Contenu

lettres-histoire

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > disciplines du second degré > lettres-histoire > bibliothèque

les ouvriers dans la société française, XIX° XX° siècle.

mis à jour le 08/01/2011


vignette ouvrier.jpg

Compte-rendu de lecture du livre de Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française, XIX° XX° siècle. Ce livre permet d'éclairer le sujet d'étude "Être ouvrier en France (1830-1975)" de première bac pro 3 ans.

mots clés : ouvrier, bac pro 3 ans, histoire ouvrière, mouvements sociaux


Chapitre 1 A la recherche du prolétariat (XIX° siècle)

L'image d'Epinal d'un prolétariat souffrant, broyé par la révolution industrielle, devenu l'esclave des gigantesques machines, vivant avec un salaire de misère dans des habitats insalubres des grandes villes industrielles, cette vision existe mais n'est pas majoritaire dans le pays.

Les ouvriers en chiffres

A la fin de la monarchie de Juillet, 1,2 millions d'ouvriers travaillent dans les manufactures sur un total de 4,4 millions, les ouvriers de l'artisanat sont toujours les plus nombreux.

Même au début de la troisième République, on remarque la faiblesse du prolétariat d'usine.
En 1881, les ouvriers constituent 41,3% de la population active, contre 40,8% pour les patrons et 14,4% pour les employés.
A cette date, les ouvriers agricoles sont les plus nombreux (3,4 millions pour 3 millions de travailleurs industriels).

Répartition par secteur d'activité :
1840 - 1850 : sur les 1,2 millions d'ouvriers embauchés dans les établissements de plus de 10 salariés, 58% appartiennent au secteur du textile, 10% à la métallurgie, 2% dans les houillères.

Troisième caractéristique de la classe ouvrière : la place importante des femmes, des enfants et des étrangers (emplois de domestiques, dans le textile...) L'emploi des enfants est plus général dans la grande industrie (textile, métallurgie...) A Carmaux, ils forment 20% du personnel en 1850.
En 1880, on compte un million d'ouvriers immigrés dans le pays.

Un monde ouvrier aux multiples visages

Le prolétaire pour les historiens marxistes : c'est la machine qui définit le prolétariat. Etant donné la faiblesse de son salaire, le travailleur est dans l'incapacité d'acquérir des moyens de production d'où une rupture avec l'Ancien Régime où l'ouvrier était en général propriétaire de ses outils. Il ne dispose de rien d'autre que de sa capacité de travail.
L'irruption de la machine dans le travail du textile a beaucoup frappé les contemporains. Avec la mécanisation, c'est la machine qui crée et la mécanique qui impose le rythme. (D'après l'enquête du Dr Villermé)
L'enquête d' A. Blanqui évoque aussi la pénibilité physique du travail dans les manufactures : les maladies graves sont pour les trois quarts, à Rouen, des affections pulmonaires liées à l'insalubrité des ateliers. Les grands établissements métallurgiques sont aussi un lieu de prédilection pour les accidents du travail.
De plus, l'insuffisance des logements oblige les nouveaux venus à s'entasser parfois à plusieurs familles dans une seule pièce.
Le rapport Villermé dresse un inventaire rapide : habitat dans les caves de Lille : quelques outils, un réchaud en terre cuite, un poêle pour tenter de réduire l'humidité constante de ces endroits, des paillasses en guise de lit.
Quand à la nourriture : pomme de terre et soupe représentent les trois quarts de l'alimentation quotidienne.
Tout cela explique l'énorme mortalité dans ces quartiers populaires. Un quartier du nord de la France à Wazemmes : 70% des personnes meurent avant l'âge de 40 ans.
Les salaires sont peu élevés, les contrats de travail inexistants : le travail ne dure que le temps que l'ouvrier convient au maître.
Cette population souffre du déracinement, de la désarticulation de la famille traditionnelle, consécutive à l'afflux d'hommes seuls dans les grandes villes.

Autre figure de la classe ouvrière :

La fabrique se compose de deux parties : la première rassemble les établissements situés à l'intérieur de la ville, la seconde comprend l'ensemble des unités de travail dispersées dans la campagne alentour, par exemple, dans le Calvados, 90% de la main d'œuvre travaillant dans les filatures sont en fait des ruraux.
Le bien être de l'ouvrier en chambre n' est pas forcément meilleur que celui de l'ouvrier travaillant dans les grandes entreprises. L'ouvrier en chambre respire toute la journée les émanations malsaines du charbon et de l'huile nauséabonde qu'il chauffe ; une famille entière est ainsi à demi asphyxiée dans un espace de quelques mètres carrés. Dans les fabriques, au contraire, les ateliers sont chauffés, suffisamment aérés et bien éclairés.

Mais ce qui caractérise les classes populaires de ce temps, c'est la polyvalence des activités exercées pour faire face aux aléas de l'existence : le travail en manufacture n'est souvent qu'un complément pour le paysan pendant la morte - saison.

