Contenu

innovation pédagogique

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > innovation pédagogique > échanger

enrichir sa pratique professionnelle grâce au sketchnoting

mis à jour le 30/11/2020


dossier_10.png

À l’école d’application Suzanne Busson (Le Mans), Manuella Chainot-Bataille, professeure maître formatrice (PEMF) en charge d’une classe de CP/CE1, pense en images et en mots-clés. Formée au sketchnoting, elle développe depuis quelques années cette technique de notes visuelles qu’elle a investie progressivement dans l’ensemble de ses champs professionnels : formation continue personnelle, formation des stagiaires, pédagogie en classe. De l’activité d’intérêt personnel au geste professionnel innovant : pourquoi et comment adapter et transférer cette pratique dans le domaine de l’éducation ?

mots clés : échanger, Sketchnoting, mémorisation, interactions, gestes professionnels, différenciation


"Recette pour apprendre les mots", "rituel de fin de journée" pour exemples : uniques, créatifs et dynamiques, les affichages de la salle de classe de Manuella Chainot-Bataille sont sketchnotés. Le choix des couleurs ou du noir et blanc, les typographies utilisées, l’organisation de l’espace du document : ces supports à l’esthétique soignée accrochent le regard. "Ce n’est pas de l’art, précise aussitôt l’enseignante, le sketchnoteur vise à transmettre des idées le plus clairement possible". Cette stratégie de prises de notes est peu courante à l’école. Le graphiste et illustrateur Mike Rohde1 explique qu’elle est fondée sur un alphabet visuel composé de formes et de zones. "Le terme sketch signifie croquis ou ébauche en anglais et noting le fait de prendre des notes de façon dynamique"2 en utilisant différentes typographies, en réfléchissant à l’espace de la page, en intégrant des images simples et des couleurs. "C’est une technique visuelle qui s’apprend et que l’on développe ensuite en pratiquant, poursuit la professeure, elle n’est absolument pas réservée aux personnes douées pour le dessin". Enseignante expérimentée, Manuella Chainot-Bataille a découvert cette technique lors d’un atelier d’initiation qu’elle a suivi dans un cadre associatif3 en 2016. C’est un outil individuel qui peut devenir un outil d’échange à condition de restituer très clairement le sens. Grâce à l’appropriation d’outils visuels, le sketchnoting vise à rendre compte d’une réflexion : il s’agit d’organiser et de synthétiser des idées en créant un support attractif.
 
 
Au départ, Manuella Chainot-Bataille a perfectionné sa pratique en prenant des notes visuelles lors de réunions et de stages professionnels. "Filtrer les informations reçues, les hiérarchiser, les organiser sur la page, cela favorise vraiment la concentration", remarque-t-elle. En personnalisant l’information reçue, le document témoigne aussi de la compréhension et de l’appropriation des notions, des savoirs, par son concepteur. Celui-ci sélectionne les idées, les met en relation, identifie des mots-clés, les associe éventuellement à des dessins. Cet acte de transformation amorce déjà une phase de mémorisation. Le sketchnoteur utilise des images, des pictogrammes, des couleurs qui fixent la mémoire et permettent de la réactiver ensuite plus efficacement. "Avant, je relisais rarement mes notes, confie l’enseignante, maintenant c’est devenu un plaisir".
 
