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dare tell tales : enseigner le drama en classe de première

mis à jour le 16/06/2016


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Les jeunes Britanniques bénéficient d’un enseignement nommé "drama" que l’on pourrait assimiler à du théâtre. L'enjeu : non pas une scène récitée ou interprétée avec brio mais le développement de compétences personnelles (créativité, improvisation, confiance en soi) et interpersonnelles (confiance en l’autre, positionnement dans le groupe). Le projet, mené avec des élèves de 1e, s'inspire du "drama" anglais avec une approche littéraire du conte. Pour donner au projet une teneur européenne, l’anglais devient la 2e langue du jeu théâtral et la langue d'échanges sur la plateforme e-twinning.

mots clés : oral, drama, EAF, conte, théâtre, ERASMUS +, e-twinning


Le projet

Le modèle du "drama" britannique

Ce projet est né du constat suivant : lors des échanges internationaux, les élèves français semblent assez souvent plus réservés, moins enclins à parler en public, ou à faire confiance aux adultes que leurs homologues étrangers. D'où l'intérêt de s'interroger sur la manière dont les relations interpersonnelles, la prise de parole en public, et globalement les interactions sociales sont, ou non, enseignées en France et en Europe.
Nous avons donc émis l’hypothèse qu’un enseignement de type "drama", tel qu’il se pratique dans les pays anglo-saxons, pouvait manquer dans la scolarité des élèves français. Dans le système britannique, le "drama" est une matière à part entière de l’enseignement : obligatoire pendant les premières années du secondaire, elle devient optionnelle jusqu’au baccalauréat – au même titre que la musique et les Arts Plastiques en France. Sous le vocable "Drama" se retrouvent enseignées des activités qui s’apparentent aux jeux théâtraux, mais avec des objectifs et des approches parfois très différentes. Globalement, l’enseignement du Drama dans les premières années est plus axé sur l’acquisition de compétences sociales, la créativité, la coopération de groupes d’élèves dans la réalisation de saynètes, etc. tandis que l’enseignement optionnel, en fin de scolarité, se rapproche plus d’un enseignement théâtral.


Le temps de formation : l'enseignant observateur et acteur

Ce projet nécessitait plus que notre seule bonne volonté : notre établissement a pu bénéficier des financements ERASMUS +, et un enseignant a pu aller observer directement sur place divers cours de Drama dans divers collèges-lycées anglais. Cette première approche a été particulièrement édifiante : elle a permis de constater à quel point cette matière était considérée comme un enseignement à part entière, avec tout ce que cela implique d’investissement de la part des élèves et des enseignants, mais aussi des établissements pour se doter en espaces et en matériel appropriés à cet enseignement. Cette visite a aussi permis de comprendre de quelle manière étaient conçus les cours de Drama, avec quels rituels, quel déroulé de cours, et quelle progression dans l’année, en fonction de l’âge des élèves – autant d’informations qui ont été réinvesties dans notre projet. Cette première information a été complétée par des formations du Plan Académique de Formation dont a pu bénéficier l’un d’entre nous : deux formations complémentaires ont ainsi été suivies avec profit, sur le jeu théâtral et sur le mouvement, offrant une palette variée d’approches et d’exercices susceptibles d’être pratiqués avec les élèves.

 



Expérimenter le "drama" dans l'espace de la classe

Le projet s'inscrit dans la première approche : il s’agissait de mettre en place, dans l’emploi du temps des élèves, une heure obligatoire d’enseignement de pratiques théâtrales avec pour objectif de travailler les interactions sociales, la prise de parole, l’improvisation, l’imagination, etc. Ce caractère obligatoire, et donc fortement contraignant pour beaucoup d’élèves adolescents, s’accompagnait de cette contrepartie annoncée dès l’origine, à savoir que notre activité n’avait pour objectif de déboucher sur une représentation publique de notre travail : tout serait donc limité au groupe-classe, et resterait "entre nous".


Inscrire le projet dans un cadre européen

Un aspect complémentaire du projet consistait à inscrire notre enseignement dans un cadre européen : nous avons soumis ce projet sur la plate-forme collaborative e-twinning sous l’intitulé "Dare tell tales", cherchant à impliquer d’autres groupes d’élèves, de différents pays. L’objectif était de mettre sur pied, autour du thème du conte, un jeu de cartes occasionnant des situations d’improvisation : à partir des constituants du conte tirés au hasard, les groupes d’élèves devaient improviser un court récit. Notre projet se déroulait en co-animation, impliquant un professeur de lettres et un professeur d’anglais (Mme Stéphanie Marcos). Un lycée italien et un lycée roumain ont répondu à notre appel, et une forme de collaboration a pu se mettre en place, qui a occasionné un travail en langue anglaise.

