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un troisième âge médiatique encore en devenir

mis à jour le 08/11/2010


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Quels écrans les adolescents regardent-ils ? Et qu'y regardent-ils ? Qu'en est-il alors des autres formes culturelles ? Bref, sur quoi l'école doit-elle travailler pour éduquer les élèves à ces écrans qui font aujourd'hui partie de leur quotidien ? Le ministère de la Culture a récemment publié un rapport concernant les Pratiques culturelles des Français à l'ère numérique 1 dont la synthèse apporte des éléments de réponse, et donc des pistes à explorer.

mots clés : média, multimédia, écran, médias, internet, culture, numérique


Que représentent exactement les écrans dans la vie quotidienne des jeunes d'aujourd'hui ? Dans quelles directions l'école doit-elle prioritairement s'orienter si elle veut éduquer ces adolescents qui usent des écrans sans toujours disposer des clefs d'un usage raisonné ? Portant sur l'ensemble de la population française, la conclusion de la synthèse élaborée par Olivier Donnat 2 est sans ambiguïté pour la plus jeune tranche d'âge, celle qui nous concerne professionnellement : "La génération des moins de trente ans a grandi au milieu des téléviseurs, ordinateurs, consoles de jeux et autres écrans dans un contexte marqué par la dématérialisation des contenus et la généralisation de l'internet à haut débit : elle est la génération d'un troisième âge médiatique encore en devenir." Comment l'école peut-elle accompagner au mieux ce devenir, sans négliger les formes et lieux culturels traditionnels ? Les enjeux sont incontestablement importants. Les résultats de l'enquête dressent un état des lieux qui interroge l'école et suscite la réflexion. Cet article reprend essentiellement les éléments se rapportant à la tranche d'âge la plus jeune, à partir desquels nous dégageons un certain nombre de pistes de questionnements plus didactiques. Même si cette tranche d'âge ne correspond pas exactement à celle de la population scolaire, notamment les plus jeunes enfants, les résultats donnent une bonne idée de l'évolution des pratiques concernant les écrans. Et les constats d'Olivier Donnat ne font que confirmer, si besoin est, la nécessité d'une réelle éducation aux écrans.

Internet, ce média à tout faire

Les faits sont là. La diffusion rapide de l'internet et de l'ordinateur, les conditions de réception, les nouveaux outils tels que le lecteur MP3 ou le téléphone portable multifonction sont autant de facteurs qui expliquent les profondes mutations des conditions d'accès à la culture. Et ce sont les jeunes qui sont les plus gros consommateurs de ce nouveau média à tout faire que constitue internet. 91 % des jeunes de 15-19 ans l'ont utilisé au cours du dernier mois, et parmi eux, 57 % en font un usage quotidien ou presque. L'évolution des techniques a entraîné une modification des pratiques. Les appareils ne sont plus dédiés à une seule fonction et sont de plus en plus nomades. Du coup, les écrans sont aujourd'hui les supports privilégiés des rapports à la culture, accentuant la porosité entre culture et distraction, entre le monde de l'art et ceux du divertissement et de la communication. De chez soi, sur les écrans, on regarde des images, on écoute de la musique, on lit des textes... Et inversement, les écrans sont présents dans les bibliothèques ou les lieux d'exposition. Aujourd'hui, tout est potentiellement visualisable et accessible par le biais d'internet. Cette réalité ne risque-t-elle d'entraîner de dangereuses confusions ? Ce tout accessible sur un seul écran ne crée-t-il pas un amalgame dans l'esprit des jeunes ? La question des sources se pose inévitablement, tout comme la nécessité de la distinction entre le réel et le virtuel. Voir une toile sur l'écran n'est pas voir l'œuvre en vrai. Quant à la porosité entre culture et distraction, art et divertissement, elle ouvre de nombreuses pistes à explorer avec des élèves 3.


