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des heures mobiles comme alternative à l’immobilisme

mis à jour le 03/11/2010


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Les élèves de sixième en difficulté sont accompagnés par un enseignant qui observe leur comportement en classe. À partir du diagnostic posé, ceux-ci sont aidés et guidés afin de favoriser leur entrée au collège. Deux classes de troisième fonctionnent en parallèle afin de les remotiver. Tels sont les deux dispositifs mis en place dans cet établissement, en début et en fin de scolarité, afin de remédier aux redoublements.

mots clés : soutien, accompagnement, diagnostic, remédiation, heures mobiles, évaluation


Situé sur l'île de Nantes, le collège Aristide-Briand est caractérisé par un positionnement singulier. S'il se trouve à proximité du cœur urbain, il ne s'agit pas pour autant d'un collège de centre-ville. Accueillant des enfants mal voyants ou déficients visuels, cet établissement comporte aussi des classes à horaire aménagé musique dont les élèves suivent, deux après-midi par semaine, les cours du conservatoire de musique de région. Cette diversité se retrouve dans les dispositifs pédagogiques mis en place, l'un en sixième et l'autre en troisième, pour favoriser la réussite scolaire des élèves.

Heures mobiles

En 2004-2005, 10 % des élèves de sixième de ce collège nantais redoublaient. En 2007-2008, ce taux a drastiquement chuté à 2 %. Or, on sait pertinemment que les débuts en collège sont décisifs et déterminants pour la suite du cursus. Hormis l'aide au travail personnel, un système a été instauré à destination des élèves en grande difficulté, soit une trentaine d'élèves par an. Ceux-ci sont désignés en réunion collective entre la direction et les professeurs principaux de sixième après analyse des résultats obtenus aux tests et éléments fournis par les directeurs d'écoles. Une heure par semaine, chacun d'entre eux bénéficie de la présence en classe, à ses côtés, d'un enseignant du collège qui l'observe durant le cours. Afin de ne pas stigmatiser les élèves qui en bénéficient, ce dispositif d'aide est baptisé, de manière purement objective, "Heures mobiles". Cette appellation se réfère aux moyens dégagés. En effet, les dix professeurs concernés ont, dans leur emploi du temps, une demi-heure ou une heure dédiée à cette action. Chacun d'entre eux supervise en moyenne trois élèves durant une période de l'année plus ou moins longue. D'ailleurs, ces créneaux horaires, placés à des moments variables, ont aussi pour caractéristique et pour intérêt d'être "mobiles" au sens de fugaces. Illustré par la diversité des aidés, des aidants et des disciplines concernées, ce principe de mobilité constitue l'intérêt majeur et le fondement même de ce dispositif.

L'œil écoute

À raison d'une heure hebdomadaire, un enseignant devient donc le voisin de l'élève qu'il est chargé d'aider. En règle générale, il s'agit d'un élève qu'il n'a pas ; de surcroît, le cours en question ne correspond pas à la discipline que celui-ci enseigne. La distance objectivante se trouve donc redoublée dans cette action de proximité. Tant et si bien qu'il arrive parfois que l'intéressé demande à l'adulte assis à côté de lui qui il est, sans réaliser qu'il s'agit d'un(e) professeur(e) du collège ! "Vous êtes enseignant(e) ?" demande-t-il. Mais il peut aussi arriver que l'intervenant "Heures mobiles" ait lui-même l'élève dans l'une de ses classes (voir annexe). Celui-ci a pour tâche d'observer avec acuité le comportement de l'élève sur les plans de son attention, de sa compréhension, de son organisation et de sa confiance en soi. À cet effet, une grille à trois temps a été élaborée, comportant observations, action de remédiation pendant la séance et conclusion de la séance. Des fiches sont soigneusement rédigées, qui portent, de manière détaillée, un diagnostic sur l'élève. Elles sont transmises à son professeur principal qui l'a repéré comme souffrant de graves difficultés et pourra prolonger le travail amorcé. Les enseignants qui accueillent leurs collègues "Heures mobiles" dans leurs cours ont pu, au départ, être déstabilisés. Mais cette pratique est désormais entrée dans la culture de l'établissement. Comment la présence du professeur est-elle perçue par l'élève ? Est-elle déstabilisante ou rassurante ? En règle générale, ce voisin, qui fait intrusion dans une sphère "inhabituelle", est bien accueilli, sans gêne, avec enthousiasme, dans une relation d'encouragement, au point que certains élèves deviennent demandeurs et réclament "Quand est-ce qu'elle vient, la dame ?", en parlant de leur "tutrice".

