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une cure de sérénité

mis à jour le 15/11/2010


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Dans le cadre du programme, J'apprends la santé à l'école, initié par la ville de Nantes, deux actions ont été menées à l'école maternelle et élémentaire des Agenêts. Intitulées Sommeil et télévision en 2007-2008, puis Sommeil, écrans et activités physiques en 2008-2009, celles-ci ont permis aux élèves d'apprivoiser leur sommeil en modérant et maîtrisant leur consommation d'écrans.

mots clés : échanger, éducation à la santé, sommeil, image, écrans, santé, semaine sans télé


Autrefois, de nombreux élèves étaient épuisés, angoissés, violents, très énervés en classe, peu concentrés et peu réceptifs. Certains se battaient dans la cour ; toutes les conversations tournaient autour de la télévision. Des filles de CE1, coutumières de la série Prison break, parlaient de prison. Cette série américaine, dont l'action est souvent violente, se déroule en effet dans le milieu carcéral et tous les personnages ne possèdent-ils pas, tatoué sur leur dos, le plan de ladite prison, clé pour s'en échapper ! Dorénavant, les filles sautent à la corde dans la cour (de récréation !), les relations se sont apaisées, on lit des histoires à plusieurs voix trois-quarts d'heure chaque semaine à la BCD. Quel miracle s'est donc produit ? Quelle révolution a bien pu métamorphoser ainsi les comportements ?

En quête de sommeil

En 2007-2008, les professeurs des écoles maternelle et élémentaire des Agenêts, situées en milieu urbain, ont souhaité réagir à une situation préocccupante. L'agitation, la violence et la fatigue des élèves semblaient en effet exponentielles. Un climat tendu se généralisait, bien peu propice aux apprentissages. Comment évacuer ce stress ? Afin de comprendre ce phénomène, les enseignants ont élaboré, avec l'infirmière, un questionnaire relatif au sommeil et à la télévision. Il en est ressorti notamment qu'en CP, 80 % des enfants la regardaient dès le matin avant même d'arriver à l'école. Il faut dire que, en raison des contraintes horaires et professionnelles de leurs parents, certains élèves se réveillent tout seuls, préparent leur petit-déjeuner de même, et allument la télévision pour avoir de la compagnie. D'autant plus que de nombreuses chaînes les abreuvent de dessins animés dès l'aurore. De même, l'enquête a révélé que la majorité d'entre eux ont une pratique solitaire des écrans divers, le soir notamment. Comment, dans ces conditions, décompresser après avoir vu des images parfois bouleversantes ? À qui parler de ce que l'on a vu et de ce que l'on a ressenti ?

Plan santé

La réponse à apporter, face à ce constat somme toute alarmant, passait par deux thèmes : le sommeil et les images. L'éducation à la santé et l'analyse raisonnée des écrans devaient donc se combiner logiquement, sans phase paradoxale. Or, il se trouve qu'en 2007, un Plan national du sommeil a été décrété en France. L'association nationale de PROmotion des connaissances sur le SOMmeil sise à Lyon, initiée par des médecins spécialistes du sommeil, a publié, à cette occasion, une brochure destinée aux écoliers, intitulée Le sommeil, un ami pour grandir... et pour mieux vivre. Outre le fait de répondre à des questions relatives au processus du sommeil, on y trouve deux volets majeurs. D'abord, le petit train du sommeil figure, sous forme de wagons, les différentes phases du repos. Les élèves de grande section l'ont réalisé avec la section d'enfants handicapés de leur école. Les élèves malentendants de la classe d'intégration scolaire ont fabriqué, en cycle 3, les maquettes des chambres en carton avec rideaux et couettes cousus à la machine. Ceux du cycle 2 ont fabriqué des meubles de couchage de toutes cultures : hamacs, huttes, igloos, etc.
Les maisons du monde

D'ailleurs, leurs photos ont été retenues comme cartes de vœux pour l'Association pour adultes et jeunes handicapés. C'était d'ailleurs la quinzaine des droits de l'enfant et les élèves de CM1 avaient vu Le Cahier, film iranien de Hana Makhmalbaf, portant sur les difficultés d'accès à l'éducation. Un autre volet de la brochure réside en un agenda du sommeil et de l'éveil qui permet de consigner ses heures de lever et de coucher ainsi que divers signes tels que les bâillements. Cet outil, de même que le questionnaire et le train du sommeil, auront permis de réfléchir aux rituels facilitateurs d'endormissement ainsi qu'aux amis et ennemis du sommeil.

Émotions partagées

Après avoir pris conscience de la nécessité d'un juste sommeil, les élèves étaient prêts à analyser les images. Alliant les écrans noirs de leurs nuits à ceux luminescents et cathodiques, l'action Sommeil et télévision a pris tournure. Julien Paugam, membre des Pieds dans le Paf, est venu animer un atelier axé sur une palette d'émissions, sources d'une variété d'émotions. Il a d'abord demandé aux élèves s'ils avaient déjà rêvé ou cauchemardé d'un personnage vu à la télévision. La majorité de réponses positives a prouvé l'influence de la télévision sur le sommeil. Puis Julien Paugam a tenté d'identifier avec eux la notion d'émotion en l'illustrant sous des formes basiques telles que la joie, la tristesse, la peur et la curiosité. Puis ils ont ensemble analysé des séquences d'une minute chacune, extraites d'émissions variées et illustrant diverses émotions : un dessin animé japonais diffusé le matin provoquant la peur, une scène de Pop Star suscitant la peine, ainsi que des images d'orchidées issues d'un reportage consacré à l'île de la Réunion attisant la curiosité. Il s'agit non seulement de nommer les émotions, mais aussi de partager une expérience de visionnage.

