UNE CAPTIVE LIBRE

Fictions et jeux

Où suis-je ? Qui m'a emmenée ici ? Pourquoi moi ? Ces questions m'ont obsédée toute la journée sans que je trouve aucune réponse. Je me sens si seule... pourtant nous sommes dix. Arria, l'une d'elles, m'inquiète. Tous les jours elle regarde tristement autour d'elle en sanglotant. Ses yeux semblent vides d'expression à force d'avoir pleuré. Elle doit penser à ceux qu'elle aime. Moi aussi... je songe à eux. Jamais je n'aurais imaginé qu'ils me manqueraient tant, mes chers frères. Les disputes sans intérêt avec Publius, les jeux bruyants qu'inventait Quintus, mais surtout l'odeur familière du pain chaud qui s'échappait de la cuisine, tout a disparu. La pénombre réveille mes peurs. Un silence pesant règne mais au loin j'entends les gardes qui discutent , je ne distingue pas leurs paroles. Je respire le fumet du repas des soldats. J'ai si faim! Je donnerais n'importe quoi pour une galette de blé chaude. De toutes façons, je n'ai plus rien à offrir... J'ai déjà tout donné: le gardien m'a dérobé la chaîne argentée que m'avaient offerte mes parents ; c'est injuste de me priver d'un objet qui pouvait m'apporter un peu de réconfort! Je ne supporte plus cette situation!...

         Je soulève l'ouverture de la tente. De là, Rome paraît si proche! L'unique obstacle, c'est ce fleuve. "Ô Tibre, je te hais!" Mais peut-être qu'à la nage... Suis-je devenue folle?! Je suis certaine que cette idée n'a même pas traversé l'esprit des autres otages... D'ailleurs elles sont toutes endormies. Je vais aussi me reposer. Un rayon de lumière pénètre dans la tente, le jour se lève!

 

P.BLAIZE