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Comment enseigner la grammaire ?

mis à jour le 21/02/2007


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Quelques réflexions sur l'enseignement de la grammaire en allemand

mots clés : enseignement, grammaire


1-LA MAUVAISE REPUTATION

Il est un fait établi : la grammaire allemande rebute, en particulier les  gens qui n'ont jamais étudié cette langue. Quant aux autres, ils ont souvent un souvenir horrifié de leur apprentissage. Pourtant, nous savons bien, nous germanistes, que la grammaire allemande est un système relativement simple et régulier qui ne présente pas de difficultés majeures. Dès lors, il convient de s'interroger sur les raisons de cette mauvaise réputation et de tordre le cou aux idées reçues. Pour cela, laissons nous interroger par quelques réflexions, toutes authentiques, glanées çà et là au cours de conversations diverses.

2-ANALYSE DE QUELQUES REFLEXIONS

 Emanant de parents

Ma fille n'est pas bonne en grammaire, je préfère qu'elle fasse de l'...
Quels sont les points de grammaire que mon fils peut réviser pendant les vacances ?
Aus, bei, mit, seit,... sont suivies de ... ?
Elle fera de l'allemand, c'est une langue logique et ça l'aidera pour  les mathématiques !

Il est évident que le rôle des parents dans le choix des langues étudiées par leurs enfants est, au moins pour la LV1, prépondérant. Les parents contribuent, en effet, à forger ou à relayer l'opinion publique. Légitimement soucieux du bien de leurs enfants, ils sont sensibles aux arguments peu favorables à l'allemand et gardent, pour certains, le souvenir de leur propre apprentissage. Leurs réflexions sont donc, pour nous professeurs d'allemand, intéressantes à analyser. Reprenons-les dans l'ordre :

On oppose deux langues sur le seul critère grammatical. Or, nous le savons bien, une langue n'est pas qu'un système grammatical, et de surcroît, la grammaire allemande, constante et limpide, est sans doute le point le moins difficile dans l'apprentissage.

Cette réflexion procède de la même équation simplificatrice : langue = grammaire. Qu'en est-il du lexique, et plus généralement du savoir-faire communicationnel, dont on sait qu'il dépasse largement le simple apprentissage de paradigmes ?

La preuve en est : pouvoir réciter après des décennies une liste de prépositions classées par ordre alphabétique ne constitue pas un savoir-faire opérationnel. Le savoir est resté, le savoir-faire s'est éteint. Ce fait est du reste lourd de conséquences pour le praticien qui ne doit jamais oublier que l'apprentissage de la règle, fût-il des plus rigoureux, ne garantit en rien son emploi ; combien d'élèves, par exemple, apprennent consciencieusement leurs verbes irréguliers et sont surpris à employer, dans la minute qui suit la récitation, une forme incorrecte ?
Il y a là une confusion entre une logique mécaniste inhérente au fonctionnement d'un système linguistique et la logique pure de l'abstraction mathématique. Or, si faire de l'allemand avait une incidence positive sur les capacités des élèves en mathématiques, nos classes seraient surchargées.

 

Emanant d'élèves

L'allemand, c'est comme le latin, il y a des déclinaisons!
Monsieur, on n'a pas vu le génitif du pronom relatif !
La prof, elle est drôlement bien, avec elle, on ne fait jamais de grammaire !

Nous le savons bien, l'influence qu'exercent les élèves sur leurs camarades et la perception qu'ils ont de leur propre apprentissage n'est pas non plus sans incidence sur la réputation de la langue allemande en France. Essayons par conséquent de décrypter ces remarques :

Le spectre de la déclinaison hante tous les esprits. Or, à des degrés divers, toutes les langues européennes opèrent des marquages génériques et fonctionnels. Pourtant personne ne parle de la déclinaison du pronom personnel anglais ou du pronom relatif français ; enfin, il n'y a pas de commune mesure entre les marquages opérés par la langue latine et ceux de l'allemand. Mais ce mauvais procès trouve sans doute ses raisons dans la manière dont on a enseigné cette langue autrefois...

