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évaluer et faire émerger les compétences par la mise en place d'un portfolio

mis à jour le 03/12/2019


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En 2018-2019, Stéphanie Marchand, professeure de Lettres Modernes au lycée Maillard d’Ancenis a piloté une expérience de deux classes de "secondes avec évaluation non chiffrée" au sein de l’établissement. Elle a décidé la mise en place d’un projet de portfolio pour ces deux classes afin de permettre aux élèves d’appréhender davantage les enjeux de la matière, de mieux percevoir leurs compétences et leurs besoins, et de se placer dans une démarche d’évaluation co-construite de leur travail. Cette expérience d’une année a-t-elle permis aux élèves de donner plus de sens à leurs apprentissages et de davantage travailler par et pour eux-mêmes 

mots clés : échanger, portfolio, compétences, (auto/co)évaluation, autonomie


Stéphanie Marchand, particulièrement soucieuse du sens donné aux apprentissages et de leur appropriation par les élèves, a accepté de piloter le projet de deux secondes avec évaluation non chiffrée au sein du lycée. Dans cette dynamique et à partir du constat que "trop souvent les élèves faisaient les choses pour faire plaisir, faisaient pour la note, pour le contrôle", Stéphanie Marchand a ressenti le besoin de trouver une médiation pour remettre l’apprentissage au centre de son enseignement. Le fait d’être dans une classe sans notes, avec des évaluations par compétences, facilitait l’approche. Elle a ainsi accepté à la rentrée 2018 d’expérimenter le portfolio qui, d’après ses propres mots, "serait le document qui réunirait tous les écrits, les activités, les évaluations, qui mettent en avant leurs compétences (celles des élèves)". Pour aller un peu plus avant dans la définition, un portfolio est un dossier personnel dans lequel les acquis de la formation et de l’expérience sont présentés en vue d’une reconnaissance. Ce recueil sert à concentrer les meilleures réalisations de son propriétaire et à faire état de l’expertise de ce dernier. Souvent, le portfolio s’inscrit dans un temps long mais ici, sa pratique et sa mise en place se trouvent limitées et contraintes par la durée de l’année scolaire (dix mois), ce qui en fait un outil d’apprentissage plus qu’une fin en soi. La particularité de ce recueil réside dans le fait que l’élève va lui-même décider de son contenu en retenant ou non certains travaux, en conservant ce dont il est le plus fier, ce qui marque une étape dans ses apprentissages ou encore ce qui compte le plus pour lui. Tous les documents figurant dans le portfolio doivent être écrits et réalisés proprement (pas de brouillons dans le rendu final même si ces derniers font eux aussi souvent l’objet d’évaluations intermédiaires).
 
Concrètement, Stéphanie Marchand n’aborde pas la question du portfolio dès les premières heures de cours en seconde mais attend fin septembre qu’un certain nombre d’apprentissages et de travaux aient eu lieu. L’enseignante est vigilante à prévoir des activités suffisamment variées pour que chaque élève puisse vivre des situations de réussite à un moment ou un autre. Alors, les adolescents sont invités par un temps rétrospectif à se demander où ils en sont, ce qu’ils ont appris et accompli. La seule consigne que Stéphanie Marchand leur donne est la suivante : "Vous avez depuis le début de l’année montré que vous saviez faire certaines choses, que vous aviez compris certaines notions, vous devez les intégrer dans votre portfolio".  Les élèves peuvent alors commencer, mi-octobre et sous forme papier dans un premier temps, à constituer leur recueil avec les exercices, devoirs et travaux préalablement lus et annotés par l’enseignante, puis retravaillés par eux, qu’ils estiment intéressants à présenter. Il peut s’agir de productions terminées mais aussi de recherches en cours. Un document avec quelques préconisations pour réussir leur portfolio leur est remis à cette étape. Stéphanie Marchand va utiliser ensuite des heures de demi-groupe (quatre heures au total, soit deux heures par demi-groupe) pour faire un point et accompagner chaque élève lors d’un tête-à-tête où le portfolio est présenté et discuté. Cet échange de cinq minutes (les autres élèves travaillent alors en autonomie) a lieu à mi-trimestre puis en fin de trimestre. Dans un second temps, pour la fin du premier trimestre, les élèves vont devoir corriger, compléter et présenter sous forme numérique leur portfolio. Cette mise en forme numérique reste néanmoins facultative au premier trimestre, elle deviendra obligatoire ensuite, avec l’objectif de "permettre aux élèves d’envisager leur portfolio comme une finalité". L’amélioration du travail passe en effet souvent pour les élèves par une mise en forme numérique, celle-ci permettant par ailleurs de retoucher et retravailler aisément les textes jusqu’à la fin de l’année scolaire. Le fait que l’élève prenne conscience qu’il peut reprendre et améliorer ses travaux tout au long de l’année est fondamentale. En effet, cette idée est souvent un obstacle rencontré par les enseignants face à des élèves qui ne voient pas toujours l’intérêt -et n‘ont pas toujours l’opportunité- de revenir sur un travail après sa première évaluation. Enfin, au terme du premier trimestre, l’enseignante transmet aux élèves une grille d’auto-évaluation où elle a répertorié les compétences fondamentales de la classe de seconde en français. L’élève, au regard de ses productions, aidé aussi par les observations de ses camarades impliqués dans le travail d’évaluation, tente d’analyser et de formaliser sur les travaux qu’il a choisis d’intégrer au portfolio ses réussites, ses acquis, mais aussi ses marges de progression et ses axes de travail pour s’améliorer. Dernière étape, Stéphanie Marchand observe chaque portfolio ; elle valide et commente l’auto-évaluation des élèves, reportant ensuite dans son document d’évaluation les compétences acquises. Le portfolio est enfin rendu aux élèves et signé par les familles, devenant ainsi un outil de communication important avec les parents. L’opération va se répéter pour chaque trimestre, avec l’idée qu’à tout moment de l’année un élève peut reprendre un travail fait plus tôt dans l’année et pas suffisamment ou totalement maîtrisé et abouti. Des variantes peuvent aussi intervenir. Ainsi, l’an dernier, au second trimestre, le portfolio a été rendu en même temps qu’une réalisation personnelle autour de la poésie- choisir un poème d’Hugo, l’analyser et trouver un mode de présentation pour le rendre attractif — qui a été présentée à l’oral avec un coévaluateur élève. Les élèves ont été sensibilisés à la coévaluation en pratiquant régulièrement des activités de groupe et une grille d’évaluation devait les aider dans ce travail. Stéphanie Marchand a pu observer que cette pratique d’une évaluation de l’élève par ses pairs favorisait l’attention et la réception des remarques par ce dernier. Enfin, à partir du second trimestre, les élèves devront se situer dans la grille d’évaluation à l’aide de trois lettres : A (réussi-acquis), B (en cours d’acquisition) C (non encore maîtrisé).
 