Objectifs


Compétences disciplinaires :
  • Être capable de réinvestir les connaissances sur le conte : le schéma actantiel
  • Du conte à la parodie, être capable de déformer pour faire rire.
  • Être capable de prendre la parole en public, de soutenir le propos par le geste, de défendre une opinion.
  • Varier le vocabulaire et la compréhension de l’anglais.


Compétences interdisciplinaires :
  • Coopérer, travailler en groupe.
  • Imaginer, créer une situation en fonction de consignes.
  • Se servir du corps et de l'espace pour véhiculer une information, pour transmettre une émotion.
  • Investir un espace numérique de travail collaboratif.
 

 

Déroulement

Étape 1 : Concevoir une progression annuelle

Dans la mesure où notre projet reposait sur la mise en place d’un enseignement obligatoire, il nous est apparu nécessaire d’élaborer une progression annuelle autour d’un thème précis. La collaboration entre un professeur de lettres et un professeur d’anglais exigeait ce travail commun afin que le projet soit cohérent pour les élèves.
Le programme de français incluait une étude des contes de Perrault : ce thème semblait approprié dans la mesure où il peut permettre de nombreux développements et détournements, mais également parce que le conte appartient à la culture populaire européenne et pouvait intéresser des enseignants d’autres pays.
La progression annuelle a été difficile à élaborer : bien que des sources britanniques existent, elles reflètent des pratiques qui se développent sur toute une scolarité, or nos élèves, quoiqu’adolescents, étaient finalement totalement débutants. Nous avons donc cherché à croiser l’approche thématique (le conte) avec une approche plus fonctionnelle de jeu théâtral (prise en compte de l’espace, du corps, du regard, de la voix…)



Étape 2 : Construire un déroulé de séance ritualisé

En nous inspirant des déroulés de séance vus en Grande-Bretagne, nous avons cherché à mettre sur pied un plan de séance ritualisé, qui permettait de proposer à des élèves non-volontaires un cadre rassurant.
Les séances étaient donc constituées comme suit :

a) L'échauffement (warm-up) :

La séance débute par des exercices aux objectifs multiples, en fonction de la période de l’année, du groupe, des objectifs globaux de la séance. Il a pu s’agir, soit de constituer le groupe-classe en groupe de travail, de travailler sur la prise en compte de l’espace, d’apprendre à se faire confiance, de dynamiser le groupe ou au contraire de travailler sur la concentration et l’attention aux autres…
Voici quelques exemples de warm-ups pour travailler sur la confiance dans le groupe et la concentration :
- "La quille" : un élève au-milieu d’un groupe de 7, les yeux fermés, reste raide et se laisse pousser lentement par le groupe, comme une quille. Il convient de rappeler l’objectif : avoir confiance, donc pas de violence !
- "Dos à dos" : se déplacer conjointement en s’appuyant au dos de son camarade (nécessité de se coordonner, de coopérer et se concentrer)
- "Dos à dos" (variante) : se retourner, se regarder sans rire (travail de concentration à généraliser au jeu pendant le stimulus)


b) La situation (stimulus) :   

Une situation est donnée aux élèves, avec des contraintes de constitution de groupe, etc. Il s’agit d’imaginer différentes saynètes en lien avec le thème du conte.
Après avoir donné le sujet, celui-ci était immédiatement et ouvertement discuté par l’ensemble de la classe, et chacun était invité à proposer des idées, à interpréter la consigne, etc. L’objectif était alors de ne pas laisser le groupe seul avec une consigne complexe, de laisser émerger spontanément des émotions diverses et de stimuler l’imagination. Chaque groupe était libre de travailler dans son coin pendant quelques minutes, de mettre sur pied un petit scenario avant de le jouer.

Par exemple, on peut demander aux élèves d'imaginer la visite guidée d’un espace merveilleux (la forêt de Blanche-neige, le château de la Belle au bois dormant…) : un guide met le lieu en valeur, les visiteurs réagissent au lieu décrit.
Quelques contraintes sont imposées : des groupes de 4 ; introduire les mots-clés en anglais pour une visite bilingue ; faire comprendre l’espace décrit et l’émotion ressentie par rapport à l’espace ; possibilité de prendre des notes mais absence de notes au moment de jouer.


c) Le retour :

Après le jeu, la parole était redonnée aux joueurs et aux spectateurs pour commenter ce qu’ils avaient fait ou vu.
Enfin, à l’issue de la séance, la parole était donnée à la classe pour faire état de leur expérience et des émotions vécues.



