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La bestia nel cuore di Cristina Comencini

compte-rendu de lecture de Frédéric Cherki

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Informations sur l'auteur

Cristina COMENCINI

Née à Rome en 1956, fille du grand Luigi Comencini, elle a longtemps collaboré avec son père en tant que scénariste.

En 1988, elle signe sa première mise en scène avec Zoo. Elle a ensuite réalisé plusieurs autres longs métrages parmi lesquels : I divertimenti della vita privata1, La fine è nota2 (d'après le roman de Geoffrey Holliday Hall), Matrimoni3, Va' dove ti porta il cuore4 (adaptation du roman de Susanna Tamaro), Liberate i pesci5, Il più bel giorno della mia vita6.

Trois ans après ce dernier film, Cristina Comencini s'apprête aujourd'hui à repasser derrière la caméra pour La bestia nel cuore, tiré du roman éponyme publié avec succès au printemps dernier.

Le tournage devrait débuter vers la mi janvier et se poursuivre jusqu'au mois d'avril, entre les Pouilles et les Etats-Unis.


En marge de sa carrière de cinéaste, Cristina Comencini cultive depuis plusieurs années un réel talent d'écrivain. Chez Feltrinelli, elle a publié Le pagine strappate7 (1991), Il cappotto del turco8 (1997), et Matrioka (2002) traduits avec succès dans plusieurs pays d'Europe.

Au coeur de ses romans elle ausculte les relations qui se tissent entre les gens (il s'agit toujours d'histoires « de groupe ») et qui, tantôt les brident, tantôt les aident à conquérir une liberté plus grande.

Ainsi, entraînés par le plaisir d'une écriture fluide et rythmée, la tentation est souvent grande de s'arrêter sur une remarque marginale, une réflexion faite à haute voix, notamment chaque fois que l'on a l'impression d'avoir déniché une petite pépite, quelque chose qui mérite d'être souligné ou pris en note pour nourrir une réflexion future.

Le 4 septembre dernier, Cristina Comencini a remporté le Prix Castiglioncello avec ce dernier roman, « pour avoir su construire une histoire qui dans la fragilité d'un rapport imparfait puise le miracle salvateur du monde authentique ».

Au cours de son enfance, Sabina, le personnage principal d'un roman à vous couper le souffle, y a été victime des assauts d'un père pédophile dont elle a effacé le souvenir. Au détour d'un rêve, elle renoue avec ce passé enfoui et ses amours du moment (y compris celui qu'elle voue au tétard' qu'elle porte en son sein) semblent subir une accélération terrifiante, comme ballottés entre vérité et ambiguïté.





L'histoire en bref


Sabina est une actrice dont l'activité se limite à des travaux de doublage dans un environnement pour le moins antipathique où, en clair, c'est le sexe qui procure ou garantit la continuité du travail.

Son compagnon, Franco est lui aussi acteur mais, acteur de talent ; pas du genre à se contenter de contrats purement alimentaires et de prestations télévisées. Son caractère tranché, direct, lui permet un jour, contre toute attente, de trouver un interlocuteur en la personne d'un réalisateur de séries télé conditionné cyniquement jusqu'alors par les règles du business.

La relation entre Sabina et Franco est vitale et prometteuse pour tous les deux. Néanmoins, lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte, Sabina préfère ne pas informer Franco de sa grossesse, et prendre le large. Elle s'en va passer Noël en Amérique où, depuis plusieurs années, vit son frère Daniele, professeur de littérature grecque dans une université de Virginie.

L'idée de devoir fonder une famille l'oblige à réfléchir sur celle dont elle est issue, sur la justesse d'une impression d'harmonie apparente que lui renvoie sa mémoire. Une mémoire aveugle, de toute évidence. Quand son frère lui fait comprendre que leur père, professeur d'allure sévère, a abusé de ses deux enfants, avec la complicité silencieuse de leur mère, Sabina doit bien se rendre à l'évidence. Pour elle, le traumatisme est grand.

