d’autres circonstances, notamment en cours d’histoire géographie au moment de cours plus dialogués. Dans ces moments, la parole semble mieux acceptée par le groupe et lors d'un constat de désaccords, le groupe régule la parole de lui-même et les élèves sont amenés à nuancer leur point de vue. Cette régulation par le groupe est aussi le résultat d'un retour réflexif du débat réalisé par les observateurs qui expliquent la façon dont s'est opérée la pensée du groupe, mettent en évidence les fonctionnements et dysfonctionnements de la prise de parole. Ce temps de retour sur les discussions permet de mieux occuper son rôle au cours des prochaines DVDP aussi bien pour les élèves que pour l'enseignante. Ainsi, suite à une DVDP avec une classe de terminale, les observateurs lui ont reproché "d’être trop intervenue dans le débat". De même, ces débats ont permis, par exemple, aux élèves d'une classe de seconde d'intervenir dans le mode social qui les entoure. Ainsi, à la suite d'un débat sur le thème "Pouvons-nous imaginer un monde sans consommation ?", les élèves ont pris conscience qu'en tant que consommateurs ils avaient le pouvoir d'agir en achetant des produits plus respectueux de leur environnement et plus éthiques, voire en les produisant eux-mêmes. Ils ont alors fait le constat qu'il y avait des inégalités économiques, sociales et culturelles face à l'alimentation. Ils ont donc décidé d'organiser une vente de cookies-maison au lycée au bénéfice d'un projet international. Ils sont alors devenus des citoyens acteurs "à leur échelle", c'est-à-dire impliqués et faisant œuvre de responsabilité dans leur environnement proche au travers d'une mobilisation certes d'ambition modérée, mais qui a permis de mettre en lien leurs savoirs scolaires avec des enjeux sociétaux contemporains, et ceci en leur donnant du sens. D'ailleurs, les retours d'élèves au cours de l'année ont été très positifs d'une part parce que si l'enseignante n'avait pas prévu d'en faire, les élèves réclamaient ce temps. D'autre part, ils avaient selon eux "le sentiment d'être reconnus", "capables d'émettre une pensée" et "ils ont pu profiter d'un espace de pensée qui leur était propre".
 
Anne Pédron a également constaté des progrès dans les compétences scolaires, notamment dans la capacité des élèves à argumenter. Au cours des échanges elle a vu les élèves passer de l’expérience personnelle du type "moi je connais quelqu'un qui…" à une réflexion plus généraliste "nous pouvons considérer que…" ou "la société peut donc…". Conceptualisation qu'ils ont mis "à profit dans leurs productions écrites ou orales d'histoire et de géographie" selon cette enseignante. Ils ont progressé aussi dans le questionnement des concepts et ont problématisé davantage les sujets. En effet, aidés par l’animateur mais aussi par les élèves eux-mêmes, ils ont dû au cours des DVDP définir collectivement les notions, élaborer des concepts à partir d'exemples ou de contre-exemples. Ils ont, donc été amenés à questionner individuellement leurs opinions et celles des autres, tout en s'interrogeant sur leur origine et conséquences, en posant des hypothèses, et enfin, en justifiant leurs thèses et objections. De même, la construction d'une pensée qui s'organise a été visible au travers des traces écrites effectuées par les synthétiseurs.
 
Ainsi, par la DVDP, Madame Anne Pédron, qui a à cœur de laisser un espace de parole à ses élèves, ose prendre des libertés et leur offre un espace de dialogue qui peut les amener à développer les conditions de l'autonomie de jugement et à construire une meilleure conscience de leur responsabilité morale individuelle et collective. Cependant, cette expérience individuelle, peut avoir une incidence plus forte sur les apprentissages des élèves si elle est le fruit d'une prise en charge collective. De même, pour faciliter les transferts, quelques suggestions sont faites par l'enseignante.
 
auteur(s) :

C. Le Feuvre

contributeur(s) :

A. Pédron, Lycée Nelson Mandela

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