Ce support peut changer perceptiblement certains instants de la vie professionnelle, comme, par exemple, les compte-rendus de réunions, de conférences à destination de ses collègues. Grâce à son accroche visuelle, le document présenté, partagé, explicité suscite les échanges, note Manuella Chainot-Bataille. Et puis on va facilement montrer à ses pairs voire leur photocopier un document sketchnoté, ce qui est rarement le cas d’une prise de notes classique. Le fait que les informations tiennent en une seule page (ce qui est un principe du sketchnoting) facilite la diffusion aux collègues C’est donc un outil de partage efficace dont l’enseignante décide alors d’élargir l’utilisation à d’autres temps d’échanges professionnels. C’est le cas des entretiens qui suivent la visite d’un professeur des écoles stagiaire dans sa classe. L’enseignante-formatrice sketchnote le compte-rendu de la séance au moment même de sa mise en œuvre. Le document rend compte des éléments clés de l’observation (déroulement de la séance, climat de classe, construction des apprentissages) qu’elle hiérarchise sur la page en fonction de la séance observée. Manuella Chainot-Bataille prend soin de laisser des espaces vierges qui seront remplis avec le stagiaire. L’outil, partagé aussitôt au moment de l’entretien et complété avec le professeur débutant, permet de développer les échanges et de fixer précisément, grâce notamment au choix des expressions et mots-clés, des points forts comme des objectifs à atteindre. À l’issue de la visite, ce document synthétique est complété par un compte-rendu formalisé et rédigé. L’enseignante-formatrice indique que les stagiaires disent réutiliser régulièrement le sketchnoting, stimulateur de mémoire vive, les deux supports étant complémentaires.
 
En classe, dans le cadre de la relation avec les familles, l’enseignante a pris l’habitude de sketchnoter les mots d’informations. Au moment de la distribution, l’accroche visuelle, ludique et humoristique capte l’attention de tous. Découvrir le document, le lire, constitue alors un vrai temps d’activité pour ces jeunes lecteurs, un moment d’écoute et d’échanges. Avant, les élèves collaient la feuille sans se sentir concernés, oubliant souvent les explications orales associées, et n’étaient pas tous, loin de là, capables d’en rendre compte à leurs parents. Aujourd’hui, ils se rappellent généralement quel est le sujet du document. Les jeunes lecteurs sont ainsi absolument inclus dans la boucle de communication. Les informations associées aux images sont aussi plus accessibles pour les parents non francophones. "Il est plus rare désormais que les mots ne soient pas signés", conclut l’enseignante sur ce sujet.
 

 
Manuella Chainot-Bataille a vu l’intérêt de faire évoluer certaines de ses pratiques pédagogiques pour stimuler l’envie de lire, de comprendre, d’apprendre. "Les premiers supports de sketchnoting que j’ai conçus ont été la schématisation de poèmes et de chansons pour les apprendre, pratique que je réalisais auparavant avec des illustrations sélectionnées dans des banques d'images." L’intérêt des élèves s’en est trouvé renouvelé : le support intégralement conçu pour eux renforce le sentiment d’appartenance au groupe-classe ainsi que la relation avec la professeure. Celle-ci observe le même constat concernant les cartes d’apprentissage4 qu’elle utilise lors d’entretiens individuels pour aider les élèves à se positionner, à observer leurs progrès et pour fixer des objectifs nouveaux. C’est un temps d’échanges et d’auto-évaluation. "J'utilisais déjà les cartes d'apprentissage lorsque j'avais des élèves de cours moyen (CM) et sans les illustrations, juste les textes. J'ai l'impression que le support visuel motive davantage les élèves et qu'ils sont plus impliqués encore, même si ce dispositif est déjà bien impliquant", indique-t-elle. Cette année, au deuxième trimestre, l’enseignante a souhaité vérifier cette hypothèse en réalisant avec les élèves deux cartes d’apprentissage individualisées. Ils ont ainsi participé à la création de leurs propres outils d’évaluation. "C’était vraiment un temps fort", souligne l’enseignante.