Beaucoup d'écrans, mais moins de télé

Cela dit, cet usage d'internet a ceci de paradoxal que la consultation domestique est souvent liée à une culture de sortie chez les jeunes qui participent dans l'ensemble fortement à la vie culturelle. Il y a là un changement très net avec les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, où la culture de l'écran se limitait à la consommation de programmes télévisés. Les Français occupent en moyenne trente et une heures de leur temps libre hebdomadaire devant des écrans, vingt et une heures devant la télévision et dix heures devant les nouveaux écrans 4. Les plus jeunes passent en proportion davantage de temps devant ces nouveaux écrans que leurs aînés. Pour la première fois, et c'est le fait marquant de cette dernière décennie, le temps passé par les jeunes devant la télévision décroît. Ce recul est encore plus important pour ce qui concerne la radio, internet ayant apporté de nouvelles manières de s'informer ou d'écouter de la musique. La place de cette dernière ne cesse de progresser. Sa numérisation a grandement accru son accessibilité : on écoute aujourd'hui de la musique partout, ce qui entraîne une certaine musicalisation de la vie quotidienne. Une partie importante de la population jeune vit dans un bain musical plus ou moins permanent.

Un univers culturel globalisé

Comme on pouvait s'y attendre, plus on est jeune, plus la préférence pour la musique anglo-saxonne est marquée. Cette préférence se confirme en matière de cinéma et de séries télévisées. Les jeunes générations vivent pleinement dans un univers culturel globalisé où la culture américaine sous toutes ses formes et la langue anglaise règnent en maîtres. Cette réalité offre des voies à explorer pour une utilisation pédagogique. Les productions anglophones peuvent constituer des supports motivants, pour une analyse culturelle comme pour une étude et une pratique linguistiques. Des activités permettant une prise de conscience de cette omniprésence de la culture américaine peuvent amener à une analyse de ses caractéristiques et à une réflexion sur les implications qu'une telle situation entraîne. La question de l'identité culturelle peut ainsi être concrètement abordée. Mais l'école ne peut qu'être interpellée dans son rôle de transmetteur d'une culture patrimoniale. Serait-elle l'un des derniers bastions à défendre nos valeurs culturelles spécifiques ? Comment construire une réelle culture lorsque les fondements patrimoniaux sont toujours plus fragiles ? Cette question n'est pas nouvelle, mais l'enquête montre qu'elle va devenir de plus en plus prégnante. On mesure l'importance du rôle de l'école, dès le plus jeune âge, pour faire vivre et partager ces contes, légendes, chansons, qui font notre mémoire culturelle ; pour faire connaître et comprendre les traditions, l'histoire, les œuvres artistiques qui sont les fondements de notre culture. Cette ouverture à une culture bien vivante, mais que les jeunes générations ne côtoient pas toujours fréquemment, est sans doute l'un des enjeux majeurs de l'école, demain plus encore qu'aujourd'hui.

Le grand perdant : la lecture des imprimés

Face à l'omniprésence des écrans, l'imprimé fait de moins en moins le poids. La lecture des journaux et des livres, en dehors de toute contrainte scolaire ou professionnelle, continue à chuter. Cette désaffection n'est pas liée uniquement à l'arrivée d'internet, puisqu'elle s'inscrit dans un mouvement de long terme que les précédentes enquêtes avaient déjà mis en évidence depuis plusieurs décennies. Chaque génération arrive à l'âge adulte avec un niveau d'engagement inférieur à la précédente. Autre fait marquant, les différences entre milieux sociaux ont tendance à se creuser, du fait du décrochage d'une partie des milieux populaires. Ceci dit, même si on lit moins de livres et de journaux, le fait de lire ne tombe pas forcément en désuétude de manière proportionnelle. Les actes de lecture sur écrans se multiplient. D'autre part, si l'augmentation du temps passé devant les nouveaux écrans porte préjudice à la télévision et à la lecture d'imprimés, elle touche moins la fréquentation des lieux culturels, qui reste globalement stable. Mais celle-ci reste faible pour une large partie de la population. Un Français sur quatre n'a fréquenté dans l'année aucun équipement culturel : bibliothèque, cinéma, théâtre, musée... L'âge moyen des publics fréquentant les lieux culturels augmente, ce qui s'explique en partie par le vieillissement général de la population. Mais les résultats de l'enquête font également apparaître un autre facteur : la désaffection des plus jeunes, en particulier pour ce qui concerne le cinéma, même si le pourcentage de jeunes de 15-24 ans reste le plus élevé.

