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une année pour se familiariser avec l’école

mis à jour le 29/04/2015


échanger dossier 12

Plusieurs écoles sarthoises ont ouvert, dès la rentrée de septembre?2013, une classe dédiée à l’accueil des enfants de moins de trois ans. Un projet innovant qui s’inscrit dans le programme de refondation de l’École de la République. Il implique, en créant les conditions de la confiance, de sécuriser à la fois ces très jeunes élèves et leurs parents.

mots clés : échanger, maternelle, accueil des enfants de moins de trois ans, familles


mbitieux, ce dispositif donne suite à la circulaire de décembre 2012 portant sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans, et vise à “favoriser la réussite scolaire, en particulier lorsque pour des raisons sociales, culturelles ou linguistiques, la famille de l’enfant est éloignée de la culture scolaire”. Entrer à l’école, c’est en effet accepter la séparation et construire de nouveaux repères. Pour s’adapter, l’enfant doit intégrer des rituels quotidiens nouveaux et être capable, progressivement, de participer à des activités collectives. L’enjeu est de taille pour ces tout-petits qui débutent leur apprentissage du langage, parfois confrontés pour la première fois à un univers extérieur et à l’altérité. Il leur faut se socialiser en effet l’apprentissage de la vie en groupe est un objectif de l’école maternelle. Et cela ne s’opère pas du jour au lendemain…

Les préambules du dispositif

Trois écoles sarthoises nous ont ouvert les portes de leur classe de tout-petits : l’école Joël-Sadeler à Saint-Cosme-en-Vairais, en milieu rural, et les écoles Petit Louvre et Maryse-Bastié, au Mans, toutes deux en réseau Éclair (Écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite). Chacune scolarisait, les années précédentes, une dizaine d’enfants de moins de 3 ans. Ils étaient intégrés, parfois en cours d’année, dans une classe de petite section ou multi-âge selon le fonctionnement de la structure. La nouvelle classe, qui accueille uniquement ces très jeunes élèves, a été repensée en termes d’espace, de rythme, de pédagogie. Comment sécuriser l’enfant ? Comment permettre à chacun de s’adapter progressivement, selon son rythme, à l’école ? Comment favoriser le bien-être du tout-petit avant d’entrer dans des apprentissages structurés au troisième trimestre ou l’année suivante ? Les équipes enseignantes, accompagnées et formées par la mission maternelle de la Sarthe 1, ont mis en place des modalités d’accueil adaptées à ces très jeunes élèves, en lien avec le projet d’école. La réflexion sur la place des parents, que l’opportunité de cette année supplémentaire permet d’approfondir, fait partie intégrante de chaque projet. La construction d’une relation de confiance école-familles est primordiale dans le processus de sécurisation, d’abord pour que la rupture soit acceptée par l’enfant (et sa famille), puis pour faire connaître aux parents autant qu’aux petits les rituels et activités scolaires. Grâce à ce dispositif innovant, petits et grands ont donc une année pour se familiariser avec l’école.

Le regard des familles

Au printemps 2013, avant l’étape des inscriptions, une campagne d’information a été menée auprès des parents. Ces derniers ont presque tous accueilli favorablement le projet, “qui répond même à une demande de leur part”, explique É. Montesinos, enseignante à l’école Petit Louvre. Certains - c’est la grande majorité - souhaitent une adaptation progressive, pour leur enfant : il entre à l’école en douceur, seulement le matin, et se prépare ainsi pour l’année suivante où il sera présent la journée entière. D’autres en tirent un bénéfice organisationnel ; cette première séparation leur libère du temps pour chercher un emploi ou suivre une formation, par exemple. S. Harbach, la directrice de l’école Maryse-Bastié, explique aussi que, pour de nombreuses familles, l’école est le lieu où l’on apprend le français et que cet apprentissage est associé à l’idée de réussite. Cependant et paradoxalement, la relation des parents avec l’École en tant qu’institution n’est pas toujours simple. Certains observent dubitativement ce qui se passe en maternelle : des activités qui à leurs yeux se résumeraient à de l’occupationnel. D’autres ne se sentent pas reconnus en tant que parents, ce qui complique leur rapport à l’école. Ils sont à la recherche de la validation de leur statut, pensent devoir prouver qu’ils s’occupent de leur enfant. Et puis, il y a des parents qui ont un passif personnel difficile avec l’école qui représente la rupture avec la famille ou l’échec. Ces multiples raisons expliquent l’absence majoritaire des parents aux réunions collectives, par exemple au moment de la rentrée, quand l’enseignant présente les programmes, les projets pédagogiques. “Nous accueillons quatre-vingt-dix enfants à l’école Maryse-Bastié, complète S. Harbach, mais seules trois ou quatre familles demandent un rendez-vous en cours ou en fin d’année”. Cela ne signifie pas que le domaine scolaire indiffère les parents. Ils répondent toujours présents pour évoquer en tête-à-tête avec l’enseignant ce qui concerne le bien-être de leur enfant, notamment. Mais pour eux, les apprentissages pédagogiques relèvent uniquement du domaine des professeurs.