Chapitre 2 Le « gigantesque paradoxe »

Les raisons de l'attachement des ouvriers aux formes traditionnelles d'activités économiques

Les classes populaires restent prisonnières des contraintes propres à une économie de subsistance ; le souci de la vie quotidienne est toujours de lutter contre l'insécurité et la précarité des revenus. Le travail dépend du volume du travail à effectuer : à Paris, au milieu du XIX° siècle, la période d'inactivité s'étend pour les tailleurs parisiens du 15 juin au 15 septembre et du 15 février au 1er avril. Le chômage n'est qu'une forme d'insécurité, la maladie, l'âge en sont d'autres.
L'ouvrier peut effectuer plusieurs activités : l'ouvrier, surtout s'il est peu qualifié, ne survit qu'en pratiquant plusieurs métiers successifs dans l'année : par exemple, un cordonnier de Malakoff se livre à la culture maraîchère pendant les périodes de chômage, ou cet autre cordonnier exerçant aussi la profession d'instituteur.
Il existe des ressources complémentaires pour la famille : la mère et les filles font des travaux de broderie, distribués dans tous les villages de la région par des marchands - fabricants. Il existe aussi une complémentarité du travail agricole et du travail industriel, cela permet d'échapper à la misère. La diffusion du travail industriel dans les campagnes est aussi intéressante pour les paysans soucieux d'échapper au déracinement.
Jusqu'au début de la III° République, pour les classes populaires, le travail industriel est vu comme une modalité du travail rural : dans les sucreries de Picardie, le paysan se loue uniquement pendant l'hiver.
Lorsque la pluri - activité n'est pas possible sur place, elle est obtenue grâce aux migrations saisonnières. On voit, à travers cet exemple, l'énergie collective pour conserver leurs modes de vie traditionnels Les activités sociales des ouvriers sont elles aussi liées au monde rural (sociétés à boire, carnaval...)
Dans les formes de production industrielles traditionnelles, l'autonomie professionnelle est préservée : les connaissances professionnelles de ces ouvriers de métier sont comparables aux savoir - faire de type artisanal. Le mode d'acquisition d'un tel savoir est essentiellement un contact permanent entre un maître qui sait faire et un apprenti qui apprend à faire.
Autre phénomène qui favorise la dispersion du travail ouvrier dans l'espace rural, c'est la législation qui, depuis 1841, limite le travail des enfants dans les établissements de plus de 10 employés.
Les ouvriers veulent garder leur mode de vie rural et les patrons des manufactures l'ont compris : une population pour laquelle seul le travail industriel complétant l'agriculture peut permettre une certaine aisance, celui qui le fournit est spontanément considéré comme un véritable bienfaiteur. Japy par exemple possède un moulin, dans les périodes de disette, il distribue des grains et du pain. Le patron est au centre de la charité et de la bienfaisance.
Aide d'un côté et de l'autre discipline très rigoureuse dans l'exploitation de la force de travail. (Paternalisme).

L'impossibilité à créer une véritable « classe ouvrière » dans la grande industrie

Il existe une insuffisance de l'exode rural qui provoque une pénurie constante d'ouvriers. A Carmaux, dans les années 1870, il suffit d'une bonne récolte pour paralyser le recrutement. Les patrons se plaignent parce que à Carmaux, les mineurs travaillent peu (ouvriers - paysans).Ils font dans certains endroits des journées de 19 heures (activités rurales et industrielles). La direction de Carmaux essaie de modifier les horaires afin d'empêcher les ouvriers de se livrer ensuite au travail des champs ; mais des grèves partielles contre ces projets la contraignent à les repousser à plus tard.
A Caen, jusqu'en 1890, rare sont les ouvriers qui restent plus de cinq ans dans les fabriques.

Chapitre 6 La génération singulière (Deuxième moitié du XX° siècle)


On assiste à une stabilisation des bastions industriels à partir des années 1930 et en même temps à l'arrivée d'une deuxième génération ouvrière formée de travailleurs qualifiés, et qui exerce par l'intermédiaire des organisations communistes son hégémonie sur le monde du travail jusqu'en 1960 - 70.
La crise des années 70 en détruisant les bastions ouvriers ne permettra pas la reproduction de cette classe ouvrière.

Les grands principes de structuration d'une génération sociale

Première chose à souligner qui fédère le groupe : les luttes sociales (depuis 1936, 1947...)
Luttes sociales parfois violentes : A l'usine sidérurgique de Micheville, en Lorraine, les ouvriers désarment une compagnie de CRS  tout entière.

Deuxième caractéristique de la période : la place centrale tenue par les bastions de la grande industrie. Ils sont en position de force après la guerre car on a besoin d'eux pour la reconstruction. (Statut des mineurs des dockers, sécurité sociale...).
Troisième aspect : Le rôle décisif joué par la CGT et le PCF tout au long des événements. Dans les revendications on a une imbrication entre les exigences matérielles et les objectifs politiques.