De par leur formation, certains de nos élèves manifestent un appétit paradigmatique insatiable qui leur fait abhorrer la case vide du tableau. A ce genre de demande, sachons refuser une grammaire théorique au profit d'une grammaire de la communication !

Si l'enseignante enseigne l'allemand (et comment pourrait-elle faire autrement ? ), elle fait de la grammaire. Mais certainement qu'elle la fait autrement... Et tout le monde apprécie qu'il en soit ainsi !

 

Emanant de professeurs
 
Ils n'ont même pas vu le discours indirect en 3LV1 !
Vous exagérez, ça on l'a déjà vu !
Je n'aime pas ce manuel, la progression grammaticale n'est pas rigoureuse !
Transposez les phrases suivantes au passif...

Qu'ils soient terrassés par la fatigue (et il y a de quoi !) ou plus généralement enclins à la désespérance, les professeurs d'allemand ont, en matière de grammaire, des opinions qu'il convient aussi d'analyser :

Oui, le style indirect marqué est encore au programme de 3LV1. Mais il n'est pas rédhibitoire d'ignorer le fonctionnement de son marquage pour pouvoir communiquer pertinemment avec un locuteur germanophone. Cessons de considérer notre enseignement comme un simple corpus programmatique à faire assimiler. La langue n'est pas une nomenclature !

Cette manifestation de colère, sans doute pas totalement illégitime, résulte d'un oubli. Un transfert n'est en effet jamais définitivement assuré, il y a même une sénescence rapide s'il n'y a pas réemploi régulier des structures étudiées. Or, c'est la communication qui garantit le mieux ce que les Nouvelles Instructions pour le Collège appellent la "progression spiralaire".

Enseigner l'allemand ne consiste pas à enseigner la langue allemande par sa grammaire. Les manuels de l'ancienne génération s'appuyaient sur une progression grammaticale qui allait du plus simple au plus complexe. Les occurrences grammaticales étaient souvent illustrées par des documents artificiels en ce qu'ils avaient pour objectif de contextualiser un fait de langue précis. On assistait souvent à des regroupements qui répondaient à une logique purement formelle : on introduisait WERDEN au sens de DEVENIR, puis on traitait le futur, le passif et, parfois aussi, le futur passif ! Or, la communication n'obéit pas à une logique taxonomique ...

 

Ce type d'exercice, purement mécaniste, est sans doute utile à l'ancrage de la structure. Toutefois, il néglige complètement la dimension sémantique. Or, parler c'est produire du sens et employer une forme active n'est pas, dans un contexte donné, la même chose qu'employer une forme passive.

On le voit, au terme de cette analyse, l'allemand a la réputation d'une langue grammaticale. Si le qualificatif peut paraître stupide (toutes les langues ont une grammaire !), il n'en demeure pas moins que, dans l'inconscient collectif, et notamment celui des professeurs, l'arrière-pensée grammaticaliste est omniprésente, du moins chez les francophones. L'essentiel des corrections d'élèves en cours d'allemand porte en effet sur des erreurs de nature morpho-syntaxique, beaucoup plus rarement que sur des erreurs de type phono-prosodique. Nos collègues germanophones, quant à eux, se montrent généralement moins pointillistes en la matière, plus soucieux qu'ils sont de la perception immédiate du sens. Si certaines corrections sont indispensables, notamment quand il y a altération du sens ou production de non-sens, veillons à ne pas accréditer chez l'élève l'idée selon laquelle le professeur s'intéresserait davantage à la forme du message qu'à son contenu signifiant. C'est ce que nous invitent à faire les nouveaux textes officiels pour le Collège.


3- L'APPROCHE FONCTIONNELLE

Les nouvelles instructions officielles pour le Collège et les compléments afférents insistent sur la nécessité d'enseigner une langue de communication, c'est-à-dire de faire acquérir à l'élève une compétence qui lui permette d'agir verbalement sur son environnement, donc d'exercer sa liberté. Cette démarche lie indissolublement lexique et grammaire au service d'une intention communicationnelle. Dès lors quelle grammaire devons-nous enseigner, et surtout comment devons-nous l'enseigner ?


