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le retour en classe en éducation prioritaire

comment renouer avec l'École et ne laisser personne au bord du chemin lors du retour en classe

EP retour en classe.jpg

Présentation de points de vigilance ainsi que de pistes didactiques et pédagogiques



Des points de vigilance


# Attention à ne pas engager d’emblée de nouveaux apprentissages


Pourquoi ?  
Les élèves et les enseignants viennent de vivre une situation déroutante du point de vue des repères construits jusqu’ici. Ils ont géré leurs journées suivant des rythmes différents. Des enfants ont apprécié de rester à la maison pour profiter de leur famille où ils se sentaient protégés, d’autres ont hâte de retrouver leurs camarades. Par ailleurs, confinés dans leur maison ou leur appartement, les corps se sont très peu exprimés. Certains, enfin, ont pu être touchés par des drames (proches atteints du Covid, violences familiales).
L’explicitation des codes de cette nouvelle période scolaire est donc indispensable pour que chacun trouve du sens à ce retour. De plus, les émotions sont très liées à la possibilité d’apprendre : il est donc nécessaire qu’elles puissent être exprimées.

Comment ? 
Pour que tous soient à nouveau en mesure d’entrer dans les apprentissages, il s’agit au préalable de favoriser des échanges avec les élèves et entre eux afin que chacun et chacune puisse exprimer son vécu du confinement et du déconfinement. Les groupes restreints doivent permettre de donner la parole à tous. Dans une démarche empathique, l’enseignant veillera à reconnaître les émotions des élèves et les nommer. Ceci permettra de soutenir les enfants et les adolescents dans la gestion de leurs émotions (On peut consulter à cet effet les ressources disponibles sur eduscol lien, notamment la fiche "Écouter et favoriser la parole des élèves").

Des activités peuvent prendre des formes variées
• écrire puis oraliser ;
• dessiner puis présenter son dessin aux autres ;
• associer une émotion à différentes situations ;
• demander à chacun d’identifier ce qui lui a plu, ce qui l’a surpris, ce qu’il n’a pas aimé, ce qui lui a fait peur…

Dans les plus petites classes, quand le vocabulaire des émotions n’est pas encore assimilé, des outils tels que la « roue des émotions » ou « le baromètre des émotions peuvent être utilisés pour aider les élèves à verbaliser leurs ressentis.
Roue des émotions (Plutchik)
 
Voici une illustration mise en place dans le REP+ P. Norange à Saint Nazaire par Élodie Masson, professeure de mathématiques au collège.
Il s'agit d'un livret "Carnet de bord post confinement".
Extrait couverture :
"Ce dossier est donné à chaque élève. Les activités peuvent être proposées soit par un professeur, soit être faites de manière autonome lorsque le travail proposé est terminé.
2 objectifs :
- Faire part de ses ressentis pendant ce temps de confinement
- Mettre en valeur les compétences "extraordinaires" développées"
 
livret   lien de téléchargement d'un fichier     document associé  lien de téléchargement d'un fichier
 
Lors de ces échanges, l’enseignant veillera à proposer une écoute active qui reformule, montre qu’il a entendu et ne prononce pas d’appréciation. Il respecte la sensibilité des élèves et les rassure, tout en maintenant une distance afin de ne pas glisser dans une forme de  contagion émotionnelle.  (Principes de la Communication Non Violente) (Rosenberg, 1999)
Un temps pour annoncer et présenter les activités qui vont être proposées est ménagé. L’objectif est de rendre visible le sens de ce retour à l’école. Il est d’ailleurs possible d’interroger les élèves à ce sujet.
A l’école élémentaire, des conseils coopératifs réguliers sont des moments où les élèves pourront penser à plusieurs autour de sujets qui préoccupent le groupe, liés à la crise sanitaire ou pas.
 

# À l’inverse, il faut veiller à ce que la question du confinement, du déconfinement et des risques sanitaires ne soit pas le seul sujet.

 
Pourquoi ?   Cette question contient une part d’angoisse inévitable. Si elle est incontournable du fait du rôle des émotions dans les apprentissages, il apparaît important de doser le temps qu’on lui consacre, afin que l’École demeure le lieu où l’on apprend.
 
Comment ? Il est donc nécessaire de se coordonner en équipe afin de définir quels temps seront consacrés à cette question et quels temps donneront aux élèves la possibilité de s’échapper intellectuellement  (fiche "Accueillir et dialoguer avec les élèves", au collège, sur eduscol lien) , de retrouver en l’Ecole un lieu sécurisé où l’on apprend et où l’on continue à grandir. Il sera profitable également d’identifier les élèves qui présentent des signes de stress plus prégnants et que l’on pourra diriger vers les personnels compétents.
A l’école élémentaire, un lieu de « repli », un coin adapté dans les classes peut être créé afin que les élèves, lors de difficultés à gérer les nouvelles émotions dues au retour en classe, puissent se retirer du groupe.
 