 

Une rentrée anticipée

L’ouverture des classes de tout-petits offre donc une opportunité certaine : en prenant appui sur les moments de présence volontaire des parents, en les multipliant, aussi, les équipes souhaitent leur faire prendre conscience du travail mené en classe, du chemin que parcourt leur enfant pour devenir élève, et ainsi favoriser sa réussite. Pour accueillir au mieux les familles, pour les rassurer également, la visite des lieux, la présentation d’une journée-type, l’explicitation des objectifs poursuivis et les exigences afférentes à l’école sont incontournables. Les équipes choisissent de tisser les premiers liens avant la rentrée, en plusieurs étapes, alternant des temps de rencontres individuels et collectifs. Le premier contact avec les familles a lieu au moment des inscriptions, au printemps. Celles-ci se font d’abord administrativement en mairie, puis les parents et les futurs élèves ont rendez-vous dans les locaux de la maternelle. À l’école Petit Louvre, ils viennent visiter la classe, rencontrent l’enseignante une première fois. La visite est suivie d’un entretien individuel avec la directrice pour amorcer un échange, chacun exposant ses attentes respectives. Un petit contrat se met en place ce jour-là. Les parents s’engagent à ce que leur enfant vienne régulièrement à l’école. Ils acceptent aussi que la possibilité donnée à leur enfant de venir la journée complète soit exclusivement soumise à la décision de l’enseignante. Elle seule est à même de mesurer la capacité du tout-petit à vivre sereinement l’allongement de son temps de présence : “Il ne pleure plus lors de la séparation, supporte la matinée sans pleurs et sans fatigue excessive 2, n’a pas besoin de couche pour la sieste, participe aux activités avec envie et plaisir et enfin ne passe pas la matinée à attendre maman”, note É. Montesinos. Le bien-être scolaire de l’enfant est au centre des échanges lors de ce premier contact, bien avant la rentrée. Un peu plus tard, au mois de juin, l’enseignante présente un diaporama explicatif du rythme d’une journée type lors d’une réunion avec tous les parents des futurs tout-petits (voir annexe). À l’école Maryse-Bastié, S. Harbach choisit de programmer la même journée l’inscription individuelle et la réunion collective, s’assurant ainsi la présence de tous les parents. À l’école Joël-Sadeler, après le premier contact lors des inscriptions, les familles sont accueillies lors d’une journée portes ouvertes, la veille de la rentrée. C’est l’occasion de rencontrer F. Gauvain, l’enseignante, et de découvrir la salle de classe et son aménagement particulier, grâce aux travaux effectués par la mairie durant l’été.

