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renouveler et enrichir sa pratique professionnelle en coenseignant

mis à jour le 03/12/2019


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Au lycée Le Prytanée (La Flèche), deux professeures coenseignent une heure hebdomadaire de mathématiques en terminale S. Elles initient une pédagogie d’équipe, levier pour favoriser les débats d’idées et l’explicitation des raisonnements mathématiques : leur principal objectif est de développer la pratique de l’oral des élèves. Au fil de la première année, les enseignantes ont fait évoluer le dispositif initial, l’adaptant continuellement au plus près des besoins des élèves. L’expérience a induit une réflexion pédagogique féconde. Comment la mise en œuvre d’un dispositif de coenseignement fait-il évoluer la pratique professionnelle ?

mots clés : échanger, lycée, coenseignement, différenciation


À l’origine, les enseignantes posent l’hypothèse que le passage par l’oral faciliterait l’apprentissage du raisonnement mathématique. Dans la perspective du grand oral (nouveau baccalauréat – session 2021), il devient d’ailleurs impératif d’amener les élèves à développer la compétence transversale prendre la parole. Or, cette prise de parole n’est pas aisée dans le cadre du cours ordinaire. Il faut donc mettre en place un dispositif dynamique, favorisant l’acquisition de cette compétence transversale. Le coenseignement en serait-il la clé ?

Au Prytanée, les classes bénéficiaient jusqu’alors d’une heure hebdomadaire en demi-groupe. Ces deux heures pour le professeur étaient mises en barrette avec une autre discipline. Les enseignantes proposent de transformer ces moyens. Ayant chacune la charge d’une classe de terminale scientifique, elles souhaitent privilégier une heure de coenseignement en classe entière dans leurs classes respectives. Les moyens ne changent pas (une heure élève / deux heures professeur) mais sont répartis différemment. En classe entière, les lycéens travailleront en îlots sur des fiches d’exercices pour s’auto-évaluer, préparer des devoirs, s’assurer de la compréhension des chapitres en cours. Le projet comprend donc deux éléments nouveaux pour enseigner autrement à savoir deux professeures pour accompagner des groupes d’élèves. Les lycéens n’ont pas l’habitude de travailler à plusieurs en classe. En s’échappant ainsi du cadre des autres séances hebdomadaires, les enseignantes constatent aussitôt que le dispositif libère la parole des élèves avec un nombre plus important de débats qu’en classe entière. L’objectif principal est atteint. Elles disent cependant avoir moins anticipé la réactivité didactique et pédagogique qu’allait nécessiter cette situation de travail nouvelle. "Rien n’est figé, on s’adapte sans cesse d’un cours à l’autre en fonction des demandes des élèves, de ce que l’on observe et aussi du profil des classes", expliquent-elles. Le dispositif fait autant évoluer la pratique des enseignantes que celle des élèves. Comme toute expérience nouvelle, il se nourrit de tentatives et de tâtonnements.
 
"Moi, j’aime bien ces séances car il y a ce bruit", déclare un lycéen. "Ce bruit", c’est celui d’une dynamique de travail de groupes qui le porte. "Il faut dire que les débats sont parfois animés, que le ton monte entre les élèves", souligne L. Hennard, l’une des enseignantes. Pour faire émerger ces débats, permettre à tous de s’impliquer, il a fallu être souple quant à la constitution des groupes initialement prévue par les professeures. "La question de l’îlot était aussi un faux débat", note V. Roméjon. Il suffit de laisser les groupes s’emparer de l’espace comme ils le souhaitent. Certains ont par exemple spontanément utilisé les deux tableaux à disposition dans la classe. Lors des premières séances, il fallait intervenir, faire de la médiation, puis les élèves ont gagné en autonomie et en qualité des échanges. Ils cherchent mieux, plus efficacement ; les professeures interviennent pour aider ou valider les exercices. Les situations d’apprentissage sont variées : entre pairs, entre pairs avec son professeur, entre pairs avec un autre professeur. Le dispositif permet ainsi de développer des relations de qualité entre élèves comme avec les professeures. Tous les lycéens sont investis.
 
D’une semaine à l’autre, les enseignantes mesurent les réussites et difficultés des élèves pour faire évoluer le contenu en proposant de nouvelles modalités de travail. Elles préparent par exemple plusieurs fiches d’activités ciblant des compétences différentes ; les groupes se reforment en fonction des besoins de chacun. Le dispositif apporte une souplesse notable pour différencier. "Pendant que le professeur donne une explication ou corrige, si on a bien compris, on peut tout de même poursuivre notre travail en s’appuyant sur l’autre professeur. Chacun peut aller à son rythme", témoigne un lycéen. La question de la clôture de la séance a aussi été un point de questionnement, d’échanges entre les professeures. Elles s’assurent que chaque équipe a terminé la tâche en cours (validation des résultats des exercices) et proposent un bref bilan de la séance aux équipes qui ont rencontré plus de difficultés. La trace écrite n’est pas nécessairement commune en fin de séance, et cela n’a pas été si simple de l’accepter du côté des professeures.

La démarche permet d’institutionnaliser la maîtrise de l’oral comme compétence transversale, en inversant la pratique ordinaire. En effet, les compétences chercher et communiquer sont généralement travaillées davantage à l’écrit. Les professeures insistent sur l’utilisation des connecteurs logiques et la rigueur de la terminologie utilisée : on travaille la maîtrise d’un langage commun et codifié. Au départ, c’est difficile pour les lycéens de sortir du confort de l’écrit. Mais, rapidement, ils mesurent l’efficacité de confronter des idées grâce à des échanges structurés. Des appels à l’aide émanent régulièrement des groupes : "Il me dit ça comme cela, mais je ne comprends pas… Il ne comprend pas quand je lui dis, venez lui expliquer… Cet apprentissage vicariant conduit les élèves à une exigence accrue au fil des séances. En fin d’année, ils expliquent et réexpliquent naturellement, disent leur raisonnement avec aisance, dans le respect des codes mathématiques.
 
À l’issue de cette première année d’expérience, V. Roméjon et L. Hennard estiment avoir atteint leurs objectifs : les élèves ont appris à leur rythme à chercher, à construire et à dire leur raisonnement mathématique ; tous se sont intégrés au dispositif qui a favorisé une différenciation pédagogique opportune. Un lycéen perspicace a formulé cette idée autrement : "Quand un professeur a la classe dédoublée, il peut être tenté de comparer les groupes et d’accélérer ou de ralentir le rythme du second groupe pour faire les mêmes choses. Ici, ce n’est pas le cas, puisqu’on est en classe entière".  Désormais, plus de doute pour le duo de professeures, la qualité de l’aide apportée aux élèves a été accrue en travaillant à deux en classe entière plutôt que seule en demi-groupe. Le coenseignement a permis d’emblée aux professeures d’être plus accessibles pour la mise en activité des élèves, ce qui constitue une réelle avancée dans la manière d’enseigner au lycée. À l’heure du bilan de fin d’année, elles se réjouissent ainsi de l’évolution de leur pratique en se remémorant leurs craintes initiales. Elles ont aussi de nouvelles idées pour faire évoluer le projet. Cette riche expérience révèle bel et bien le potentiel du coenseignement à développer les pratiques enseignantes en générant une dynamique de travail partagé.
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

L. Hennard, V. Roméjon, Lycée Le Prytanée national militaire , La Flèche [72]

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