# Il ne pourra être question de « rattraper le retard ».

 
Pourquoi ?  
Même s’ils ont pu être vécus de manière difficile voire dramatique, ces deux mois constituent une expérience inédite qui contribue à la formation de chacun. Formulé ainsi, l’objectif « rattraper le retard » ne pointe que les manques et les insuffisances au risque de provoquer découragement, dévalorisation et démotivation, au lieu de valoriser ce que cette période a pu apporter.
 
Comment ?
Nous proposerons donc, dans un premier temps, d’interroger  les élèves sur ce qu’ils ont appris, en étant confinés chez eux. Ce temps « métacognitif » peut  permettre à certains élèves de prendre conscience qu’ils ont, d’un côté,  progressé dans leurs apprentissages en autonomie et, d’une autre, développé leur capacité de résilience, c’est-à-dire qu’ils ont développé des capacités pour réussir à traverser cette période et d’autres moyens pour apprendre. Pour les autres élèves, ces échanges favoriseront cette résilience.
Ensuite, il est nécessaire d’aborder chaque nouveau sujet, thème ou notion, en interrogeant les élèves sur ce qu’ils en savent. Cela permet à l’enseignant d’évaluer ce que maîtrise ou ne maîtrise pas chaque élève, comme il pouvait en avoir l’habitude avant le confinement, mais c’est d’autant plus nécessaire après ce temps où les élèves ont évolué à des rythmes différents, ont profité inégalement des ressources mises à disposition par le professeur, et, pour certains, ont intériorisé ce sentiment de « retard » (dans les réseaux où un questionnaire a été proposé aux élèves sur leur ressenti pendant le confinement, plusieurs pensent qu’ils vont « redoubler »). Il est donc essentiel de les sécuriser en les aidant à remobiliser ce qu’ils savent. Dans cette perspective, il est possible par exemple de proposer des activités de réappropriation (des textes déjà lus avant le confinement, des notions déjà abordées…)
Pour aborder ces nouveaux thèmes, d’après Jean-Pierre Astolfi (Astolfi, 1997), il peut s’avérer aussi nécessaire d’opérer des choix dans ce qui n’a pas encore été vu. La notion de «  contenu-noyau » peut nous y aider.  «  Un « contenu-noyau » (ou notion-noyau) est reconnaissable par l’obstacle intellectuel qu’il contient. C’est cet obstacle qui en fait une non-évidence et qui justifie que l’école y accorde un statut d’importance spécifique. Par exemple, en histoire, les contenus-noyaux sont relatifs à une période précise, autour d’objets ou d’enjeux prêtant à la critique et la réflexion. »  (Connac, 2020)
Une réflexion en conseil de cycle est assurément à mener pour définir ces apprentissages prioritaires.
Enfin, des séquences brèves sont à privilégier pour s’adapter à la temporalité particulière de ce retour à l’école. 
 

# Il faudra nécessairement tenir compte du fait que les élèves ont appris différemment pendant le confinement.

 
Pourquoi ?
Durant cette période, des élèves, en particulier les plus fragiles et les plus pauvres, se  sont progressivement éloignés de l’école. D’autres ont appris, seuls devant leurs outils numériques. D’autres encore ont été accompagnés, de manière plus personnelle ou en petits groupes, par leurs parents et/ou leurs enseignants. Les élèves ont alors été moins présents pour faire groupe et l’objectif d’apprendre ensemble s’est souvent transformé en apprentissages individuels. Le retour au  collectif peut être alors complexe pour certains élèves qui ont besoin du rapport individuel avec l’enseignant pour progresser ou pour ceux qui ont gagné en autonomie, en apprenant seuls à leur rythme.
 
Comment ?
Il est nécessaire, de retour en classe, de recréer la notion de groupe et de miser sur « cette reprise de relations à proximité qui va libérer toute une série d’empêchements et autoriser à nouveau à enseigner avec plus de chances de voir les élèves apprendre » (Connac, 2020). Comme le propose Sylvain Connac, les réflexions se feront, dans un premier temps, de manière individuelle, puis le coopératif, en petits groupes, sera sollicité.  Pour respecter les gestes barrière, les élèves pourront avoir une ardoise à usage personnel et se présenter ainsi mutuellement, à distance,  les réponses qu’ils auront apportées. Des échanges s’en suivront. A la fin, l’enseignant reprendra la main de manière collective afin de continuer à « alimenter le doute et l’incertitude dans les esprits » (Ibid.) et quand ces questionnements seront suffisamment installés, il présentera les savoirs utiles pour la résolution des situations problèmes.
 