Les écrans : des moyens d'expression culturelle

Le développement des nouveaux écrans a parallèlement transformé en profondeur les pratiques en amateur. Les écrans ne sont pas uniquement des supports de consommation, ils sont aussi des moyens d'expression et de diffusion de contenus culturels autoproduits. Les changements sont spectaculaires pour ce qui est de la production d'images, photographies ou vidéos, essentiellement en raison du développement des appareils photo numériques, et surtout des téléphones portables multimédias. L'expression prend également d'autres formes, comme la musique, l'écriture, les arts graphiques... Ces autres pratiques, toujours actives, subissent cependant un léger tassement. Mais dans l'ensemble, les usages à caractère créatif de l'ordinateur sont orientés à la hausse. On mesure évidemment l'intérêt que peuvent y trouver certaines activités pédagogiques : écriture de textes de types variés, production d'une création plastique ou musicale peuvent trouver, grâce aux écrans, des supports motivants. Le problème du respect des législations en vigueur apparaît également crucial. Au-delà, c'est tout le questionnement concernant le respect des codes de communication, des personnes aussi bien que des œuvres (celles qu'on produit soi-même aussi bien que celles des autres qu'on utilise) qui est en jeu dans ces pratiques en amateur dont de nombreux adolescents ne mesurent pas les enjeux.

Les indices d'un changement en profondeur

La conclusion de la synthèse met en lumière la nécessité de nuancer l'analyse en fonction des générations. L'impact de la révolution numérique doit être relativisé, car presque la moitié des Français de quinze ans et plus n'utilise pas l'internet dans le cadre de son temps libre. En revanche, note Olivier Donnat : "Nombreux sont les indices qui laissent entrevoir la profondeur du changement en cours quand on quitte le niveau général pour s'intéresser aux jeunes générations. [Elles] sont en effet les principales responsables de la baisse de la durée d'écoute de la radio et de la télévision [...], elles affirment sans ambages leurs préférences pour les films et les musiques anglo-saxonnes, à la différence de leurs aînés, et ont activement participé au recul de la lecture de quotidiens et de livres tout en manifestant certains signes potentiellement inquiétants en matière de fréquentation des équipements culturels [...]". Autant d'éléments qui concernent directement l'école, et pas uniquement pour ce qui relève de l'éducation aux écrans.

1. L'ouvrage Pratiques culturelles des Français à l'ère numérique est publié aux éditions La Découverte/Ministère de la Culture et de la Communication. L'ensemble des résultats de l'enquête 2008 est disponible sur le site www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr. On pourra consulter la présentation complète en annexe 1.
2. Chargé de recherche au Département des études, de la prospective et des statistiques, ministère de la Culture et de la Communication.
3. On pourra lire à ce sujet le hors-série numéro 2 d'Échanger : Cultures, culture...
4. Le temps consacré aux nouveaux écrans désigne le temps passé devant un ordinateur ou une console de jeux ou à regarder des DVD quel que soit le support, par opposition au temps consacré à regarder en direct des programmes de télévision.
 
auteur(s) :

D. Grégoire

contributeur(s) :

O. Donnat, Ministère de la Culture

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information(s) technique(s) : pdf

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ressource(s) principale(s)

echanger dossier 91 l'éducation aux écrans 26/10/2010
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