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Tefcros Michaelides, Petits meurtres entre mathématiciens, Le Pommier, 2012

Tefcros Michaelides, Petits meurtres entre mathématiciens, Le Pommier, 2012


Petits meurtres entre mathématiciensEcrire un roman policier dans lequel les mathématiques sont la matière première  de l'énigme n'est pas chose aisée. Dès lors, rares sont les intrigues cohérentes, bien ficelées, qui tiennent le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page, et dont le personnage principal est la mathématique elle-même. Depuis le fameux Théorème du Perroquet, du regretté Denis Guedj(1), beaucoup s'y sont essayé... avec des fortunes diverses.

Dans ses Petits meurtres entre mathématiciens, Tefcros Michaelides parvient à convaincre sur les deux tableaux. Mais posons le décor.

En 1929 à Athènes, le mathématicien Stefanos Kantartzis est retrouvé mort à son domicile. S'agit-il d'une mort naturelle ? D'un suicide ? Les recherches qu'il menait dans le plus grand secret peuvent-elles être à l'origine de ce drame ?
Accablé par cette disparition, Michael Ingerinos, seul lien social apparent du défunt et surtout, dernière personne à l'avoir vu en vie, nous retrace l'histoire de leur indéfectible amitié.

Leur première rencontre a lieu le 8 août 1900 à Paris, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, à l'occasion du Congrès international des mathématiciens. Devant un public admiratif, David Hilbert prononce une conférence révolutionnaire : plutôt que de faire état de l'avancée de ses recherches dans un domaine particulier, il dresse un panorama exhaustif des quêtes mathématiques à mener à travers une liste de 23 problèmes, donnant ainsi la feuille de route des chercheurs du monde entier pour les décennies suivantes(2). Le problème N° 2, portant sur la cohérence de l'arithmétique et, plus généralement, sur la possibilité de déterminer a priori la complétude et la cohérence d'un système axiomatique, donne lieu à la première véritable discussion entre Stefanos et Michael. Il scellera leur amitié.

L'auteur nous rend alors spectateurs des pérégrinations de nos deux jeunes savants dans l'effervescence du Paris de la Belle Epoque. Sur fond d'affaire Dreyfus qui déchire la société française, il nous plonge dans l'ambiance des cabarets de Montmartre, et imagine nos deux héros rencontrer des artistes à la notoriété naissante comme Toulouse-Lautrec ou Picasso.

Le retour en Grèce, contraint par la première guerre mondiale, n'affaiblit en rien l'amitié des deux protagonistes, qui chaque semaine, autour d'une partie d'échecs, se retrouvent pour débattre de mathématiques ou d'amour.

C'est précisément au lendemain d'une de ces rencontres que le corps de Stefanos est découvert par la police. En cas de meurtre, Michael serait donc, aux yeux de la police, le suspect idéal...

Avant de publier ce livre (dont le titre anglais, plus fidèle au titre original, est Pythagorean Crimes), Tefcros Michaelides, professeur au Athens College, a écrit de nombreux articles sur le rôle des mathématiques de l'Antiquité à nos jours.

Ce sont avant tout les choix spatiaux et temporels opérés par l'auteur qui confèrent à ses Petits meurtres entre mathématiciens un charme si particulier. L'inscription du récit au début du XXème siècle - période particulièrement féconde pour la recherche mathématique - à Paris - capitale des sciences et des arts - lui donne une belle vitalité. Si l'on ajoute l'attention portée à la construction psychologique des personnages, tantôt en proie au doute, tantôt truculents, souvent attachants, il en résulte un roman intelligent et divertissant, accessible de surcroît à tout adolescent curieux des mathématiques et des enquêtes policières.

Stéphane FRIGOT



(1)  Denis Guedj est un mathématicien et écrivain français (1940-2010), qui a enseigné l'histoire et l'épistémologie des sciences à Paris VIII. On lui doit de nombreux ouvrages de vulgarisation comme L'empire des nombres (Gallimard, 1996),  La gratuité ne vaut plus rien et autres chroniques mathématiques (Le Seuil 1997), Le Théorème du Perroquet (Le Seuil, 1998), traduit dans plus de 20 langues,  fabuleux roman sur l'histoire des mathématiques, ou encore Zéro ou les cinq vies d'Aémer (Robert Laffont, 2005), qui traite de l'invention du chiffre zéro à travers cinq incarnations d'une même femme, Aémer, à cinq périodes différentes.

(2)  En 2013, 6 des 23 problèmes posés par Hilbert en 1900 demeurent irrésolus (dont un pour cause d'imprécision des données). Le plus célèbre d'entre eux est le problème N°8 appelé « Hypothèse de Riemann », qui porte sur les racines de la fonction Zêta, liées à la distribution des nombres premiers. Pour en connaître l'histoire et les avancées significatives réalisées au XXème siècle, je conseille la lecture du fascinant roman de Marcus du Sautoy, La symphonie des nombres premiers, Héloïse d'Ormesson, 2005.

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