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Il Basilisco di Michele GIUTTARI

compte-rendu de lecture de Frédéric Cherki

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Informations sur l'auteur

Michele Giuttari est né en 1950, en province de Messine.

Au sein de la police judiciaire, il a mené des enquêtes de tout premier plan.

Il a dirigé la brigade mobile de Cosenza en Calabre et travaillé à la tête de la Direction chargée des Enquêtes Antimafia, d'abord à Naples puis à Florence.

Sa participation active, en 1994, aux enquêtes sur les crimes mafieux perpétrés à Florence, Rome et Milan s'est avérée déterminante et a débouché sur l'identification. des auteurs de crimes et de leurs commanditaires, tous directement liés à "Cosa Nostra".

Depuis octobre 1995, il est le chef de la Brigade Mobile de Florence où son intervention a permis de réorienter les recherches autour de la terrible affaire du Monstre de Florence' sur la piste, non plus des auteurs condamnés, mais des commanditaires.

Il est l'auteur, en 1998, avec Carlo Lucarelli (auteur florentin de polars de tout premier plan traduits dans plusieurs langues dont le français), de Compagni di sangue'1, lequel ouvrage retrace avec précision le fait divers florentin qui, depuis 1974, a tenu toute l'Italie en haleine. Un livre sur les seize horribles meurtres à très forte connotation sexuelle qui eurent pour cadre les splendides collines aux alentours de Florence, oeuvre tragique de mystérieux serial killers, vite rebaptisés crimes du Monstre'.

Son premier thriller, Scarabeo' puise très clairement à la source trouble de tels épisodes souvent macabres qui ont jalonné la carrière du commissaire Giuttari, comme nous l'apprend la note de l'auteur en ouverture du roman : « une oeuvre de fiction inspirée de faits réels » tels que la restitution à une paroisse sicilienne d'un tableau volé de Velasquez, les allusions nombreuses à l'affaire du Monstre de Florence et au rôle de Giuttari lui-même dans les rebondissements récents de l'enquête, l'assaut d'une propriété calabraise au cours de laquelle le policier blessa mortellement un boss de la ndrangheta ...

Les points communs entre l'auteur et Michele Ferrara, le commissaire du roman, sont donc nombreux, même si dans la note citée plus haut, Giuttari, qui connaît son Flaubert par coeur, tient à préciser : « Michele Ferrara, ce n'est pas moi : il me ressemble inévitablement puisque c'est à ma profession que je m'inspire, mais lui il est ce Giuttari que j'aurais peut-être voulu être sans presque jamais y parvenir, ce meilleur de nous-mêmes que nous avons tous sous les yeux et auquel nous tendons tous maladroitement. »


Un regard critique sur la dernière sortie d'un gros matou à bout de souffle

Le troisième opus de Giuttari est l'occasion d'une nouvelle rencontre avec Michele Ferrara, personnage fétiche et double de l'écrivain, pour ceux qui, comme moi, ont eu la chance de découvrir Scarabeo... sans pour autant retrouver dans La loggia degli Innocenti le souffle ni l'intérêt d'un premier rendez-vous particulièrement réussi.

Malheureusement, il faut le déplorer d'entrée, l'impression se confirme dans Il Basilisco.


Comme dans la précédente enquête, le commissaire d'origine sicilienne, amateur de cigares toscans et d'opéra, poursuit son existence sans plus jamais nous surprendre vraiment hélas, entre les instants d'un bonheur conjugal toujours aussi convenu et mièvre, aux côtés de Petra sa jardinière d'épouse, volé aux activités professionnelles mouvementées du chef de la Brigade Mobile de Florence. Petite nouveauté toutefois, histoire de pimenter un brin le premier front : le second acte du mélodrame en deux temps d'une passion adultère impossible entre le commissaire et Anna Giulietti, Procureur de la République, associée à Ferrara lors de la précédente enquête pour faire tomber un gros bonnet de la mafia sicilienne. Dans le collimateur de la Pieuvre depuis lors, Madame la Substitut du Procureur n'aura hélas pas la chance de Ferrara visé lui aussi dès l'ouverture. Elle ne passera pas en effet le premier tiers du roman, tombant sous le feu d'un attentat réussi, dans la foulée d'une première tentative moins chanceuse pour les artificiers.