Le grand bain en douceur…

Une vingtaine d’enfants environ ont été inscrits en classe de tout-petits dans chacune des trois écoles. L’entrée en scolarité est soumise au fait que l’enfant commence un processus de propreté et que la famille s’engage à coopérer avec l’école pour le faire aboutir. Tous ne sont pas prêts au même moment. C’est pourquoi ces tout-petits, nés en 2011 ou fin 2010, n’ont pas tous fait leur rentrée en septembre. En ce début d’année, les enseignantes accueillent environ dix enfants, la moitié de l’effectif. Le temps d’accueil du matin est organisé de manière à sécuriser affectivement l’enfant : en décalant l’horaire d’arrivée par rapport à celle des autres classes, par exemple. À l’école Petit Louvre, pendant la première semaine, l’arrivée se fait à 9 h 30 au lieu de 8 h 35 pour les autres classes. Les enfants sont reçus par une équipe renforcée : l’enseignante, l’Atsem (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), une stagiaire en première année de master MEEF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) et aussi un membre du Rased (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) présent les deux premières semaines. L’enseignante est ainsi bien relayée ; chaque enfant bénéficie d’un accueil individualisé où le temps que l’adulte lui consacre n’est pas compté. À l’école Joël-Sadeler, l’arrivée se fait entre 8 h 30 et 9 h 15 : une latitude large qui permet à l’enfant de prendre son temps pour arriver à l’école, un échelonnage qui permet à chacun de bénéficier d’un accueil personnalisé. À l’école Maryse-Bastié, la rentrée est organisée sur deux jours ; six enfants viennent le premier jour, six autres le lendemain, tous se retrouvent à partir du troisième jour. Au début de l’année, pendant plusieurs semaines, les parents ne déposent pas leurs enfants, ils restent avec eux, parfois même toute la matinée : c’est une rentrée en duo. Cette invitation à rester le temps nécessaire, la rupture brutale générant un mal-être chez les tout-petits, a été annoncée lors de la réunion collective. “Les premiers jours, nous conseillons aux familles de rester environ une heure et demie au moins. Ce n’est pas si évident pour certaines, notamment quand c’est la grand-mère ou la tante, non informée par les parents, qui accompagne l’enfant”, relate S. Harbach.
 

Souplesse et partage

En ce début d’année, l’école s’adapte aussi à la fatigabilité : les enfants peuvent repartir chez eux au bout d’une heure ou deux, ils ne sont pas obligés de rester toute la matinée. Les enseignantes font également le choix de décaler l’heure de la récréation. Sécurisés par la seule présence de leur groupe-classe, les enfants prennent des repères plus facilement, s’approprient l’espace cour, immense à leurs yeux. À l’école Maryse-Bastié, ce décalage a duré jusqu’aux premières vacances scolaires, pour laisser ensuite aux fratries la possibilité de se retrouver lors de ce temps de pause. Juste après ce premier vécu collectif d’apprivoisement des lieux et des personnes, se déroule la réunion de rentrée. L’enseignante présente les objectifs de l’école, les projets qu’elle va mener avec la classe. “C’est aussi l’occasion de montrer des photographies des premiers jours et de rassurer ainsi les familles qui se demandent ce qui se passe quand ils ont quitté la classe”, explique É. Montesinos. La présence des parents le matin leur permet d’observer leur enfant et de prendre connaissance des activités qui lui sont proposées. “Certains l’accompagnent pour débuter les activités proposées ou pour mettre la photo de présence si l’enfant est demandeur, ils prennent connaissance des rituels”, relève F. Gauvain. “Quand on explique ensuite aux familles que l’on va travailler le langage sous forme de jeux, elles comprennent, car elles ont expérimenté la situation”, complète S. Harbach. Les enfants qui arrivent progressivement en cours d’année bénéficient eux aussi d’un accueil personnalisé. Au début du troisième trimestre, seuls quelques élèves n’ont pas encore intégré la classe.


Un espace repensé

Petit détour par la salle de classe… Comment permettre à ces tout-petits d’apprivoiser l’espace-classe, de s’y sentir bien en présence de leurs parents au début, puis sans eux ? Dans chaque école, l’aménagement de la salle a été totalement revu pour proposer des espaces ouverts sans limite visuelle, non saturés, avec du mobilier et des jeux sécurisés. À l’école Joël-Sadeler, deux salles attenantes, ouvertes l’une sur l’autre, forment un grand espace : la première est le lieu d’accueil des parents (qui se transforme en lieu de motricité ou de sieste), la salle de classe bénéficie d’un accès sur une terrasse en bois, cloturée, avec un bac à sable (voir ci-contre).
Les lieux sont spacieux, communicants, avec peu de tables. La porte de la première salle, donnant sur le couloir, est ouverte lors des activités de motricité comme les porteurs 3, qui nécessitent encore plus d’espace. À l’école Petit Louvre, l’espace de la classe a été lui aussi revu, désencombré. Il n’y a pas de banc, deux tables seulement, avec leurs chaises. Cette organisation spatiale répond aux importants besoins de déplacements des enfants, permet d’éviter les bousculades. Le second objectif est de les rassurer en leur permettant d’avoir un regard sur toute la classe, et notamment sur la maîtresse et l’Atsem, où qu’elles se trouvent, et sur leurs parents, en début d’année. Les séparations entre les coins-jeux thématiques sont par exemple en croisillons (voir ci-dessous). On fait aussi une place symbolique à la vie de l’enfant hors de l’école. Les objets de la maison ne restent pas à la porte de la classe ; chaque enfant a un casier à son nom, dans lequel il peut déposer ses objets personnels. La classe est pensée comme un lieu qui favorise le bien-être : accueillant, avec des couleurs vives et gaies, sécurisant grâce à sa large visibilité, et ludique avec ses pistes graphiques, ses coins-jeux d’imitation, repli sur soi avec petits canapés, son coin-doudou, son coin-motricité. Le coin moteur (voir ci-dessous) se distingue de celui des autres niveaux de maternelle ; il a été aménagé spécifiquement pour cette classe des plus jeunes. Les activités qui y sont menées évoluent toute l’année selon une progression pédagogique en lien avec le développement des enfants. Les porteurs, toboggans, balançoires ont laissé place à de la mousse pour se rouler dessus et des parcours pour s’équilibrer, puis un tunnel pour se cacher. É. Montesinos proposera en fin d’année des activités de lancer. Cet univers de classe repensé, séduisant et sécurisant pour les enfants, participe à la réussite du processus de séparation.
 

