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les ressources des Arch. dép. de Vendée : 2 - les lettres de Alex Auvinet

mis à jour le 02/11/2007


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Les dernières lettres d'Alex Auvinet : "L'ouvrier ajusteur devenu Franc-Tireur Partisan.". Ce dossier peut accompagner l'étude de la dernière lettre du résistant Guy Môquet.

mots clés : Guy Môquet, Résistance, Archives, Vendée, histoire, mémoire, commémoration


Le jeudi 27 mai 1943, dans sa prison du Mans, Alex Auvinet écrit 3 lettres. Dont l'une à sa mère.

Ces documents dégagent une certaine " froideur " devant la perspective de la mort. La dimension politique de ce jeune militant communiste de Montaigu, semble l'emporter sur l'émotion véhiculée par ce dernier lien avec ses proches.
- Il est question de la réalisation prochaine du communisme en France.
- De règlement de compte avec les dénonciateurs.
- D'attachement patriotique à la France.

Alex Auvinet représente une part de la Résistance : la Résistance armée, violente contre l'ennemi. Les " terroristes " ce sont ces militants ouvriers qui n'échappent pas à la dimension idéologique et brutale de la guerre totale.
Son parcours est atypique dans cette vendée du bocage. Une biographie rapide accompagne les lettres et permet d'éclairer son itinéraire. Il  débute dans l'ambiance républicaine et laïque des milieux ouvriers de la région de Montaigu. Il ne faut pas aussi négliger le souvenir de la première guerre mondiale qui a profondément marqué une génération qui déteste " des boches ".

 Intérêt et objectifs du travail sur les documents.

L'étude de l'itinéraire personnel d'un résistant. Le parallèle avec le contexte général de la guerre. La réaction face à la mort, puisqu'elle est  assez différente de celle de Guy MOQUET par sa distanciation et son pragmatisme.
 
Rapide biographie. Pour donner du sens aux lettres.

" L'ouvrier ajusteur devenu Franc Tireur Partisan. "

L'auteur des lettres naît à Montaigu en février 1921, dans un milieu très modeste. Il devient ouvrier ajusteur à 13 ans. Il mûrit dans l'ambiance républicaine et laïque des milieux ouvriers de la région de Montaigu. Il ne faut pas aussi négliger le souvenir de la première Guerre mondiale qui a profondément marqué sa famille. L'occupation allemande réactive dans une partie de cette génération la détestation " les boches ".
En 1937, Alex Auvinet s'installe à Nantes dans l'espoir de trouver un travail mieux rémunéré. Le soutien des milieux de gauche aux républicains espagnols et la mobilisation syndicale de la fin des années 30 sont deux éléments qui influencent le jeune homme.
A la déclaration de guerre, il n'est pas mobilisable à cause de son âge et des nécessités de la production industrielle. Les Allemands entrent dans Nantes le 19 juin et la Résistance prend forme assez rapidement dans les milieux ouvriers, avec des distributions de tracts, des sabotages de productions, des retards dans le travail et certains  vont plus loin avec la récupération d'armes qui sont appelées à servir contre l'occupant. Ces ouvriers sont souvent communistes, et malgré le pacte de non-agression, ils organisent une cellule de Résistance. L'attaque de l'URSS par les forces du Reich donne une plus grande ampleur encore aux actions des Francs-Tireurs. Ainsi ils éliminent le commandant de la place de Nantes, le colonel Hotz.
Dans l'été 1942 le jeune Alex entre dans l'action militante. Les réquisitions d'ouvriers en novembre augmentent les tensions. Alex est requis pour le STO et le 13 octobre 1942 il entre dans la clandestinité.
Les tentatives des Gaullistes pour unifier la Résistance autour de valeurs et d'actions essentiellement patriotiques et militaires ont peu de résultats dans les milieux des FTP. Alex Auvinet et ses camarades conservent leurs convictions patriotiques et communistes jusqu'au bout.
Dans la clandestinité, Alex Auvinet évite les contacts avec sa famille pour échapper aux représailles. Les FTP subissent de nombreuses arrestations à Nantes, mais il y  échappe provisoirement et c'est au Mans qu'il trouve refuge. Il y est arrêté la 5 mars 1943 et interné avec d'autres camarades à la prison du Vert galant, au centre de la ville.
Les autorités allemandes avaient prescrit d'infliger la peine capitale à ceux qui se livraient à des opérations de sabotage. L'exécution a lieu le 1er juin 1943. Le 27 mai 1943 Alex  Auvinet écrit trois lettres. Dans ces lettres il montre son attachement au communisme. Mais chaque lettre a aussi une tonalité particulière.
Il semble vouloir épargner sa mère en assumant assez froidement ses actes et en lui promettant que son parti s'imposera et prendra soin d'elle. Il désigne son oncle comme celui qui doit régler son héritage. Dans cet héritage il y a entre autre les " comptes à régler " avec des collaborateurs. La dernière lettre aux amis à une tonalité plus personnelle sans doute, mais elle s'estompe vite devant l'engagement idéologique.
Le 23 mai 1945 Gaby Ripoche, son oncle, écrit à sa sœur que " Alex est vengé ". James Rogier, désigné par le condamné dans l'une de ses lettres, est exécuté à Nantes après avoir tenté de se mêler aux Forces Françaises de l'Intérieur. L'oncle mentionne " ...qu'il a refusé de se faire bander les yeux et a eu le culot de crier " vive la France " après avoir vendu ceux qui l'ont sauvée ... ".