# Le contexte particulier impose de revoir la place de l’évaluation dans son enseignement.

 
Pourquoi ?  
Sujet central pour tous les acteurs de l’école (élèves, enseignants, parents), l’évaluation est un point de vigilance majeur dans cette période. En effet, tout comme il ne saurait être question de « rattraper le retard », il n’est pas possible de pratiquer les évaluations sommatives telles qu’elles étaient pratiquées avant le confinement. Tout d’abord, puisque tous les élèves ne sont pas présents, on ne peut pratiquer une évaluation certificative ou sommative qui vise à orienter les décisions de progression dans le cursus scolaire. Ensuite, dans le contexte actuel, l’objectif est avant tout de rendre possible les apprentissages. L’évaluation est pratiquée dès lors dans le but de favoriser ces apprentissages (évaluation diagnostique et évaluation formative). 
 
Comment ?
C’est donc les formes d’évaluation qui permettent à l’enseignant de piloter les apprentissages qui sont recommandées. Il s’agit de repérer les besoins des élèves, d’analyser leurs erreurs de manière à leur proposer des situations fructueuses pour les apprentissages de chacun. On peut considérer cette période de retour à l’école comme un moment inédit où les élèves ne sont pas là pour obtenir des « notes », des « évaluations du niveau de maitrise des compétences », un passage dans la classe supérieure, mais uniquement pour apprendre.


Des pistes didactiques et pédagogiques

 

# Pour renouer les liens et retrouver le groupe :

♦ Favoriser les échanges : entre élèves et enseignants ; entre élèves – donner la parole à chacun – faire réagir les élèves entre eux - rituels de circulation de la parole (celui qui parle dit quand son propos est fini et distribue la parole ou rôles de régulation de la parole tenus par les élèves). Mise en place de conseils coopératifs à l’école élémentaire.

♦ Installer une correspondance entre les deux moitiés de classe ou entre les élèves présents à l’école et les élèves à distance : récits ; construction de jeux, d’énigmes ; consignes de construction d’une figure géométrique ; enregistrement d’exposés ; journal d’apprentissages complété tour à tour par les uns et les autres…

♦ Reprendre les rituels mis en place avant le confinement qui vous semblent pertinents.
• Rituels de retour au calme ou de méditation après les temps de récréation ou de travail,
• 1/4 d’heure lecture ;
• 3Mots2Questions1Phrase [Les élèves sont invités à écrire 3 mots, 2 questions et 1 phrase pour résumer la séance précédente. Ce travail est suivi d’un échange oral] ;
• quizz de début d’heure ;
• chaîne de vocabulaire [Les élèves doivent, à tour de rôle, proposer un mot à partir du thème lancé (ex : les couleurs), le but étant de ne pas laisser la chaîne s’interrompre.]  ,
• teacher assistant
• ...

♦ Développer des projets de classe en arts visuels, en écriture (poésie, ..), 

♦ Dans les écoles élémentaires, faire vivre aux élèves des jeux sportifs coopératifs, tout en respectant les gestes barrière de distanciation physique, afin de faire vivre des moments de plaisir à plusieurs, d’affermir des liens de confiance entre eux et de se réapproprier leur corps. Par exemple le jeu de « La cache » adapté au contexte des gestes barrières. Son principe (hors contexte) : « un élève dissimule secrètement un petit objet dans la classe. Le groupe doit ensuite lui poser des questions (il ne peut répondre que par oui ou par non) pour retrouver son emplacement. Quand quelqu’un pense avoir trouvé la cache, il se lève et vérifie. S’il a tort, le groupe poursuit les questions, s’il a raison, le nombre de questions qu’il a posées établit un record pour la classe, à battre par la suite » (Connac, 2020).

Voici une adaptation de ce jeu au contexte des gestes barrières : au lieu de cacher un petit objet dans la classe, il est possible de faire deviner de même une notion, un événement, un document … vu pendant la période de distanciel. Cela permettra à l'enseignant de revenir sur les apprentissages faits pendant cette période pour ceux qui ont pu le suivre comme pour ceux qui n'ont pas pu le faire, tout en recréant un collectif.
 

# Pour favoriser l’adhésion réflexive des élèves :

♦ Initier chaque nouvelle leçon par un temps où chaque élève convoque ce qu’il sait du sujet.
• brainstorming –
• formuler deux questions –
• verbalisation
• …
 
 
♦ Varier les thèmes, les supports et les modalités de travail
• groupes de compétences,
 • groupes de besoins.
 
♦ Proposer des situations-problèmes ou expliciter l’objectif de la séance.