4- GRAMMAIRE DE RECONNAISSANCE, GRAMMAIRE D'EXPRESSION

On admet qu'un certain nombre de phénomènes d'essence grammaticale doivent être seulement reconnus par l'apprenant quand il aborde un document inconnu. Ce pourra être le cas pour le marquage modal du discours indirect ou pour une forme comme Er ist nach Berlin geflogen alors qu'on aura juste abordé l'expression de l'antériorité. Un phénomène réservé à la simple reconnaissance pourra toutefois être proposé au transfert et enrichir alors le patrimoine des faits relevant de la grammaire d'expression dès que le besoin s'en fera sentir. Néanmoins, ce n'est pas parce qu'une forme grammaticale apparaît dans un document qu'elle devra obligatoirement donner lieu à une explication détaillée.
Il sera, comme le prouvera l'exemple cité par la suite, aussi important de privilégier les structures qui permettront de dégager le sens profond d'un document. Pour ce faire, s'offrent au professeur deux démarches différentes qu'il choisira d'adopter en fonction de l'activité et de ses élèves : la démarche inductive et la démarche déductive.


5- DEMARCHE INDUCTIVE, DEMARCHE DEDUCTIVE

 Au hasard d'un entretien d'élucidation, et dès lors qu'on a le souci de l'authenticité de la langue comme instrument et mode d'expression de la pensée, on a rapidement besoin de structures encore inconnues des élèves. C'est le cas pour l'expression de l'antériorité, rapidement indispensable. Or, pour peu que le professeur emploie les formes les plus limpides, il pourra faire assimiler rapidement et, dans un premier temps sans explication théorique, le mécanisme du parfait. De même le besoin de la relative se fait rapidement sentir. Dans ce cas, en référence à la langue maternelle qui affleure, l'élève va procéder naturellement par tâtonnements :

* Der Junge, wer kommt, ...
*Die Lampe, dass ich gekauft habe, ...

En corrigeant l'erreur, le professeur pourra susciter chez l'élève des approches optimisantes et lui faire assimiler en partie le système sans recourir immédiatement à la théorie, ce qui ne manquerait pas de briser la dynamique imprimée à l'activité. Plus tard, lorsque le phénomène sera officiellement proposé au transfert, l'explication théorique pourra se faire de façon déductive : les élèves ayant déjà manipulé la structure, il leur sera plus aisé d'en démonter le mécanisme et d'énoncer la règle. Dès lors se posera le problème du langage de la description et de la codification de la
règle.


6-LA TERMINOLOGIE

S'il paraît évident vue le professeur doit connaître les différentes théories linguistiques qui ont cours, il serait dangereux de surcharger les explications grammaticales par un métalangage peu accessible aux élèves. Pour autant, le recours systématique à la terminologie de la langue française n'est acceptable que si cette dernière décrit de façon pertinente les phénomènes de la langue allemande. Mais est-il bien judicieux d'affirmer que le complément au datif est un complément indirect comme le font certaines méthodes ou d'appeler subjonctif un mode qui a le plus souvent une valeur conditionnelle et que les Allemands connaissent sous le nom de Konjunktiv ? Enfin, on aurait tout intérêt à favoriser des descriptions qui prennent en compte le sens.


7- DES EXERCICES OUI, MAIS QUELS EXERCICES ?

Si par exemple on travaille les fonctions permission/obligation, on pourra proposer au moins trois types d'exercices :

 

A) METTRE LE VERBE ENTRE PARENTHESES A LA FORME CORRECTE :

(Dürfen) ich heute Nachmittag Katja besuchen. 
Das (können) du heute nicht, du (müssen) ja deinen Computer
reparieren.

B) MODELL:

-Darf ich heute Nachmittag Katja besuchen?
-Das kannst du nicht, du musst ja deinen Computer reparieren.


C) COMPLETER PAR MÜSSEN, DÜRFEN OU KÖNNEN A LA FORME
CORRECTE :

.................. ich heute Nachmittag Katja besuchen?
Das ................ Du nicht, du .................... ja deinen Computer reparieren.


Le premier exercice permet de ne vérifier que l'apprentissage de la conjugaison, mais ne s'intéresse pas au sens. Le deuxième, très mécaniste, n'implique pas, lui non plus, de la part de l'élève une réflexion sur le sens ; il permet simplement une utilisation des expansions à l'infinitif. Seul le troisième exercice allie connaissance morphologique (conjugaison) et réflexion sur le sens.