Après la guerre, la mère d'Alex Auvinet ne recevra jamais aucune aide. M. Martin, qui va régulièrement sur la tombe, précise que " les première années il y eu des fleurs ensuite j'ai vu que personne ne s'en occupait... " La tombe a été rénovée et une nouvelle plaque a été déposée avec la mention : " mort pour la France ".

Source : Montaigu traversé par la résistance.
A. COUTAUD. Dans "les Vendéens dans la seconde guerre mondiale."
 
Le jeudi 27 mai, Alex Auvinet, dans sa prison du Mans, écrit trois lettres.


À sa mère :

" Chère maman, je viens ici te causer une grande peine en t'annonçant que je vais être fusillé demain, mais tu peux au contraire être fière de ton fils qui tombe sous les balles fascistes, c'est-à-dire sous les balles des capitalistes. (Il parle ensuite de son adhésion au parti communiste et aux FTP) j'ai fait de mon mieux, mais malheureusement je me suis fait prendre trop vite le 5 mars au Mans, après avoir été dénoncé par un camarade, et je viens d'être condamné par le tribunal allemand à la peine de mort, avec treize camarades. Ceci ne me fait pas de peine de mourir, et console-toi maman chérie en te disant que c'est pour la bonne cause, pour délivrer la genre humain, que notre sang va couler. Tu pourras marcher la tête haute en parlant de ton fils, et si après la guerre notre Parti communiste vient au pouvoir, il sera fait quelque chose pour vous. Tu verras ça en prenant le journal L'Humanité qui reparaîtra. Aussi courage petite mère, tu embrasseras bien ma grande sœur et Robert ainsi que leur petite Michelle. Qu'ils en fassent une petite fille instruite et intelligente. Je n'avais que sa photo et celle de mon bon papa dans mes affaires pour ma rappeler ma famille, mais cela m'a été d'un grand réconfort. J'ai fait un paquet de mes affaires, que j'ai fait adresser à gaby. Il y a mon portefeuille, ma montre et différentes choses. Gaby te les fera parvenir. Comme je l'ai dit à Gaby, je serai probablement enterré dans la région du Mans. Si après la guerre il est possible de ma faire transporter à Montaigu sans occasionner trop de frais, cela me ferait bien plaisir. Voila la nuit qui entre dans ma cellule et je n'y vois plus. Il est pourtant 7 heures. Dans 12 heures, je ne serai probablement plus de ce monde, mais je ne regrette rien à la vie si ce n'est vous tous que j'aime et que j'embrasse bien fort, ma petite sœur, Robert, Michelle, et toi maman chérie je meurs pour que vive la France. ..Vive le parti communiste, Vive la France, Vive l'URSS. "


À son oncle Gaby de Rezé :

