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la classe flexible, une nouvelle manière d'appréhender le corps dans une classe de CM2

mis à jour le 04/04/2019


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Olivier Robelin, professeur des écoles à Talmont-St-Hilaire, a initié dans sa classe de CM2 de vingt-cinq élèves un réaménagement de l'espace de travail appelé “classe flexible”. Le corps des élèves et le corps de l'enseignant prennent de nouvelles postures et se déplacent différemment. Comment les corps s'emparent-ils d'une nouvelle configuration spatiale ? Quelles sont les nouvelles pratiques qui en découlent et quels sont les premiers bénéfices observés ?

mots clés : échanger, classe flexible, école élémentaire, corps, engagement, motivation


La cloche sonne. Au lieu d'aller chercher certains élèves au fond de la cour, l'enseignant constate chaque jour le plaisir de ses élèves à venir en classe. La mise au travail est dynamique et rapide. À la manière des élèves d'école maternelle, bien qu'en CM2, ses élèves se rassemblent tout d'abord près du tableau dans l'espace regroupement sur un tapis, des coussins, des bancs ou des chaises. Selon leur humeur ou les besoins de leur corps, ils prennent place en toute liberté. L'objectif initial d'O. Robelin est atteint : “créer un espace où ils se sentent bien, dans lequel ils sont contents d'arriver”. En effet, cet enseignant avait depuis plusieurs années mûri l'idée d'essayer une configuration spatiale différente de la classique “classe autobus” dans laquelle l'élève est assis au même bureau aligné aux autres toute la journée. Il cherchait à dépasser les éternels problèmes de comportement et le manque de concentration de ses élèves. L'espace est donc aménagé en différents lieux se distinguant par leurs modalités de travail. Les élèves occupent un espace varié  dans lequel ils s'inscrivent au gré de leurs envies. Pour l'enseignant “une classe flexible c'est une classe dans laquelle l'enfant est au centre, pas l'élève”. Pour lui, il s'agit “d’impliquer l'enfant dans son processus d'apprentissage en lui proposant d'y entrer d'abord physiquement, au travers d'un choix à faire dans son positionnement, l'espace où il va s'installer, les personnes avec qui il va travailler ou pas s'il fait le choix d'être seul dans un espace plus restreint”.
 
Cette classe a donc pour caractéristique première de permettre au corps des élèves d'évoluer différemment des classes habituelles de CM2. Et c'est son corps d'enfant avant tout qui est pris en compte. La recherche est assez peu développée en direction de la place du corps à l'école. Cependant, des réflexions liées à l'espace-classe voient le jour aujourd'hui et de plus en plus de chercheurs concluent sur la nécessité d'une meilleure prise en compte des corps et du mouvement des élèves. Cette recherche nous indique qu'une meilleure ergonomie des espaces de travail est possible. Des concours d'architecture sont mêmes mis en place dans ce sens. Le bien-être de l'élève et son engagement dans les apprentissages sont les premiers objectifs visés par cette classe flexible. Dès l'entrée en classe, les corps sont en mouvement. Il n'y a plus de place attribuée. Le corps n'est pas contraint ni contenu dans une posture unique et statique. Comme le rappelle Anne Dizerbo dans son article “Être et avoir un corps à l'école, enjeux biographiques du contrôle du corps dans l'institution scolaire”, cette institution scolaire est “héritière des représentations du dualisme cartésien, elle s’approprie et discipline le corps, envisagé comme dissocié de l’esprit et contraint à se faire oublier”. Selon Thierry Bussy, conseiller pédagogique qui est venu filmer la classe d'O. Robelin, il y a un vrai “problème de l'introduction d'un code écrit au CP” qui passe par la suppression de la configuration de l'espace-classe tel qu'il existe en maternelle (lieu de regroupement, coin lecture, coin peinture, îlots...). Pour les élèves, cette liberté de se mouvoir se double ici d'une prise en compte de leur état émotionnel. Une élève nous indique : “c'est mieux, on peut se mettre avec qui on veut quand on veut”. À l'inverse des classes où la place est attribuée ainsi que les voisins, l'élève peut évacuer des problèmes relationnels passagers en s'installant où bon lui semble. S'il a envie de bouger, il peut réaliser les tâches indiquées sur un ballon de gymnastique ou bien s’asseoir à une chaise équipée d'élastiques entre ses pieds. S'il a envie de s'allonger, le tapis du coin regroupement est accepté comme espace de travail. Avoir la liberté de se mouvoir est un changement majeur pour les élèves. Il doit faire des choix plusieurs fois par jour et les assumer. Il développe également son autonomie quand il décide de travailler seul et il doit davantage collaborer quand il travaille en petite groupe. Des règles encadrent le dispositif comme, par exemple, ne pas s'installer deux fois à la même place dans la journée.
 