 

Créer les conditions d’une séparation réussie

En effet, l’enfant va rapidement prendre des repères dans cet univers absolument adapté à ses besoins, à ses centres d’intérêt et bien sûr à sa taille. Mais la séparation est aussi parfois difficile du côté des adultes. É.?Montesinos relève quelques comportements qui soulignent les peurs des parents : ils font porter des couches à leur enfant, téléphonent dans la matinée pour avoir des nouvelles, mettent des goûters dans les sacs pour rassurer le petit et se rassurer eux-mêmes. Certains n’arrivent pas à partir et appellent l’enseignante au secours par le regard ou pleurent au moment du départ. Ces attitudes sont assez courantes et récurrentes chaque année. Le choix d’inviter, en tout début d’année, les parents dans l’espace-classe vise notamment à rassurer et à atténuer ces comportements générateurs d’angoisse aussi pour les jeunes élèves. Dans un second temps, l’accueil se fait uniquement dans la salle dédiée qui permet de ritualiser le moment de la séparation. Si quelques larmes maternelles ou paternelles persistent, ce sera à l’insu de l’enfant. La question du regard parental est centrale : au tout début de l’année, l’enfant a besoin d’être avec ses parents, de savoir leurs yeux portés sur lui. Une fois les repères acquis, un regard discontinu suffit. Le tout-petit est rassuré par la présence parentale dans la pièce attenante. Les enseignantes créent ainsi les conditions d’une séparation progressive, qui respecte le rythme de chaque enfant et de sa famille. Inéluctablement, au fil des semaines, il faut veiller à ce que le temps d’accueil se réduise pour laisser place aux activités d’apprentissage. S. Harbach précise que les vrais apprentissages ont lieu “quand maman n’est pas là”. Au troisième trimestre, l’accueil matinal est plus rapide, similaire à celui d’une classe de petite section. Mais les parents ont pris l’habitude d’échanger et souhaitent parfois prolonger ce moment quand la classe est commencée. “Pour consolider ce lien significatif d’une évolution positive du rapport de confiance envers l’institution, il serait opportun de créer, au sein même de l’école, une salle dédiée aux rencontres entre les familles”, suggère la directrice de l’école Maryse-Bastié.

