Au programme de ces trois rencontres avec l'écrivain, des ateliers d'écriture sont prévus. Réalisée au sein de la classe à la fin de l'année, une enquête traduit que si les adolescents ont effectivement accueilli le projet de lecture avec enthousiasme (sept élèves) et curiosité (treize), la proposition d'écriture était plus redoutée : écueils de leurs difficultés en français, peur du manque d'inspiration, difficulté de la tâche (
voir annexe). Pour cette première tentative, trois exercices leur sont proposés : raconter un souvenir à partir de l'œuvre, inventer une projection d'un vieux film de la famille en super huit, insérer un paragraphe personnel au milieu du roman (
voir annexe). Quelques élèves restent perplexes : "On ne va pas savoir quoi dire !" Éric Pessan circule entre les rangs et les rassure : "Mais si, vous allez voir. Un roman appartient à ses lecteurs ; s'il manque un élément, rien n'empêche de l'imaginer". C'est un habitué des ateliers d'écriture en milieu scolaire ou carcéral, et il encourage chacun à prendre la plume. Alors les élèves se lancent, simplement concentrés sur leur feuille de brouillon. Grâce à la présence de l'écrivain, les élèves vont accepter de faire ce qu'ils ne feraient pas forcément en temps normal : se concentrer, produire une écriture personnelle, faire confiance à leur capacité créatrice. De temps en temps, ils questionnent l'enseignante ou l'auteur sur une tournure, une formulation, un blanc. L'enseignante rappelle la nécessité d'une information importante par phrase, pas plus, pour conserver une syntaxe fluide. Elle propose de souligner les points au fluo, pour dégager des espaces de pauses respiratoires au lecteur. Elle engage à la construction de paragraphes, comme autant d'étapes temporelles. Par ailleurs, le CDI (Centre de documentation et d'information) a fait l'acquisition, dans le cadre du dispositif, d'une dizaine de dictionnaires de synonymes, d'analogies, proposés en accès libre aux élèves pendant les séances d'écriture. Les adolescents s'en emparent lorsque le besoin s'en fait sentir : comment éliminer les répétitions du verbe "faire", par exemple. La feuille d'écriture se développe petit à petit, s'entoure de cercles pour les expressions à garder, se triture de ratures pour les détails à éliminer, l'élève produit du sens. La durée prévue est d'une heure trente environ à l'issue de laquelle chacun devra lire sa production à haute voix devant les autres. Plaisir d'imaginer en silence, d'écrire avec lenteur, de lire. De se lire. L'enseignante valide cette capacité à rendre compte de son travail individuel, avec prise de parole en public. Voici le scénario qu'elle utilise" : tout d'abord, elle énonce la consigne d'écriture dans un temps donné. Les élèves sont prévenus qu'ils auront à lire à voix haute leur production une fois le temps écoulé. L'enseignante circule dans les rangs, repère les textes qui semblent intéressants à lire à la classe (parce qu'ils traitent la consigne d'une façon originale, parce qu'ils contiennent une erreur intéressante - énonciation ou compréhension, par exemple -). à la fin, elle interroge les élèves des textes repérés ; on écoute, on discute, il s'agit d'une réflexion dialoguée collective où chacun voit comment il paraît possible d'améliorer les productions écrites. Au-delà des premiers élèves volontairement ciblés par l'enseignante, des volontaires peuvent lire à voix ouverte. La professeure demande aussi s'il y a des élèves qui ont l'impression que leur texte est "en dehors des rails". Alors, certains silencieux lisent, on voit ensemble ce qui éventuellement ne va pas, mais souvent c'est une fausse impression : le texte, en fait, convient. Par ailleurs, si le texte écrit est long, la professeure fait lire seulement des passages clés : le début, telle articulation. Cela donne des idées à tous, voire remet en piste d'inspiration ceux qui peinent un peu. Avec Valérie Menut, cette démarche de lecture oralisée se réalise régulièrement en cours depuis la sixième, les élèves la connaissent bien. Dans ce cadre serein, il est alors possible de valider la compétence mentionnée. Aucun élève ne refuse ce passage oral devant les autres, même les plus timorés, ragaillardis peut-être d'énoncer leur production devant un "vrai" écrivain. L'heure file, et déjà les consignes pour la prochaine rencontre, fixée au 21 mai, sont données.