Une pédagogie de proximité

Certains élèves cumulent divers handicaps tels que la dyslexie, la dysorthographie et la dyscalculie. Il s'agit donc de les aider à prendre confiance en eux et à avancer dans les apprentissages. Lorsque l'élève commence à se balancer sur sa chaise, à jouer avec son stylo, lorsque son regard devient rêveur, ce sont autant de décrochages d'attention. "Regarde bien le professeur !" lui murmure alors à l'oreille l'enseignant "Heures mobiles" assis à ses côtés. Mais les problèmes rencontrés par ces élèves sont aussi d'ordre matériel. Par exemple, la présence d'un accompagnateur permet de prendre conscience du fait que, lorsque le professeur demande à la classe de se reporter à un passage de la page 23 du manuel, l'élève observé ne sait pas le trouver parce qu'il ne parvient pas à se repérer dans le livre. Or, en temps normal, le professeur en charge de la classe ne se rend pas forcément compte de ce handicap. Plus qu'un simple observateur, l'enseignant qui côtoie l'élève l'aide à manipuler le manuel, les instruments utilisés en géométrie, à organiser son classeur selon les matières. Il exerce donc auprès de celui-ci une fonction d'assistant. L'accompagnement est de nature psychologique autant que méthodologique, dans la mesure où il vise une remise en confiance et éventuellement une réconciliation avec l'école. En se penchant de près sur l'attitude de l'apprenant, l'enseignant "Heures mobiles" a l'occasion d'examiner les processus cognitifs à l'œuvre.

La peur d'apprendre

La série de fiches rédigées à propos d'un élève constitue d'ailleurs une véritable monographie sur celui-ci, tel un parcours de vie scolaire. En voici un exemple réalisé de décembre à mars en cours de français, essentiellement lors de séances de réalisation ou de correction de devoirs. Tel élève de sixième éprouve des difficultés à comprendre les consignes, les questions posées sur un texte documentaire. Il a du mal à trouver l'antonyme d'un verbe, il faut lui réexpliquer la notion même. Il ne parvient pas à conjuguer des verbes au présent de l'indicatif, ni même à identifier ce temps verbal dans un texte. Pourtant, il lui arrive de réussir des exercices comparables, à la maison, mais quand il s'agit de rendre un devoir, il panique au point de se tromper sur son nom de famille à inscrire sur la copie. Il semble très soucieux de suivre les consignes de gestion du matériel : pochettes, rangement, couleur des feuilles, mais les larmes lui montent aux yeux quand il ne parvient pas à retrouver une fiche dans son classeur. Dans ce cas, l'enseignant Heures mobiles l'aide afin qu'il puisse suivre le cours sans être parasité par cette recherche. Une séance de correction d'une évaluation sur la lecture d'un texte documentaire révèle ses difficultés à comprendre les questions posées. Son attention est parfois aléatoire. Il faut qu'il en prenne conscience. Ses acquis sont trop précaires pour lui permettre une progression continue et rassurante. Il pioche quelques savoirs, mais rien ne le guide. La remédiation chez cet élève, par ailleurs très demandeur, doit passer non seulement par la révision des bases, mais aussi par la refondation de sa relation au travail et un changement de son attitude face à de nouvelles tâches. Il semble perdu dès qu'il s'agit de faire preuve d'autonomie et d'audace, voire paralysé, ce qui l'empêche d'être. On peut repérer la peur d'apprendre' 1 chez cet élève qui, manquant de confiance en ses capacités, ne peut pleinement entrer dans un processus d'apprentissage qui lui demanderait de s'abandonner à l'inconnu en a conclu la professeure Heures mobiles qui a observé cet élève.


Dispositif 3AB

Au niveau de la classe de troisième, un autre dispositif a été mis en place, afin de faciliter le déroulement de la dernière année de collège. Le principe qui a présidé à la mise en place de ce dispositif a été de susciter une déstabilisation des élèves afin qu'ils s'investissent mieux dans leur travail scolaire. D'une heure à l'autre, chacun d'entre eux se retrouve avec d'autres pairs, dans la mesure où le groupe auquel il appartient est à composition variable. Cette tactique de surprise a pour fonction de faire en sorte que les adolescents n'attendent plus que ça se passe, passivement, du début à la fin de l'année. Un effectif de cinquante-deux élèves, non inscrits dans les classes à option telles que la section européenne ou la classe à horaire aménagé musique, a donc fait l'expérience innovante d'avoir deux professeurs dans chaque discipline. Il s'agit d'une cohorte hétérogène, de niveaux variables, dont certains sont en échec scolaire. Deux emplois du temps parallèles ont été conçus avec un alignement d'heures de cours dans chaque matière, permettant de former deux groupes à géométrie variable en fonction des besoins.