" Conserve cette lettre comme une pièce à conviction...mon cher oncle, tante et cousine, voici la sentence prononcée : treize inculpés, treize condamnés à mort, il ne fallait guère attendre moins. Je crois que nous allons être fusillés demain ou samedi. J'ai fait un paquet avec ma gabardine, mon costume, ma paire de brodequins, mon portefeuille vide, mais j'ai déposé deux mille neuf cent dix francs aux Allemands, qui les feront probablement parvenir. Il y a aussi ma montre. Je te fais adresser tout ça à toi, tu prendras ce qui t'ira, le reste devrait aller au mari d'Odette qui est à peu près de ma taille....Je ne sais pas où l'on va être enterré, mais probablement au Mans ou aux environs ; enfin l'on te préviendra, et si par la suite je peux être amené à Montaigu, cela me fera plaisir ; enterrement sans prêtre évidement. Tu pourras me reconnaître à ma chevalière en acier " inox "que j'ai au petit doigt de la main gauche et à mes dents en acier également...j'ai également déposé trois mille francs chez René Boudazin, qui tient un café sur la route des Sorinières après Ragon...voila pour mes affaires . Maintenant, pour la vengeance  qui je l'espère arrivera un jour, voici des noms qu'il ne faudra pas oublier : un nommé Louvreau employé SNCF, né au Mans, James Rogier de Bar-le-Duc, le fameux type qui s'était soi-disant évadé de la prison de Nantes en février, un ancien camarade qui n'était autre q'un policier et qui m'a donné à la police. J'ai été arrêté par la brigade mobile d'Angers par des policiers...tous des salauds, tout ceci tu n'auras qu'à le rapporter en partie après la guerre pour le règlement des comptes. Je mets dans la lettre deux autres lettres, une pour maman, une pour M. et Mme Martin de Montaigu...si après la guerre il y a des œuvres ou des secours pour les parents de francs-tireurs tombés pendant la guerre , tu voudras bien t'en occuper pour maman, tout cela paraîtra dans L'Humanité et tu me rappelleras au parti comme le franc-tireur Auvinet qui a lutté depuis le 13 octobre 1942 au 5 mars 1943, date à laquelle je me suis fait prendre au Mans....vous lutterez vous aussi je l'espère , contre l'esclavage des capitalistes, contre l'exploitation de l'homme par l'homme. Je vous embrasse tous... "


À M et Mme Martin de Montaigu :

" Mes bons amis, que de fois depuis mon arrestation, mes pensées sont allées vers vous, vers ce petit Montaigu qui fut le plus beau stage de cette courte vie que fut la mienne 22 ans !plus qu'il n'en faut pour rendre compte de l'horreur de cette existence, faite d'égoïsme, de félonie et de bassesses. Mais qu'il est doux quand on se rappelle les longues heures passées dans la cuisine, trop petite quelquefois pour contenir tous les visiteurs, et c'est ici que j'ai acquis les premiers conseils pour se lancer dans la vie. Aujourd'hui, à la veille de mourir, je me remémore tous ces bons conseils que vous m'avez prodigués. Ils ne sont pas tous appliqués, car je ne serais peut-être pas là. Mais un peu volontaire, je m'étais assigné cette tâche qui consistait à lutter contre ces trusts qui exploitent la pauvre classe prolétarienne, c'est-à-dire, adhérer à ce grand parti communiste, seul capable de donner un gouvernement capable de défendre les intérêts des ouvriers, des petits patrons et paysans. L'on vous a fait voir, dans ces petits pays, le communisme comme la bête noire qui mange tout et détruit tout. Cela est faux : la preuve est que les armées du Reich qui sont les défenseurs des capitalistes, ne badinent pas lorsqu'elles peuvent nous attraper, et les condamnations sont sévères...je vous quitte à jamais pour que vive la France ".
 

information(s) pédagogique(s)

niveau : Lycée tous niveaux, tous niveaux

type pédagogique : préparation pédagogique

public visé : enseignant, élève

contexte d'usage : classe, travail autonome, espace documentaire

référence aux programmes :

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histoire-géographie-citoyenneté - Rectorat de l'Académie de Nantes