Étape 3 : e-twinning, un outil de collaboration

Sur la plate-forme e-twinning les projets sont listés avec un certain nombre de mots-clés qui permettent aux collègues européens intéressés de proposer leur participation : les nôtres étaient drama, théâtre, conte…
Une enseignante italienne a spontanément répondu à notre demande ; à cette réponse s’est ajoutée un contact obtenu auprès de collègues roumains rencontrés dans le cadre de la mobilité européenne et sollicités lors de la mise en place du projet. L’objectif est avant tout culturel, il devait permettre de prendre appui sur une culture commune et de donner à notre activité une audience plus large que la classe, mais en même temps limitée à un espace virtuel.

Le premier échange s’est fait à la demande de la collègue italienne, qui a proposé une activité pour "briser la glace". Elle consistait à élaborer l’affiche de notre projet : les élèves devaient créer un poster présentant l’activité drama. Cette activité a eu pour bénéfice secondaire de réaliser que les élèves avaient parfaitement compris et intégré les objectifs de l’activité "drama".   
 
                     
                       

à gauche : un poster pour promouvoir l'activité Drama






à droite : la vidéo des élèves italiens
 
 
Étape 4 : L'évaluation

En l’absence d’une production finale soumise à une évaluation chiffrée, seul le retour sur l’expérience à l’issue des séances constitue une forme d’évaluation.
L’activité Drama est mentionnée dans le descriptif de bac : certains élèves auront donc l’occasion d’être évalués sur ce projet.
 
 
 

Bilan


Des effets positifs à court terme

La constitution d’un groupe classe plus homogène a été une réalité : la classe de 1ère S, du fait des options, des langues, etc. se partage sur 7 emplois du temps différents, les élèves se trouvant à l’occasion divisés ou réunis avec d’autres élèves : l’heure de Drama permet alors de toujours réunir le groupe-classe, puis de constituer des groupes de travail différents chaque semaine.
Un travail conséquent a été accompli sur la confiance réciproque ; le fait que chacun montre son travail à tour de rôle induit une certaine bienveillance au sein de la classe. Le travail sur la prise de parole, le jeu, le corps… a porté leur fruit et des progrès évidents sont perceptibles entre les saynètes imaginées en début d’année et celles qui ont été élaborées à la fin : les premiers travaux étaient à la fois modestes dans la réalisation et très courts ; au fur et à, mesure, les réalisations se sont révélées de plus en plus longues et élaborées.


Des effets positifs sur le long terme

La pratique théâtrale, et globalement la prise de parole ne sont pas enseignées en tant que telles en France, or elles sont constitutives de compétences sociales discriminantes, selon qu’elles sont ou non maîtrisées par les individus. En ce sens, cet enseignement peut contribuer à rendre un certain nombre d’élèves réservés un peu plus à l’aise dans des situations où ils auraient pu se trouver en situation d’inconfort.







Des perspectives de travail

La dimension européenne du projet est un aspect perfectible du travail. Cette année a aussi été l’occasion de découvrir et de se familiariser avec les contraintes techniques de la plate-forme e-twinning et pourra servir d’appui pour le futur. De fait, e-twinning est un outil un peu difficile à manipuler, le fait de mettre des travaux en ligne n’est pas simple quand on n'en a pas l’habitude…
Du point de vue des enseignements, les diverses formations permettent d’élargir la pratique. La répartition des activités s’est faite entre les deux enseignants, mais la part d’intervention en anglais est un objectif à développer voire à généraliser. L’enseignement bilingue, voire en langue étrangère, est une perspective motivante qui sera développée dans l’avenir.





Quelques ressources

Un article de Philippe Meirieu sur la place du théâtre à l'école :
www.meirieu.com/ARTICLES/theatre_anrat.pdf


Des idées pour les premières séances :
Télécharger le fichier
 
 
auteur(s) :

Vincent Gravouil, Lycée Touchard, Le Mans

information(s) pédagogique(s)

niveau : 1ère, tous niveaux

type pédagogique : scénario, séquence

public visé : enseignant

contexte d'usage : classe, atelier

référence aux programmes : BO spécial n°9 du 30 septembre 2010

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