À la finlandaise ?

En début d'année, chacun des élèves concernés a été accueilli par un entretien personnel d'une durée de dix minutes avec une professeure principale et un autre enseignant 2. Celui-ci a porté sur ses résultats, son rapport à l'école, son travail personnel et son projet d'orientation. Chacun a donc eu le sentiment d'être l'objet d'une attention particulière. Sachant quelles questions leur seraient posées, les élèves ont pris cet entretien très au sérieux. Ils ont été très lucides sur leurs résultats, les possibilités qui s'offraient à eux en début d'année pour la suite de leurs études, et le travail qu'ils devaient fournir, s'ils voulaient évoluer positivement. Pour faire bouger les élèves, les enseignants ont eu carte blanche pour moduler la composition des deux groupes selon des critères variables, tels que les compétences, le profil des élèves, les types d'activités ou d'éventuels problèmes relationnels. Ainsi, en EPS, les professeurs ont proposé un menu d'activités en laissant libre choix aux élèves parmi celles-ci, sans savoir quel enseignant ils auraient. En langues, les groupes évolutifs ont plutôt été constitués par compétences. En français, les professeurs ont réparti les élèves selon les activités, pratiques dramatiques ou ateliers d'écriture, par exemple. Les enseignants se sont donc approprié cette organisation. Les deux professeures principales ont bénéficié de deux heures hebdomadaires de coordination, élément déterminant du dispositif, employées à coordonner les actions de l'équipe pédagogique ainsi qu'à rencontrer des élèves, surtout en début d'année, pour les remettre en selle. Ce système, qui permet de mieux prendre en compte l'élève dans sa globalité, a pour effet d'objectiver la relation enseignant-élève. Par exemple, les évaluations, qui sont communes, sont réalisées à deux, ce qui les rend plus crédibles puisqu'elles brisent le rapport intersubjectif : d'une part, parce qu'il est amené à faire des choix d'activités, l'élève est engagé dans un processus d'autonomie, de responsabilisation et de maturation, d'autre part, la collaboration de deux enseignants dans chaque discipline permet de mieux appréhender l'évolution des apprentissages en tenant compte du rythme d'acquisition et en différenciant la pédagogie (voir annexe).

Une politique d'établissement

Force est de constater que le point commun à ces dispositifs réside dans l'attention générale accordée à des élèves en situation difficile afin de les aider à mieux réussir leur scolarité. Les deux dispositifs peuvent sembler antithétiques, puisqu'en sixième, on crée une relation subjective avec l'élève tandis qu'en troisième, on rompt l'interrelation subjective avec l'enseignant. Mais, qu'il s'agisse d'observer le comportement de l'élève ou de le placer face à la responsabilité de ses apprentissages, ces deux dispositifs ont pour conséquence de changer le statut de l'apprenant et le regard porté sur celui-ci, ce qui contribue à le remotiver. Peut-on parler d'alternative au redoublement ? Sans doute, la réponse pédagogique personnalisée qui est apportée peut-elle démontrer l'absence de pertinence du redoublement, considéré comme forme clandestine de sélection et mesure inefficace de rattrapage scolaire par Christian Baudelot et Roger Establet qui prônent des formes de soutien non ségrégatives. Cette thématique pourrait d'ailleurs être élargie si on l'envisage plus généralement comme alternative au recommencement à l'identique, au non-renouvellement, à la duplication du même, à l'enfermement dans la répétition. Au niveau de ce collège, cette volonté d'innovation est un état d'esprit. Ainsi, en ce moment, trois classes de sixième, cinquième et quatrième, sont en train de rédiger, dans le cadre d'un travail interdisciplinaire, trois cents lettres censées avoir été écrites par des passagers du Titanic. Celles-ci seront catapultées dans le public, lors du prochain spectacle de la compagnie de théâtre de rue Royal de luxe, au cours de multiples représentations. Il est vrai que si, à l'école, le redoublement est de moins en moins d'actualité, dans les arts vivants, à l'inverse, les répétitions sont indispensables pour progresser et se dépasser !

1. Boimare (Serge), L'enfant et la peur d'apprendre, éditions Dunod, 1999.
2. Vermersch (Pierre), L'entretien d'explicitation, ESF éditeur, 2006, cinquième édition.
 
auteur(s) :

J. Perru

contributeur(s) :

P. Chabot, A. Auvity-Grimaldi, C. Coulomnier, F. Del Agua, F. Desvignes, P. Le Guevel, M. Murzeau, M. Viau, Collège Aristide-Briand, Nantes [44]

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ressource(s) principale(s)

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