♦ Clore la séance par une phase récapitulative :

• Qu’est-ce que j’ai appris aujourd’hui ?
 • Qu’est-ce que je retiens ? (d’abord à l’écrit puis à l’oral ; oral improvisé à tour de rôle ; enregistrement d’un élève pour diffusion à la séance suivante ; journal des apprentissages…)
 

♦ S’engager corporellement lors des échanges avec les élèves parce que « masquer le visage des enseignants  aura pour conséquence de dépouiller le message d’éléments d’informations qui sont tous, dans leur imbrication les uns avec les autres, indispensables pour une perception globale du message, des conditions de son énonciation aux émotions qui s’y rattachent. » (Abou Haidar, 2020).
Alors, amplifier les mouvements du corps envers les élèves, tout en respectant la distanciation, intensifier les connexions avec les regards et moduler, jouer avec la voix sont des facteurs indispensables pour appréhender cette nouvelle contrainte.
 

# Doter les élèves d’habitudes pour travailler en autonomie

« Cette autonomie que certains élèves ont déjà commencé à développer qui impliquait le travail à la maison, cette autonomie qui parfois fait défaut dans un groupe scolaire au collectif pour penser l’enseignement avec de nouvelles normes » (Develay, 2020)

♦ Proposer une partie des séances où les élèves lisent seuls les consignes et s’organisent. Faire verbaliser les stratégies, les comparer.

♦ Initier les élèves à l’autoévaluation :
• exercices corrigés,
• liste critériée pour une production,
• production individuelle de flash-cards sur la leçon…
 
♦ Enseigner l’organisation matérielle, la planification des tâches, la sélection des outils, la méthodologie.

♦ Prendre en compte les compétences et connaissances disciplinaires avec les compétences socio-émotionnelles des élèves, telles que la créativité, la coopération, l’esprit critique, la gestion de ses émotions, l’empathie pour les autres, l’estime de soi et la capacité de résilience. (Develay, 2020)

 

Bibliographie

 
ABOU HAIDAR, L. (2020). Enseigner avec un visage masqué : un défi ?. Université de Grenoble. En ligne https://theconversation.com/enseigner-avec-un-visage-masque-un-defi-137728 consulté le 12 mai 2020
ASTOLFI, J-P. (1997). L’erreur, un outil pour enseigner. ESF éditeur
CONNAC, S. (2020). Une pédagogie coopérative sans contact ?.  Cahiers pédagogiques. En ligne https://www.cahiers-pedagogiques.com/Une-pedagogie-cooperative-sans-contact , consulté le 10 mai 2020
DEVELAY, M. (2020). L’Ecole d’après. Café Pédagogique, L’Expresso. En ligne http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/05/07052020Article637244341477443704.aspx  consulté le 7 mai 2020
ROSENBERG, M. (1999). Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Éd. La découverte (Principes de la Communication Non Violente)


Propositions de lecture pour aller plus loin


# Ressources disponibles sur eduscol pour la continuité pédagogique


# Articles et fiches de lectures
CHARMEUX, E. (2020). En classe, comment mettre en place le déconfinement ?. « Éducation, école et pédagogie » in Le Blog de l'amie scolaire : questions de profs.
fiche de lecture lien de téléchargement d'un fichier
 
CONNAC, S. (2020). Une pédagogie coopérative sans contact ?.  Cahiers pédagogiques. En ligne https://www.cahiers-pedagogiques.com/Une-pedagogie-cooperative-sans-contact , consulté le 10 mai 2020
fiche de lecture lien de téléchargement d'un fichier

REYNAUD, L. DELARGE, R. (2020). Le témoignage : un support de travail de la pensée créatrice et des compétences émotionnelles qui s’enracine dans le vécu des élèves. Académie de Créteil, Sciences de la vie et de la terre. En ligne http://svt.ac-creteil.fr/?LE-TEMOIGNAGE-un-support-de-travail-de-la-pensee-creatrice-et-des-competences), consulté le 01/05/2020
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TISSERON, S. (2020).  L’urgence va être de recréer du lien. Actualités sociales hebdomadaires, article de B. Bègue. En ligne https://www.ash.tm.fr/racine/societe/serge-tisseron-lurgence-va-etre-de-recreer-du-lien-551897.php, consulté le 07/05/2020
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# Quelques ouvrages
FAVRE, D. (2010). Cessons de démotiver les élèves. Dunod
MARQUER, S. PILARD, P. (2017). Évaluer au collège. Canopé éditions
 

Sophie Chevalier-Molinier,
Gwénaëlle Michel,
Sophie Rousseau-Grousson,
Geneviève Vaz
Formatrices Académiques pour l’Éducation Prioritaire
 
 
 

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