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décider et détruire, histoire de la « Solution finale »

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Compte rendu d'une conférence donnée par Tal Bruttmann, historien, chercheur associé à l'EHESS

Conférence du 5 mars 2015, à l'occasion d'un séminaire sur l'enseignement de la Shoah organisé par le Mémorial de la Shoah.


Tal Bruttmann introduit son exposé par les problèmes de représentations que pose l’histoire de la Solution finale. Le sujet est souvent mal traité car on réduit son étude à la Seconde Guerre mondiale. Or, il est au contraire nécessaire de traiter l’histoire de la Solution finale dans une chronologie plus longue que celle de l’unique Seconde Guerre mondiale. Il faut l’ancrer dans l’histoire nazie, allemande et européenne.
Il rappelle également que le nazisme n’existe que sur l’antisémitisme. Il s’agit d’une lutte pour la domination mondiale des Aryens, la race pure, face aux Juifs, les impurs. Les Nazis distinguent les Juifs, qu’ils ne considèrent pas comme des êtres humains, des sous humanités, comme les Slaves, qu’ils se limitent à réduire en esclavage.
Le terme de « Solution finale » a évolué dans l’esprit des Nazis. Il n’y a pas eu une politique d’extermination décidée dès le début, mais on distingue quatre périodes dans sa mise en oeuvre.


1 - De 1933, avec la prise du pouvoir nazi, à septembre 1939 : combattre les Juifs pour s’en débarrasser.


Les Nazis ont la volonté de reconstituer la Grande Allemagne, le Lebensraum nécessaire au peuple allemand. Or, 500 000 Juifs vivent en Allemagne. Il faut s’en débarrasser en leur rendant la vie impossible.
Commencent alors les dépossessions, les violences législatives et physiques des SA, le boycott ou guerre économique, élément essentiel de ces mesures anti-juives. L’effet recherché est d’isoler les Juifs au sein de la société allemande. Il conduit à l’émigration massive des Juifs allemands. On considère que 250000 Juifs ont émigré en 1939. Mais les frontières se ferment progressivement, seule la France continue d’accueillir les Juifs étrangers.
Les Juifs qui restent en Allemagne se retrouvent isolés. La vie en autarcie et la violence subie deviennent de plus en plus difficile. Beaucoup quittent leurs petits villages pour se rassembler à Berlin dont la population passe alors de 150 000 à 200 000 Juifs. Ils pensent encore qu’ils pourront ainsi mieux faire face à cette violence qui reste plutôt sociale que physique à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
L’année 1938 marque un premier tournant. L’Anschluss intègre en effet au Reich 250 000 Juifs autrichiens et ruine ainsi le succès de l’émigration des Juifs allemands. Tout est à recommencer ! Il en va de même avec l’intégration des Sudètes quelques mois plus tard, et plus encore avec l’invasion de la Pologne en 1939.


2 - De septembre 1939 à l’été 1941 : des politiques à différentes échelles


Avec la campagne de Pologne ce sont 2 millions de Juifs supplémentaires qu’il faut intégrer dont une grande partie dans le Reich. La conquête à l’ouest de l’Europe entraîne l’absorption de 500 000 nouveaux Juifs. En tout, en 1940 ce sont 3 millions de Juifs qui se retrouvent sous le contrôle du Reich.
Cette hausse a pour effet un accroissement de l’antisémitisme au sein de la population allemande. Les Nazis n’organisent pas encore de politique centralisée à l’égard des Juifs mais des politiques à différentes échelles :

- expulsion. C’est le cas par exemple des Juifs du pays de Bade et des Juifs alsaciens expulsés vers la zone libre en France. Ou bien des Juifs du Gouvernement Général polonais vers la partie de la Pologne annexée par l’URSS ;

- déportation. Le plan Nisko, initié par Eichmann, prévoit de déporter des Juifs vers le village de Nisko dans le Gouvernement Général de Pologne. Mais l’opération est mal pensée et vite abandonnée, les Juifs rentrent chez eux fin 1939. Le plan Madagascar, lui aussi à l’initiative d’Eichmann, vise à envoyer des Juifs à Madagascar, colonie française dominée par l’Allemagne. Cette idée avait déjà été développée dans les milieux antisémites dans les années 1920/1930. Mais l’Allemagne ne contrôle pas les mers et l’idée est abandonnée.

- ghettoïsation. Dans l’ancien territoire polonais, c’est à l’initiative de maires que l’on regroupe des Juifs dans un quartier. Mais il existe plusieurs types de ghettos. Le plus grand et le plus terrible est celui de Varsovie où sont regroupés 400 000 Juifs dont 100 000 y trouvent la mort. Ailleurs les ghettos ne sont pas tous fermés, la population juive n’y est pas toujours affamée (ghettos de Riga, Lodz). L’Etat ne coordonne pas ces politiques de ghettoïsation menées à l’échelle locale.