Du côté de l'enseignant, la classe flexible modifie aussi l'implication du corps. O. Robelin cherchait un mode de fonctionnement de classe qui lui permettrait “d'être plus proche” de ses élèves. Avec sa nouvelle organisation spatiale, cela est rendu possible. Les phases d'échange frontal avec ses élèves sont réduites. Il est le plus souvent assis au même niveau que ses élèves. Ces derniers travaillent seuls ou en petits groupes. Il peut donc échanger et les aider plus facilement que seul face à vingt-cinq élèves alignés. Selon l'enseignant, la classe flexible est le vecteur d'une plus grande bienveillance. Il perçoit mieux les émotions de ses élèves. Quand un élève s'isole alors qu'il a l'habitude de travailler avec un petit groupe d'élèves, il peut immédiatement s'interroger et adapter sa posture. Sa pratique a évolué en même temps que la mise en place de la classe flexible. Pour lui, celle-ci est le support d'une réflexion sur ses pratiques. C'est un moyen d'enseigner autrement, pas une fin en soi. Son enseignement contient de plus en plus de moments d'explicitations avec ses élèves. Il essaye de leur faire prendre conscience de ce qui a marché ou pas et surtout de se demander pourquoi. De plus, à l'inverse de certaines classes flexibles, O. Robelin a décidé de ne pas attribuer de matière à tel ou tel espace. Il expérimente une version où tous les élèves sont sur la même activité mais de manière différente. Les contraintes sont les plus légères possibles pour que les élèves aient vraiment l'impression d'avoir le choix et que leur esprit d'initiative soit conforté. En effet, il existe d'autres classes flexibles où il y a un espace lecture et un autre pour faire des mathématiques par exemple. L'enseignant peut circuler facilement dans la classe. Son corps n'est pas contraint par des alignements de tables. Il peut plus facilement passer d'un élève à l'autre, d'un groupe à l'autre. Plus l'enseignant est proche de l'élève, plus l'élève concentre son attention, plus l’élève est motivé. “La proximité a pour effet de capter l'attention de l'élève et de le motiver à réaliser la tâche” nous indique la chercheuse Marie Gaussel. Bien que ce changement spatiale soit récent pour O. Robelin, il en perçoit déjà certains bénéfices, en particulier dans le climat de classe et le bien-être de ses élèves. Il commence aussi à en tirer des enseignements utiles pour les collègues voulant se lancer et il réfléchit à la transition vers le collège de ses élèves.
 
Le corps des élèves et le corps de l'enseignant tissent donc de nouvelles interactions pour le bénéfice de tous. Mais des améliorations et des évolutions sont à envisager. Les élèves eux-mêmes sont forces de proposition, ils souhaitent que leur enseignant mettent en place des bureaux debout afin de répondre aux besoins de certains par exemple. O. Robelin de son côté souhaiterait qu'une kinésithérapeute vienne en classe afin d'observer et d'analyser plus finement les postures des élèves afin d'améliorer l'ergonomie des postes de travail. Enfin, il s'interroge sur la possibilité de flécher davantage certain lieux en fonction des tâches à y accomplir. Dans ce sens, il souhaiterait peut-être passer à une organisation avec encore moins de phase frontale grâce au plan de travail. Plus de différenciation lui semble possible dans cette nouvelle configuration spatiale. Au-delà de son effet sur les corps, la classe flexible a donc comme avantage de questionner les enseignants et de leur offrir un cadre susceptible d’accueillir de nouvelles pratiques.
 
auteur(s) :

A. Herrier

contributeur(s) :

O. Rolin, T. Bussy, École élémentaire du Payré - Talmont-saint-Hilaire [85]

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