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la diffusion des thèses complotistes sur internet

conférence de Tristant Mendès-France, chargé de cours à l'Université Paris III, formation Shoah des 9, 10 et 11 janvier 2017 au lycée Bergson à Angers

mémorial shoah

Tristan MENDES-FRANCE aborde la place des nouveaux médias et leur rôle dans la diffusion des thèses complotistes, puis présente quelques pistes pour les contrer, notamment au travers de l'enseignement.

Les nouveaux usages numériques et le conspirationnisme sont deux problématiques qui passionnent l'auteur de la conférence.

• Plateformes pour les jeunes (et non pour les professeurs ici présents !)


Chacun a SON Facebook, en fonction de la communauté à laquelle il appartient. Cela génère des conflits avec la parole instituée, celle des professeurs qui est mise en concurrence avec d'autres. On observe un ultralibéralisme des voix (celle du professeur n'est que l'une d'elles, et pas forcément la plus importante). Ne pas oublier la forte charge affective du smartphone à travers lequel ses réseaux sociaux sont consommés.

Aux Etats-Unis, 60% des gens accèdent à l'information par les réseaux sociaux qui deviennent de fait un nouvel intermédiaire entre les médias, l'information et nous, sauf que ces réseaux ne sont pas neutres et constituent des filtres. Les jeunes en construction sont en quête d'informations. Le problème des réseaux sociaux, c'est qu'ils fonctionnent notamment avec des algorithmes. Cela renforce, accentue les opinions, écarte les contradictions et les antidotes possibles, et contribue à la formation de communautés parfois très fermées.

=> Un nouvel écosystème s'est mis en place, devenu un problème majeur pour les professeurs, qui restent un des derniers remparts restants.

• Réseaux sociaux = nouvelle jeunesse pour le conspirationnisme


On observe un vrai renouveau des théories conspirationnistes, du fait des réseaux sociaux. Pourquoi ? - Plus facile d'avoir des positions fantaisistes en groupe que seul (exemple des terre-platistes : si l'on est plusieurs, c'est que l'on n'est pas fou). Et ses réseaux sociaux permettent justement ce regroupement.

Les réseaux sociaux rebattent les cartes des jeux d'influence internationaux. On a la possibilité d'accéder aux comptes Twitter les plus divers, provenant de la dictature syrienne ou du guide iranien Khamenei. Tous ceux qui ont une propagande à promouvoir l’ont bien compris. D’où qu’ils proviennent sur le globe. Plus grave, cette propagande est souvent formatée pour plaire aux jeunes.

Exemple actuel : RussiaToday (RT), un organe de propagande russe créé en 2005, par un proche de Poutine. 1,8 milliard de vues sur cette chaîne en anglais sur Youtube, beaucoup plus que CNN. Une résolution de l'UE a même été voté pour condamner RT et Sputnik, une agence de presse russe de même nature. Une ouverture prochaine d'une version française est attendue.
C'est un jeu inégal : nous sommes une démocratie ouverte, alors que la Russie ne l’est pas. RT se présente comme une information alternative au « système » (qui n'existe pas). La « fachosphère » profite aussi de cet écosystème pour sa propagande (rappel : le Front National = premier parti à avoir eu un site web et est très au fait des nouveaux usages en ligne). Un de leurs arguments de propagande repose sur l'idée que les médias sont tenus par l’ennemi.

- Particularités de la diffusion de ces propagandes en ligne :

- Exemple de « Pepe The Frog », personnage de BD créé en 2005. Petit succès d'estime sans plus. Personnage repris par des forums (4chan, le « ça » du web, où tout peut s'exprimer), devenu un « mème » (avec un accent grave, selon un terme anglais inventé par un biologiste) c'est-à-dire un élément de culture qui se transmet de cerveau à cerveau comme les marqueurs génétiques. Le « mème » peut évoluer, et être repris, répandu, transformé. A partir de 2009, ce personnage inoffensif est devenu toxique, à cause de son utilisation par l’Alt-Right américaine (ultra-droite américaine) qu ilui a associé des valeurs racistes et antisémites. L’objectif de ce mème : faire élire Trump. Le personnage est devenu tellement toxique que la ligue américaine contre la diffamation et le racisme s'en est émue et la qualifié de symbole de haine au même titre que la croix gammée. Ce qui n’a pas empêché Trump de tweeter pepethefrog à ses seize millions d'abonnés.
L'extrême-droite française associe aujourd'hui Marine Le Pen à Pepe The Frog. Il y a quelques jours, Pepe The Frog a été relayé par l'ambassade russe à Londres. Le personnage en ligne est devenu une modalité inattendue de la diffusion de propagandes haineuses.

Conséquences :

Société post-factuelle (ce qui est vrai pour moi est ce que je ressens comme vrai : j'ai froid = pas de réchauffement climatique, version Trump). Les réseaux sociaux alimentent cette dérive. On peut facilement s'enfermer et de bonne foi dans ces bulles filtrantes où l’on ne côtoie que ceux qui pensent comme nous. Cf post-truth.

Si chacun se fait son histoire (sur le 11 septembre, etc.), il n’y a plus vraiment d'histoire en commun. Comment faire société dans ce cas ?

Les propagateurs de fausses informations font semblant de faire appel à l'intelligence du spectateur qu'on laisse juger par lui-même (« Vois par toi-même et fais-toi ta propre idée », images à l'appui). Il est difficile de faire sortir quelqu’un de sa bulle. Encore plus d’y pénétrer pour lui opposer une contradiction.

• Pistes pour contrer ces évolutions :


- Faire inventer des théories fantaisistes aux élèves, pour montrer combien cela est facile. Leur proposer de les défendre.

-  En cas de confrontation avec un élève avançant une fausse info, chercher une autre information provenant de la même source mais totalement absurde (si elle existe) et le confronter à cette autre info. Quelques sources : conspiracywatch.info le decodex du Monde. => Pas de solution miracle, ni de parade toute faite, face un écosystème tout à fait particulier.

Questions et remarques diverses :

– Constat de la montée des idées conspirationnistes par quelques enseignants.

– D'autres ont pointé un discours un brin exagéré (ce dont l'auteur de la conférence a convenu, car il s'agissait aussi de nous mettre en garde en forçant un peu le trait), et s'attaquant peu aux causes profondes du phénomène, qui demeure inquiétant au demeurant (décalage générationnel aussi).

Prise de notes assurée par Philippe Lebas, Lycée David d'Angers, Angers
 

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