Construire le pont du langage

En petite section accueillant les enfants de moins de trois ans, les principaux objectifs d’apprentissage relèvent des domaines de la socialisation et de l’acquisition du langage. La socialisation est progressive : en respectant le rythme de l’enfant, l’enseignant l’amène au fil des jours à participer aux activités collectives sans le contraindre. Au début de l’année, les ateliers proposés sont libres, le professeur est en observation et va chercher les enfants individuellement, quand ils sont prêts, pour les faire entrer dans une activité spécifique collective. Dans une seconde étape, l’enfant, tout doucement, apprend à suivre des consignes. Transversalement, le travail du langage passe par la parole de l’adulte dans le cadre du contexte de l’action. Ce sont les situations qui donnent alors du sens au langage. Le développement de la parole est aussi soumis à l’acquisition du vocabulaire. Mais les échanges, dans une vraie qualité d’écoute, sont tout aussi essentiels. Les projets et activités menés en classe mettent en œuvre des situations pédagogiques qui visent à les multiplier. Donner à voir, associer aussi souvent que possible les parents à ce travail mené vise à leur faire prendre conscience qu’à la maison aussi il est important de prendre le temps d’échanger avec son enfant. Comment sensibiliser les familles aux apprentissages scolaires sans les mettre en difficulté face à un univers qu’ils estiment ne pas maîtriser ? À l’école Joël-Sadeler, dans la salle d’accueil, une télévision projette un diaporama préparé par l’enseignante, qui montre les différentes activités menées le mois écoulé. L’objectif est de favoriser quotidiennement les échanges enseignante-parents, mais aussi entre les enfants et les adultes. Par ailleurs, F.?Gauvain tient à jour un journal de la classe qui garde la mémoire des projets de l’année. Il circule dans les familles, créant l’opportunité d’un moment d’échange parents/enfant à la maison. Ces traces, souvenirs de la vie de la classe, en montrant ce qui est fait à l’école, donnent un aperçu des apprentissages qui se construisent, permettent d’initier une culture partagée. Ils visent aussi à favoriser le développement d’un langage commun entre l’école et les familles.

Développer une connivence lexicale…

S. Harbach explique qu’en tout début d’année, il n’est pas envisageable de commencer les activités par des lectures d’albums, soit parce que le rapport des petits au livre est inexistant, soit parce que le vocabulaire utilisé n’est pas celui qu’ils maîtrisent. Il faut avant tout construire l’imaginaire, passer par l’expérimentation avant de nommer : toucher la farine lors d’un atelier cuisine, goûter des aliments, faire de la pâte à sel, jouer dans le coin docteur… Parallèlement, il est nécessaire d’entreprendre avec ces tout-petits une familiarisation avec le monde des livres. Comme dans les autres niveaux de maternelle, les activités sont essentiellement menées autour du jeu (qu’il soit moteur, d’exploration, de règles, de construction, symbolique) et structurées en séquences thématiques qui visent notamment à développer le langage, structurer la phrase, catégoriser le lexique. À l’école Petit Louvre, É. Montesinos s’est fixé des objectifs par période : avoir entendu tous les enfants parler, prononcer au moins deux mots consécutifs, utiliser le je 4. Les séquences pédagogiques durent six à sept semaines environ, se succèdent et aboutissent chacune à la création d’un imagier individuel : la cuisine, la toilette, les véhicules, la forêt, les vêtements. Les visites ou spectacles programmés sont toujours en lien avec les thèmes abordés. Ce sont des moments précieux pour associer les parents aux apprentissages scolaires. Les enseignantes remarquent unanimement que leur implication dans l’école est croissante, notamment pour accompagner les sorties. Les familles sont donc en confiance, preuve de la réussite du dispositif d’accueil mis en place en début d’année. À l’école Maryse-Bastié, lors de la première sortie, quinze parents étaient présents pour accompagner quinze enfants ! Moment à l’extérieur de l’école, de plaisir autant que d’apprentissage, la sortie est aussi une vitrine du travail mené en classe. Partager des moments dans et hors la classe, donner à voir les activités en train de se faire, puis leur aboutissement, permettent progressivement de construire un langage commun. S’opère alors un glissement des sujets de conversation avec les parents qui acceptent désormais volontiers d’évoquer avec l’enseignante les apprentissages scolaires, et non plus seulement le bien-être de leur enfant. Ils reconnaissent entièrement l’expertise professionnelle des enseignantes.

… et éducative

Le positionnement de certaines familles évolue alors. Elles attendent du professeur qu’il joue un rôle éducatif, sollicitent des conseils, un soutien pour gérer des situations ponctuelles ou récurrentes. “Il arrive parfois que des parents démunis face aux caprices de leurs enfants nous demandent d’intervenir pour les faire obéir : jeter un chewing-gum, laisser un jouet à la maison, garder le gilet, mettre son manteau…”, explique É. Montesinos. Les professeurs répondent aux demandes, expliquent comment sont gérées les situations conflictuelles en classe. Ils saisissent aussi l’opportunité d’un contact initié par la famille. Ces échanges permettent par exemple d’amorcer avec elle une réflexion autour des rituels structurants pour l’enfant. L’échange porte souvent sur la propreté, le sommeil ou l’alimentation. En expliquant comment opèrent les professionnels en milieu scolaire, l’enseignante prépare les parents à la future scolarisation de leur enfant la journée continue. C’est aussi l’occasion de mieux connaître le jeune élève. S. Harbach demande par exemple aux familles s’il a des temps de repos à la maison, leurs modalités, leur durée, elle cherche aussi à savoir si l’enfant les accepte bien. Puis elle explique le rituel de la sieste qui est instauré à l’école. Ces temps d’échanges le plus souvent impromptus consolident le lien avec les familles, qui participent ensuite plus volontiers aux rencontres formelles, en continuité de la relation déjà tissée. À l’école Petit Louvre, É. Montesinos a planifié deux rencontres individuelles. La première, en janvier, permet de faire le point sur l’adaptation de l’enfant et d’aborder les compétences qu’il acquiert. La seconde, en juin, vise à exposer les compétences acquises et à faire le lien avec l’année suivante. Les retours sont positifs, les parents apprécient ces moments personnalisés qui leur sont consacrés.