- travail forcé. L’organisation Schmelt par exemple développe des camps de travaux forcés pour les Juifs en Silésie pour construire des routes, des centrales électriques, des usines de munitions.



3 - De l’été 1941 à la fin de l’année 1941 : le cadre violent de l’opération Barbarossa


L’opération Barbarossa d’invasion de l’URSS est conçue comme une guerre d’anéantissement. Les Nazis pensent en effet que l’affrontement contre les Soviétiques se soldera par la victoire de l’un ou de l’autre. Si l’Allemagne perd, alors elle disparaîtra. Il faut donc détruire l’URSS avant qu’elle ne détruise l’Allemagne ! Les Nazis croient au succès rapide de l’opération Barbarossa, comme pour les campagnes précédentes, d’autant qu’ils considèrent que le régime soviétique est gangréné par les Juifs.
Le cadre de violence de cette opération est donc très élevé, il s’appuie sur une série d’ordres :
- les Einsatgruppen ont pour mission de se saisir des opposants aux Nazis. Ils ont été formés dès l’Anschluss et comptent 1000 hommes par unité, des policiers et des SS. Leur degré de violence va augmenter à chaque invasion ;
- les soldats allemands ont la permission de tuer, piller, violer tant qu’ils ne mettent pas en cause la sécurité allemande. Ils peuvent tuer notamment tous les partisans, les Juifs, les membres du PC qui seraient une menace.

Le début de l’opération Barbarossa est un succès mais les combats sont très violents, plus qu’attendu, et la résistance soviétique est farouche. Les Allemands doivent faire face à une véritable guerre de position, de tranchée. Il y a plus de pertes côté allemand en un mois durant l’été 1941 que durant toutes les campagnes précédentes. La perception de la guerre en est définitivement transformée. Cette résistance inattendue confirme que le judéo-communisme est bien le pire danger pour l’Allemagne nazie.
Dès lors, la violence des Einsatzgruppen décuple, ils vont faire des milliers de victimes, surtout juives : des hommes jeunes durant le mois de juillet 1941, puis des femmes début août et enfin des enfants à la mi-août. C’est le début de la politique systématique d’assassinat des Juifs. Himmler a fait la tournée des troupes en 1941. Après son passage, les massacres se généralisent, le pouvoir central a compris que les Hommes sont prêts à passer à l’oeuvre. De la mi-août 1941 à la fin de l’année ce sont 700 000 Juifs soviétiques qui sont assassinés.

En même temps, d’autres politiques d’assassinat se mettent en place dans les territoires contrôlés par les Allemands. Par exemples :
- la Wehrmacht décide d’assassiner tous les hommes juifs en Serbie ;
- dans le Gouvernement général et en Silésie, le pouvoir local fait déporter les Juifs vers les ghettos installés dans leurs territoires, sous couvert du pouvoir central. Mais les autorités locales demandent bientôt à se débarrasser des Juifs inadaptés au travail. Le pouvoir central l’accorde et décide de la création des centres de mise à mort de Belzec et Chelmno où le gazage, précédemment testé lors de l’opération T4, est recommandé ;
- en Haute Silésie, l’opération Schmelt veut elle aussi se débarrasser des Juifs inaptes. Ceux-ci sont alors envoyés vers une chambre à gaz construite à côté du KZ d’Auschwitz.


4 - De la fin 1941 au début 1942 : le tournant


Le passage bien connu à l’assassinat systématique est lié à un événement lointain : Pearl Harbor.
Tous les chefs nazis sont des anciens de la guerre 14-18. Pour eux, l’entré en guerre des Etats-Unis en 1917 a été pour beaucoup dans la défaite. L’entrée en guerre des États-Unis à la fin 1941 après l’attaque de Pearl Harbor fait donc très peur aux Nazis. Ils accusent les boursiers juifs de Wall Street d’avoir poussé à la guerre. Donc pour gagner la guerre, il faut tuer tous les Juifs. De là la détermination des Nazis à mettre en oeuvre l’assassinat systématique des Juifs.
Mais les Allemands ne peuvent pas régler le problème juif partout de la même façon. Il y a donc une chronologie différente selon les territoires.
Deux méthodes d’assassinat sont mises en place :
- les groupes mobiles de tuerie qui vont oeuvrer de l’été 1941 au printemps 1945. Ils assassinent les Juifs où ils sont. Mais les problèmes logistiques sont importants ;
- les centres de mise à mort où convergent les Juifs posant ainsi moins de problèmes logistiques. Il y en a une quinzaine en tout de Riga à Babi Yar et de Chelmno à Belgrade.



 
A lire :
Auschwitz, Tal Bruttmann, La Découverte, janvier 2015

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Anne Docteur, collège Lucien Millet, Doué-la-Fontaine
 

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