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Brève approche historique, juridique et politique pour une compréhension de la laïcité en France

Synthèse d’une intervention faite en formation de formateurs

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À une époque où le principe de laïcité, en tout cas son application plus ou moins stricte dans l’espace public, divise et enflamme le débat, à l'heure où la société française est décrite comme un archipel, manquant de liens entre les différents groupes qui la composent, il est essentiel d’en revenir aux sources historiques, politiques, juridiques, sociales et philosophiques afin de comprendre pourquoi la laïcité est perçue collectivement comme un ciment de notre vivre ensemble.


La lecture de laïcité est cependant, aujourd’hui encore, teintée de controverses, dotée de différents qualificatifs la décrivant « fermée », « ouverte », « individualiste », « séparatiste », « identitaire » ou bien « concordataire » selon les auteurs et les visées !

Pourtant, comme se plait à le rappeler le philosophe Henri Pena-Ruiz, il n’existe qu’une seule laïcité ! (H. PENA-RUIZ, « Dictionnaire amoureux de la Laïcité », Plon, 2016)

Disons-le d’emblée, la laïcité n'est pas un catéchisme porté par de nouveaux inquisiteurs, et la laïcité n'est pas une orthodoxie. Ce n'est pas l'Etat Dieu ! Ce n'est pas l'Etat Église ! C'est précisément l'inverse : ce sont des hommes qui, à travers les mouvements d'émancipation des XVIIème et XVIIIème siècle, ont construit la tolérance, le libre examen, le doute à l'égard de soi-même et en sont l’inspiration.

La laïcité en France est, dès son origine, posée comme un principe, du latin princeps (= qui est premier) qui repose lui-même sur des principes qui sont aussi des valeurs, c’est-à-dire qu’elles valent ce qui doit valoir, à savoir la liberté, l’égalité, conditions de toute émancipation. Des valeurs qui se doivent doit d’être défendues dans les sociétés humaines considérant l’ensemble de ses membres.

Ainsi la laïcité, dans cette essence, permet-elle l’émancipation des personnes, l’émancipation des groupes humains, l’émancipation de la culture, elle autorise la sortie de toute dépendance, de toute tutelle.

Rappelons que la nation française n’est plus d’ordre coutumier ou religieux depuis la Révolution mais éthique, politique et juridique et que ces règles sont les garanties de l’émancipation laïque dans un pays où la diversité de convictions prime avec des croyants, des athées, des agnostiques.

Comment, dans ces conditions, réussir à expliquer la laïcité à ceux dont la matrice reste essentiellement religieuse ou a-religieuse ?

Comment réussir à la faire vivre au quotidien dans des établissements publics (d’enseignement notamment) quand les revendications individuelles deviennent la règle ?

Comment permettre le questionnement rationnel dans le respect des convictions de chacun ?

La laïcité française est le produit d’une histoire……

La France ne s’est pas dotée, par un acte de volonté posé une fois pour toute, d’un modèle parfait d’organisation des relations entre les Eglises et l’Etat dès 1905.

Le principe de laïcité a débuté sa construction en même temps que la première affirmation des droits de l’Homme en France en août 1789 avant d’organiser une société affranchie du religieux avec les décrets du 20 septembre 1792 : installation des registres et officiers d’état civil, mariages et divorces.

Le retour à une sacralisation de l’Etat et de l’organisation sociale imposé par le concordat du 15 juillet 1801 interdit toute émancipation du civil à l’endroit de l’ecclesia.

….officialisée par un socle juridique.

Le principe de laïcité trouve sa consécration dans la séparation des églises et de l’État votée le 9 décembre 1905 après de nombreuses lois préparant les esprits : loi sur la neutralité des cimetières (1881), suppression du catéchisme à l’école et nomination de laïcs enseignants (loi du 30 octobre 1886), autorisation du divorce (loi de juillet 1884) et de liberté de funérailles (1887).

Avec cette loi de séparation des églises et de l’Etat, la laïcité, pourtant jamais citée dans les 44 articles de la loi, se trouve alors dotée d’une définition juridique reposant sur une double incompétence : celle des autorités publiques à intervenir dans le champ du religieux et celle des Eglises à imposer leur conviction dans le champ du politique.