Au moment de faire un premier bilan après un an de pratique, Stéphanie Marchand constate que le portfolio permet globalement de donner plus de sens aux apprentissages faits en cours d’année, de développer et favoriser l’évaluation formative. En effet, la notion d’évaluation change de valeur en devenant d’abord une incitation à la réflexion pour les élèves sur les phases d’apprentissage et sur leurs propres réussites ou difficultés comme le montre l’exemple joint d’un extrait d’un portfolio dans son état final. On construit l’objet portfolio essentiellement par soi-même et pour soi-même. Le droit à l’erreur est aussi reconnu puisque je peux avoir écrit quelque chose et que cet écrit tombe dans l’oubli si je ne l’ai pas réussi. L’élève peut également avoir raté un travail et profiter de la préparation du portfolio pour le corriger, l’améliorer. Plus généralement, ce recueil contribue à mettre davantage en valeur les réussites que les difficultés, ce qui ne peut que renforcer la mobilisation des élèves sur leurs apprentissages. Concernant l’autre enjeu de travailler par et pour eux-mêmes, celui-ci est travaillé par le fait d’être confronté au choix des travaux à mettre dans le portfolio, de revenir ou non sur certains devoirs ou textes tout au long de l’année ou encore par l’exigence de produire un document propre, bien présenté, personnel et évolutif.
 
Stéphanie Marchand émet elle-même certaines réserves et marges de progression sur sa pratique du portfolio : elle observe ainsi que « l’outil demande du temps pour s’installer et que lutter contre les habitudes n’est pas si aisé » avec certains élèves déstabilisés au départ. Plus gênant, on observe pour quelques élèves un non-investissement dans le projet parce qu’il ne fait pas davantage sens pour eux que d’autres outils. Néanmoins, à la fin de l’année cet obstacle est moins prégnant, la grande majorité des secondes ayant compris que les compétences devaient être évaluées pour aller en première et s’investissant davantage dans le projet. Finalement, malgré ces quelques limites et un recul encore faible, le travail avec le portfolio peut être l’occasion, au lycée mais aussi au collège (quatrième-troisième) moyennant quelques adaptations, de mettre en place de nouvelles méthodes de travail dans lesquelles l’élève est amené à être plus actif dans la construction, la réflexion et la valorisation de son travail scolaire et ceci dans un dialogue régulier avec son enseignante. Les quelques conseils et pistes que donnent Stéphanie Marchand à ceux qui souhaiteraient tenter l’expérience du portfolio montrent bien la souplesse et la richesse de ce projet.
 
auteur(s) :

S. Billon

contributeur(s) :

S. Marchand, Lycée polyvalent Joubert Émilien Maillard - Ancenis [44]

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