Nous l'avons déjà mentionné, pour utile que soit l'exercice à la fixation d'une structure, il n'en assure que très rarement le transfert à l'expression. Il convient donc de le préparer ou de le prolonger par des activités d'expression orale sous forme de jeux de rôles ou de micro-saynètes.

 
8-ACTIVITES D'EXPRESSION

Ces activités peuvent se jouer, du moins dans les classes de premier cycle, soit en tandems, soit en groupes un peu plus importants. Elles doivent, dans un premier temps, être verrouillées pour que la structure proposée au transfert constitue un passage obligé. Voici un exemple concret :

Fonction : exprimer un fait passé. A demande à B s'il a déjà fait ce qu'il avait à faire ; il reçoit une carte avec un groupe verbal (ex. deine Rolle lernen). B s'offusque et dit qu'il a déjà accompli ce qu'il devait faire.

 A: Du musst noch schnell deine Rolle lernen.
B: Aber ich habe sie doch schon gelernt!

Dans cette activité, on combine deux fonctions (devoir faire quelque chose/ avoir déjà fait quelque chose) dont l'une aura sans doute donné lieu à uneétude. N'est-ce pas là le sens de la progression spiralaire ?

Dans un second temps, on pourra laisser plus d'autonomie à B en lui faisant dire, soit qu'il a déjà effectué l'activité, soit qu'il est dans l'impossibilité de s'acquitter de sa tâche.

A: Du musst noch schnell den Text lesen.
B1: Ich habe ihn doch schon gelesen!
B2: Ich kann ihn doch nicht lesen!



Il faut, lors de ces activités, veiller à l'authenticité de la langue (pertinence de la formulation, correction prosodique) et varier le nombre de personnages ou la perspective, de façon à utiliser plusieurs personnes de la conjugaison. Le professeur doit du reste participer en tant qu'acteur à ces activités, il est en effet le seul membre de la classe à qui les élèves peuvent s'adresser en employant la personne de politesse. On le voit, ces activités permettent de "faire" beaucoup de grammaire sans jamais le dire.


9-GRAMMAIRE DE L'EXPLICITE/GRAMMAIRE DE L'IMPLICITE


Partons d'un exemple concret, le texte Es ist nicht gut für dich, Püppchen (GRENZENLOS 3LV1), exemple facilement transposable à un document de second cycle. On constate une lecture attentive du document que certaines fonctions nécessaires à une exploitation orale ressortissent à l'explicite et ont une illustration concrète dans le texte, et que d'autres au contraire sont nécessaires à la verbalisation de l'implicite, voire à un débat.


Il appartient donc au professeur d'accorder aussi de l'importance à la grammaire de l'implicite et d'organiser des activités autour de cette grammaire, sous peine d'obérer l'accès au sens profond. Les auteurs du manuel ont privilégié dans les activités qu'ils proposent des exercices concernant la grammaire de l'explicite ; au professeur de compléter en fonction des besoins de la communication. C'est en cela que peut s'exprimer sa liberté pédagogique, sachant qu'on doit enseigner la langue et non un manuel.


10-CONCLUSION

Au terme de cette analyse, nous retiendrons les réflexions suivantes :

Ce n'est pas en utilisant la plus grande partie de notre temps (trop réduit !) à faire de la grammaire, à alimenter nos élèves en tableaux récapitulatifs ou autres photocopies que nous serons efficaces ;

-si il est indispensable d'analyser les mécanismes de la langue avec les élèves et de formuler des règles simples, c'est en pratiquant des activités d'expression, donc en communiquant, qu'on apprend une langue.

Pour peu qu'on retienne ces quelques remarques, on favorise le renouveau de l'enseignement de l'allemand en brisant de vieux préjugés. L'opinion publique nous sera peut-être enfin plus favorable.

 
auteur(s) :

Frédéric Lajarrige

information(s) pédagogique(s)

niveau : 6ème, 5ème, 4ème, 3ème

type pédagogique :

public visé : enseignant

contexte d'usage : classe

référence aux programmes :

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