Une palette émotive

Le travail a répondu à un double objectif : d'une part, sur le plan du fonctionnement des images, repérer les effets visuels et sonores de nature à accrocher le spectateur ; d'autre part, sur le plan des affects, mettre des mots sur les émotions que l'on éprouve, souvent amplifiées par le montage et l'ambiance musicale : joie, tristesse, peur, colère et curiosité. Ainsi, dans la séquence de l'émission Pop star au cours de laquelle une candidate recalée exprime sa déception, les gros plans sur son visage en larmes, les ralentis et une musique ad hoc constituent autant d'effets de dramatisation, caractéristiques de la dimension mélo et de la propension aux émotions hyperboliques. De même, dans le dessin animé japonais, ont été repérés les couleurs agressives, le montage rapide, et la musique de suspense anxiogène. Enfin, le commentaire explicatif, les cris d'oiseaux et les images floues du documentaire montrant des orchidées, qui attirent l'attention et génèrent la curiosité, ont permis de faire l'expérience de la beauté et de la sérénité ! Une autre manière de se laisser absorber par l'image. Les images amplifiant les émotions nous font ainsi entrer en empathie avec ce qui est montré. Mais comment les évacuer avant de s'endormir ? Lire un livre, jouer ?

Des parents privés de télé !

En 2008-2009, l'action s'est poursuivie sous l'appellation Sommeil, écrans et activités physiques, en élargissant de la télévision seule à tous les écrans, internet, jeux vidéos, etc. et en réalisant de même un sondage auprès des élèves (voir annexe). Cette fois, c'est Michèle Mérrit du CLEMI qui est venue animer un atelier dédié aux dessins animés visionnés avec ou sans son, selon le même principe que précédemment. Puis les parents ont été invités à participer à un débat consacré aux jeux vidéo. Comme ils avaient été sensibilisés aux effets de l'image par leurs enfants, le débat fut riche et fécond. Ils se sont montrés soucieux de la fiabilité des limites d'âge annoncées par les fabricants. Les parents des élèves de cycle 3 ont reconnu que les jeux vidéo avaient supplanté la télévision. Puis, en collaboration avec Les pieds dans le Paf, un grand défi a été lancé : la semaine Sans/100 télés (voir annexe).

La semaine sans télé

Certains élèves, consommant la télé à flux continu, ignoraient qu'il existe des programmes et des grilles horaires avec un début et une fin à chaque émission. Un travail sur un journal gratuit a permis de découvrir la notion de programmes afin de les mieux maîtriser et de réaliser qu'on peut les quitter. Un carnet de bord a été distribué, prévu pour y inscrire les activités alternatives ou ersatz de séances télé : activités de parc, jeux de société, cuisine, etc. Les parents ont donc été mis à contribution afin de se priver eux-mêmes et d'inventer de quoi remplacer la télé ! Un livre de recettes de cuisine a été réalisé à cette occasion.

Une consommation raisonnée des écrans

Certes, en CM2, quelques enfants ont d'emblée refusé le défi à la carte selon une provocation typiquement préadolescente ; en CP et CE1, seuls trois élèves sur vingt-cinq ont refusé de participer. Mais la majorité a joué le jeu. L'amicale de l'école a proposé un après-midi dédié aux jeux de société et les parents ont massivement adhéré à ce projet. Il se trouve que cette semaine de printemps était celle des évaluations et, malgré le changement d'heure de fin mars, les enseignants ont constaté que les enfants étaient plus calmes. En CE1, ils ont pratiqué la cuisine en famille et ont multiplié les sorties. Les élèves de CE2 et CM1 se sont occupés en famille à des jeux de société. Ils se sont également inspirés du jeu 50 activités pour oublier la TV. Cinq sur vingt-huit n'ont pas du tout regardé la télévision durant cette semaine au cours de laquelle ils ont entraîné leurs parents dans cette aventure. Tous ont limité leur consommation d'écrans et ont surtout pris conscience du fait qu'il existe des activités alternatives. Ce sevrage relatif et temporaire, accepté par la majorité, car présenté comme un défi, voire un exploit héroïque, a prouvé que de nombreuses activités, physiques notamment, sont sources de bien-être, de satisfactions, voire de plaisir au moins autant qu'un écran qui, finalement, fait écran. Du coup, les jeux de balle et de ballon ont été réintroduits et multipliés lors des récréations. La communication au sein des classes s'est améliorée, certains s'expriment plus facilement.

Bilan

Les bénéfices retirés de cette expérience sont multiples. Les activités familiales ont été restaurées, les élèves ont pris conscience de l'importance de l'hygiène de vie, les échanges se sont développés entre les divers acteurs de l'école et leurs partenaires, les sujets de conversation entre écoliers ont changé dans la mesure où, regardant moins la télévision, ils parlent d'autre chose. Sur le plan des compétences acquises, celles-ci ne manquent pas. Savoir comprendre ce que signifient les images. Être capable de se fixer des choix et des limites de consommation d'écrans. Savoir en parler, soit être en mesure de décrire ce que l'on voit, d'identifier ce que l'on ressent. Enfin, les savoir-faire ont été réinvestis dans divers domaines : textes, dessins, photos. Le regain d'intérêt pour la lecture n'est pas le moindre apport de cette action qui se poursuit d'ailleurs. Vieux débat déjà initié par Victor Hugo qui écrivait, à propos des vitraux de Notre Dame de Paris : "Ceci tuera cela ! Le livre tuera l'édifice." Et si celui-ci prolongeait ses effets en anéantissant même les vitraux cathodiques du XXIe siècle ?
 
auteur(s) :

J. Perru

contributeur(s) :

M. Vandenberghe, les enseignants des écoles maternelle et élémentaire des Agenêts, École des Agenêts, Nantes [44]

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