Devenue constitutive des sphères éducatives, économiques et politique, la laïcité traverse trois Républiques françaises de 1875 à nos jours. Consacrée dans les Constitutions de 1946 et de 1958, elle apparaît comme un principe essentiel, indispensable dans l’ordre juridique français. Des auteurs la présentent comme « un mythe fondateur de la République, constitutif de la forme républicaine du gouvernement, un élément de l’identité constitutionnelle de la France qui devrait être hors de toute atteinte » (J. MORANGE, « Le mystère de la laïcité française », RDP, 2013, n° 3, p. 507).

Un consensus existe dans le second XXème siècle sur les relations entre les églises et l’Etat, actant la séparation entre le fait social et le fait religieux. Pourtant la loi n’est que partiellement appliquée pour 4 millions de citoyens habitant les 3 départements d’Alsace-Moselle et les territoires ultra-marins. Ces particularités ont été validées par le Conseil constitutionnel qui considère que toute évolution relève du législateur quand ce dernier souligne la consécration constitutionnelle de ces singularités. Toute évolution semble alors impossible.

Le regain d’intérêt pour les questions de laïcité dans ce début XXIème siècle, notamment chez les forces politiques et sociales peu habituées à y prêter attention, démontre que le débat n’est pas clos et que la laïcité continue d’interroger, principalement dans sa capacité à assurer la gestion d’une société devenue plurielle et multiculturelle.

Depuis lors, de nombreux phénomènes ont suscité des textes ou des réponses jurisprudentielles venant questionner les contours de la laïcité. Qu’il s’agisse de la dissimulation du visage dans l’espace public, des modalités de subventionnement des cultes, de l’installation des crèches de Noël dans des bâtiments et emplacements publics, du port de vêtements ou symboles religieux par des parents accompagnant des sorties scolaires, du port de tenues de baignade inspirées par des convictions religieuses, des demandes à caractère religieux dans les services publics, de la possibilité d’imposer un devoir de neutralité religieuse à des salariés privés d’entreprises privées… Un principe, vieux de plus d’un siècle, que l’on pensait stabilisé, apaisé, semble susciter désormais d’incessantes interrogations. Sa compréhension par le public apparaît également incertaine selon les différents sondages et révèle une double ignorance :

  • L’érosion des connaissances religieuses, de l’histoire des religions, des rites et des pratiques et apparition de nouvelles pratiques religieuses.
  • Une laïcité vue comme un instrument d’exorcisme de tout fait religieux, surtout dans des contextes de replis communautaires.

Que retenir de cette histoire, de sa transcription juridique et de ses questionnements actuels ? Henri Pena-Ruiz se plait à prendre la métaphore de la boussole qui indique une orientation possible à partir de points cardinaux. La laïcité est un principe (= une orientation) qui permet d’unir des personnes différentes en se fondant sur des principes fondamentaux (= points cardinaux) :

  • La liberté de conscience
  • L’égalité de droit pour l’ensemble des convictions
  • L’orientation de la puissance publique vers l’intérêt général

Ils trouvent leur traduction dans d’autres principes dont l’essentialité humaine doit s’imposer :

  • Le premier principe important de la laïcité, rappelle-t-il, est son universalisme c’est-à-dire le souci de ce qui est commun à tous les êtres humains et non pas un différencialisme qui valorise les particularismes.
  • Le second principe, celui de l’émancipation, c’est le principe de sortie de toute dépendance et domination pour apprendre à l’être humain à être un homme libre, maitre de ses pensées. Ce refus de la soumission se justifie par la seule règle qui doit s’imposer : le respect d’autrui.
  • Enfin, le troisième principe de laïcité : le principe de l’intérêt général. La République est dans son rôle quand elle le défend des services publics offerts à tous et non pas dans la défense ou la cession à des intérêts particuliers.

C’est dans cette société devenue plurielle et complexe, que la laïcité constitue un socle et doit pouvoir remplir sa fonction purificatrice permettant à chacun d’être fidèle à ce qu’il est. 




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Synthèse de M. Franck Picaud IA-IPR EVS Académie de Nantes

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