La France connaît en 1954 le point culminant de son taux d'industrialisation. Le taux de masculinité est de 69% en 1954.
Au début des années 70, à l'usine Renault de Billancourt, près de 40 % du personnel a plus de 20 ans d'ancienneté(enracinement dans l'entreprise)
Il existe aussi un enracinement dans le quartier, à Nantes la cité des Batignolles est considérée comme un véritable « village ouvrier ».
Population ouvrière formée : 1 million d'ouvriers a son CAP entre 1950 et 1959.
La place du café est importante dans le processus d'appartenance de l'individu au groupe.
« Etre un habitué du café, jouer aux boules, être un homme, être un habitant du quartier, être ouvrier, tout cela va ensemble ».
Au sein de l'entreprise, des pratiques de détournement du temps de travail, d'outils, de matières premières (la perruque ou la bricole) permet aussi l'intégration au groupe. (Rituel d'intégration)
Autre rituel : la  célébration de la retraite...
Autre élément liant les membres de la communauté : le syndicat CGT et le PCF. Confiance liée au souvenir bien entretenu que le peu que l'on a on le doit au syndicat.
Le PCF peaufine son image du « parti de la classe ouvrière ».
L'adéquation entre le groupe de la classe ouvrière, la CGT et le PCF explique les succès durables de ces organisations au sein du monde du travail.
Aux élections législatives de la Seine, en 1956, sur 10 ouvriers, 7 choisissent le PCF.

Portrait robot de l'ouvrier syndiqué : un professionnel qualifié, titulaire de son CAP, cheminot, électricien ou métallurgiste, inquiet de l'avenir de sa profession âgé d'une 40° d'années dans les années 70 travaillant dans un établissement de plus de 1000 salariés. Vivant dans une grande zone industrielle de province.

Le groupe ouvrier dominant et les transformations de la société française

Sous la V° République, la structure économique du pays se modifie : on assiste à une concentration des entreprises sans équivalent. L'exode rural s'accélère brutalement en 20 ans la terre perd 40% de ses exploitants et 70% de ses salariés.
On assiste à un accroissement des services, (écoles santé culture) et les classes moyennes connaissent elles aussi une augmentation importante.
La classe ouvrière (définition de l'INSEE) connaît un recul au sein du monde des salariés. (61% en 1957, 47,7 % en 1975)
On assiste aussi à une baisse du nombre des ouvriers qualifiés (beaucoup d'OS).
La Basse - Normandie représente l'exemple type de région  où se sont implantées des industries. 70% des emplois ouvriers sont des postes d'OS. L'automobile arrive en tête.
Arrivée massive de travailleurs immigrés
De 1954 à 1975, le niveau de vie des salariés triple en moyenne
On assiste aussi à la généralisation des normes HLM.

A partir des années 60 on voit apparaître une progressive désindustrialisation des vieux bassins d'emplois.
Le recul du dynamisme industriel de ces bassins marque le début d'une crise d'identité collective.
Après avoir cherché à enraciner la main d'œuvre qualifiée, les chefs d'entreprise encouragent la mobilité. La délocalisation des centres de production oblige beaucoup d'ouvriers à quitter leur région pour d'autres centres ; mais cela joue un rôle très important dans le processus de désagrégation du groupe social. Pour la nouvelle génération, tout un travail est à refaire, afin de recréer une communauté.

La marginalisation et les difficultés d'en sortir

Les nouveaux venus dans l'industrie ne peuvent s'insérer dans les pratiques des ouvriers qualifiés (comme la « perruque » par exemple) Dans la région nantaise, pour les métallurgistes enracinés, les soudeurs d'origine rurale sont appelés des « bouseux ».
Pour les travailleurs immigrés, les difficultés d'intégration sont d'autant plus grandes qu'au déracinement rural s'ajoute tout ce qui tient à la différence de la langue et de la culture.
La région de Caen offre le spectacle de deux classes ouvrières représentant deux âges de l'industrie, l'une, dans la sidérurgie, autour de la CGT, regroupant des ouvriers plus âgés, plus masculins, plus qualifiés, l'autre, à la Saviem surtout, autour de la CFDT et des OS.
 
auteur(s) :

Vincent FRAPARD, enseignant

information(s) pédagogique(s)

niveau : Lycée professionnel tous niveaux, tous niveaux, ,

type pédagogique : connaissances

public visé : enseignant

contexte d'usage : espace documentaire

référence aux programmes : Première bac pro 3 ans

ressource(s) principale(s)

logo bac pro 3 ans.jpg mises en ligne première bac pro 3 ans 27/01/2011
Rappel des mises en ligne effectuées concernant le nouveau programme de première bac pro 3 ans
première bac pro 3 ans Thomas Doublier

haut de page

lettres-histoire - Rectorat de l'Académie de Nantes