Après nous avoir entraînés d'abord dans le sillage macabre du Monstre sanguinaire de Florence , puis permis d'infiltrer dans son pas les milieux pédophiles ou les activités mafieuses liées au trafic de cocaïne, pour sa troisième sortie le commissaire Ferrara va donc, d'entrée de jeu, être la cible d'un attentat qui ouvrira les deux pistes autour desquelles s'articule une intrigue calquée sans surprise sur celle des deux précédents romans évoqués plus haut. Avec en arrière-plan, cette fois-ci, une nouvelle histoire de stupéfiants doublée d'un trafic d'armes international,

D'un côté, pour innover un peu quand même, la quasi fausse piste des talibans et autres acteurs de l'islamisme radical dans le collimateur des démocraties occidentales au lendemain de la chute des Twin Towers, piste suivie courageusement par une vieille connaissance : Farah, le courageux journaliste d'origine égyptienne pour qui s'ouvre alors l'enquête de trop.

De l'autre, le retour 2 des guerres intestines entre les clans mafieux symboles de deux générations plus concurrentes que jamais ; quand la mafia sicilienne de grand-parrain cède le pas à une mafia internationale sans foi ni loi prête à toutes les alliances, incarnée par les mystérieux Basilisco et Lione. Deux individus bien peu recommandables dont la quête de l'identité par les services de Ferrara, en dépit des sempiternelles pressions en haut lieu, nourrira pour bonne part une intrigue toute entière tendue vers la révélation finale. Un ultime coup de théâtre qui, au bout du compte, ne surprendra que peu de lecteurs rôdés à ce genre de prose marquée, comme il se doit, par l'omniprésence d'une mort plus contagieuse que jamais. Le parcours de Ferrara et de ses hommes est une nouvelle fois jonchée de cadavres aux formes les plus diverses et les moins ragoûtantes qui soient. Et dans ce domaine, Giuttari sait toujours trouver les mots pour nous faire comprendre que Cosa Nostra, qu'elle respecte ou non les traditions, ne manque pas d'imagination.


Dans une première partie des plus réussies, le récit s'ouvre donc - on l'aura compris - sur un rythme époustouflant dans la foulée de l'attentat qui, quelques semaines après le fameux 11 septembre, prend pour cible le commissaire Ferrara mais coûte la vie, au cœur de Florence, à l'agent Franchi, son chauffeur, piégé par l'indiscrétion d'un ami parieur.


Convalescent pendant le premier tiers du roman, et avantageusement remplacé aux affaires par le commissaire Rizzo son bras droit, le chat3prendra à son retour et jusqu'au lointain point final, des allures de gros matou empesé obsédé, chapitre après chapitre, par l'heure d'une retraite imminente. Longtemps, au fil d'un roman qui, plus que le précédent tourne trop souvent à la description minutieuse de procédures juridiques et autres subtilités judiciaro-administratives que Giuttari maîtrise à la perfection (mais on n'avait plus de doute sur la question) ou à l'évocation fastidieuse de luttes intestines et de controverses bureaucratiques visant à préserver les hautes sphères de la politique nationale, l'on se surprend à souhaiter, à l'instar de son épouse Petra, qu'il prenne enfin une bonne fois pour toutes, dans une maison au bord de la mer, une retraite tant annoncée. Hélas, dans l'épilogue, Giuttari laisse à son double la possibilité de revenir sur une décision oh combien entrevue, mais pas encore définitivement arrêtée.

Rien de bien nouveau donc sous le soleil de la Toscane à la Sicile.

De ce récit, comme du précédent, l'on retiendra d'abord la trame touffue d'un thriller toujours moins palpitant que Scarabeo même si, une fois encore, il faut admettre que certaines pages, notamment au début et en fin de parcours, sont quand même souvent haletantes.


L'ensemble n'a toutefois pas su retrouver la belle homogénéité qui permettait de tenir en haleine d'un bout à l'autre du roman, le lecteur de Scarabeo.

Si l'on ne s'ennuie jamais vraiment, l'on regrette souvent que Giuttari ne soit pas parvenu à se renouveler.



1 Compagnons de sang

2 Cf La loggia degli innocenti

3 Pour reprendre le surnom qu'a donné une journaliste à Ferrara dans le second volet.

 

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