La réussite de ce dispositif tient en amont à la pratique régulière en classe de cette démarche innovante de co-construction de documents sketchnotés. Au fil de l’année, l’enseignante a pour objectif d’accorder une place de plus en plus importante à la part de création de documents de travail par les élèves. À l’origine de l’activité, il y a toujours des exemples entièrement réalisés par le professeur : textes à apprendre et/ou à jouer pour aider à la compréhension (pièce de théâtre, chansons, poèmes...). Pour travailler sur la suite d’un texte ou sur un texte nouveau, on peut proposer un document partiel à compléter par les élèves lors d’une séance suivante : associer des dessins aux mots importants, choisir des couleurs, des cadres et être capable d’expliquer ses choix pour montrer ce que l’on a compris du texte. "La multiplication d’associations d’idées grâce au choix de mots, d’images, de couleurs propres à l’élève facilite l’encodage, note l’enseignante. L'autre point fort, c’est que c’est une activité qui détend et l’impact sur le climat de classe est réel." L’activité libère le griffonnage, autorise le dessin, encourage la créativité en connexion avec la réflexion et la concentration.
 
Pour la deuxième année, l’enseignante a mis en place une activité régulière de création de fiches aide-mémoire portant sur des compétences méthodologiques (recette pour apprendre les mots, recette pour corriger ses textes...) et des notions fondamentales disciplinaires (l’addition posée, le verbe...). Les élèves travaillent toujours en groupes. Leur objectif est de traduire par la pensée visuelle ce qu’ils ont compris de la notion ciblée. Ils peuvent noter des mots-clés, des dessins, créer des zones ou encore numéroter. Ce panel d’outils met en confiance des élèves qui, en CP/CE1, entrent dans l’écrit à leur rythme. Certains vont associer un dessin à un mot-clé, d’autres écrire des exemples brefs, d’autres encore rédiger des phrases complètes. La différenciation pédagogique est ici pleinement mise en œuvre. Et puis, il faut avant tout échanger, réfléchir, mettre en commun. "Le support rend visibles les liens faits par le cerveau et parfois on est surpris de voir par quel aspect de la notion débutent les explications", précise l’enseignante. Le document en construction fait l’objet d’échanges avec la professeure : les élèves posent des questions ou expliquent les raisons de leurs choix. L’accompagnement de la professeure et l’éventuelle remédiation proposée sont adaptés à chaque groupe. Cette démarche de projet s’inscrit dans le domaine 2 du socle commun de connaissances et de compétences "Les méthodes et outils pour apprendre". Ici, l’appropriation du support favorise la mémorisation mais l’objectif poursuivi est aussi de développer l’autonomie : être capable de se servir de la fiche-outil quand on en a besoin, ultérieurement, dans l’année.

Le recours au sketchnoting reste ponctuel et ne consiste pas à révolutionner sa pédagogie. Manuella Chainot-Bataille a adapté et transféré cette technique dans certaines de ses pratiques pédagogiques avec des objectifs qui ne sont pas toujours les mêmes : accompagner la compréhension d’un texte, favoriser l’écoute et la concentration, développer les échanges verbaux, proposer des outils variés pour permettre à chacun de montrer ce qu’il a compris en évitant tout blocage face à l’expression écrite, s’approprier un outil pour mieux mémoriser. C’est un petit vent de fantaisie et de liberté qui est entré dans la classe pour une meilleure implication de tous.


1. Graphiste, illustrateur et auteur de livres sur la technique du sketchnote.
2. Citation extraite du livre Apprendre avec le sketchnoting, de A. Akoun, P. Boukobza, I. Pailleau (Eyrolles).
3. Association AgiLeMans.
4. Démarche pédagogique conçue par Élise Veux (PEMF). Pour en savoir plus, voir cet article dans la revue Les Cahiers pédagogiques.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

M. Chainot-Bataille, École élémentaire d'application Suzanne Busson, Le Mans [72]

ressource(s) principale(s)

echanger dossier 10 analyser ses pratiques pédagogiques 14/05/2012
L'objectif de l'analyse de ses pratiques professionnelles est de s'interroger sur une situation identifiée (souvent difficile, mais pas obligatoirement) pour mieux maîtriser sa vie profess ...
échanger, analyse, autoévaluation, échanges, critique

haut de page

innovation pédagogique - Rectorat de l'Académie de Nantes