 
 

Premiers éléments de bilan

À la faveur d’un effectif de classe réduit, puisque tous les enfants ne rentrent pas en septembre, le processus de socialisation est facilité. “Il est plus facile de laisser le temps de s’intégrer à un enfant peu socialisé au rythme du groupe-classe, car son activité à l’écart des autres perturbera moins ses camarades qui fonctionnent déjà ensemble avec la consigne collective de la maîtresse. À terme, chaque enfant doit comprendre qu’il fait partie d’un groupe et qu’il doit se plier à des règles communes qui contraignent parfois ses désirs propres. En fait, chaque enfant accepte petit à petit la frustration de ne pas faire ce qu’il veut quand il le veut, en échange du sentiment d’appartenance à un groupe dans lequel il se sent en sécurité et qui répond à ses attentes affectives - on est bienveillant avec lui - et intellectuelles - on lui propose des activités motivantes qui lui permettent de “grandir”, résume F. Gauvain. Deuxième source de satisfaction?: tous les enfants parlent. Les années précédentes, dans une classe de 28 élèves mixant petite et toute petite section, quelques élèves restaient mutiques même en fin d’année. Le groupe restreint favorise les rencontres entre les enfants et permet de multiplier les échanges verbaux. Les progrès en langage sont rapides pour tous, même si l’hétérogénéité initiale dans le rythme d’acquisition du lexique et de la syntaxe se maintient. La grande force du dispositif est qu’il permet de respecter absolument le rythme de chaque enfant. “On pourrait prolonger ce travail sur le rythme en ouvrant une passerelle, en cours d’année, vers une classe de petite section qui intègrerait les enfants qui ont atteint les objectifs de petite section accueillant des enfants de moins de trois ans en cours d’année”, envisage S. Harbach. Cette classe de tout-petits offre un premier contact, doux, avec l’école, facteur de réussite. Le dispositif présente un réel intérêt pour les enfants les plus fragiles, ceux dont les parents ont un rapport difficile à l’école. Il permet de prendre le temps d’une rencontre école/familles personnalisée, fondée sur une vraie qualité d’échanges multipliés. C’est une entrée positive dans la scolarité, une belle promesse pour l’avenir.
 

1. Madame Oger, IEN chargée de mission maternelle et Monsieur Fleurat, conseiller pédagogique départemental maternelle.
2. Il arrive que les tout-petits s’endorment avant la fin de la matinée.
3. Jouet-véhicule sur lequel l’enfant peut s’asseoir, les jambes repliées, afin de se déplacer en s’aidant de ses pieds.
4. L’hétérogénéité dans l’acquisition du langage est importante?: il y a des enfants qui ne parlent pas du tout, ne parlent pas français, prononcent un mot, deux mots, certains s’expriment en utilisant des phrases complexes… En début d’année scolaire, la moitié des enfants ne parlait pas du tout (soit pour marquer leur opposition, soit parce qu’ils ne maîtrisaient pas encore le langage). Tous comprenaient les consignes. Pour atteindre les objectifs qu’elle a fixés, et en complément des projets pédagogiques mis en œuvre, É.?Montesinos mène des temps de langage en groupes de besoin. Dans ce cas, le groupe et l’enseignante s’isolent dans la salle d’accueil, porte fermée, afin que tous restent concentrés.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

Mme Gauvain, Mme Montesinos, Mme Harbach, Mme Oger, École Petit Louvre, école Maryse-Bastié, Le Mans, école Joël-sadeler, Saint-Cosme-en-Vairais [72]

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