Son aveuglement n'a d'égal que la cécité physique d'Emilia, l'amie de toujours, à qui elle est liée par une affection profonde à peine faussée par une attraction homosexuelle de plus en plus flagrante (de la part d'Emilia).

Sabina se retrouve bientôt au cœur d'un sac de nœuds' amoureux où il est chaque fois malaisé de faire la distinction entre sentiments et bestialité du désir, entre la force de l'attirance sexuelle et la violence à laquelle celle-ci semble tendre inévitablement.


En arrière-plan déambulent un metteur en scène en crise, ou encore Daniele, le frère mystérieux et tourmenté qui a fui l'Italie pour gagner l'Amérique, où Sabine devra s'en aller régler les comptes d'un passé réapparu brutalement en rêve, comme dans la tragédie grecque.


Face à l'imminence de la maternité, face à la tendresse toute sensuelle de Franco, face aux couples qui gravitent dans son entourage et dans ses souvenirs (des parents « parfaits », son frère Danielle et Anne l'épouse américaine image-type de la femme protectrice, Maria, l'amie déçue des hommes au point de se consoler bientôt auprès d'Emilia, l'amie d'enfance aveugle) Sabina éprouve la terrible ambiguïté de la vérité : l'amour peut donc mener à la violence ? Où commence et où s'arrête la normalité en amour ? Peut-on trahir en restant loyal ? Jusqu'où peut-on confesser l'existence de la bête que l'on a dans le cœur ? Peut-on encore être un père, une mère quand l'on a mesuré le poids de telles interrogations ?


Autant de questions que se pose Cristina Comencini, intriguée comme jamais au point d'accoucher de ce nouveau roman. La réponse, on s'en doute, n'est ni aisée ni à sens unique, puisqu'elle met en cause l'instinct en même temps qu'elle révèle l'insuffisance de la culture, d'une formation trop récente et trop fragile pour pouvoir constituer un rempart efficace contre la violence du premier. En bref, nous ne sommes que des singes en costume-cravate, et rien n'a vraiment changé depuis la tragédie grecque à laquelle le roman se rapporte sans cesse, au travers d'un jeu de subtiles citations.

Un regard critique

Si tous les personnages de ce roman sont fragiles et sujets aux caprices du cœur, les hommes, incapables de grandir et enclins au mal par immaturité plus que par méchanceté, le sont davantage encore que les femmes.

Les souffrances qu'engendre une telle fragilité sont parfois impossibles à pardonner, et pourtant la vie continue plus forte que tout. L'appel irrépressible et grandiose de la maternité contraste, d'une certaine manière, avec l'instinct de domination et de destruction des hommes, celui-là même qui peut conduire à prendre du plaisir en faisant souffrir les plus faibles, les sans défense.


A en croire Cristina Comencini, il est du ressort des enfants d'assumer les fautes de leurs aînés, de parcourir le douloureux chemin nécessaire au rachat des erreurs du passé. Des thèmes de réflexion dignes de la tragédie grecque sont ainsi repris par Comencini dans le contexte de la Rome d'aujourd'hui. Le récit, fidèle aux habitudes de la Comencini, suit un rythme haletant marqué par une accumulation de verbes au présent. La langue, celle des tics, des habitudes et des inflexions de tous les jours facilite la plus totale identification du lecteur aux personnages.

Avec une grande habileté, Cristina Comencini nous intéresse aux destinées de ses personnages et à aucun moment nous ne sommes tentés d'abandonner la lecture.


Une autre qualité de ce roman, et non des moindres, réside dans le fait qu'il est pétri de cette approche morale (et jamais moralisante) que nous avons souvent pu apprécier dans le cinéma de Cristina Comencini. Cette morale-là qui fait qu'à aucun moment l'auteur ne cède à la tentation de tomber dans le sensationnel, même si le sujet principal reste celui (facilement racoleur par les temps qui courent) des violences faites aux enfants au sein même de certaines familles.

Ici, l'intérêt de l'auteur se porte plutôt vers la recherche des peurs les plus obscures qui hantent les recoins de l'âme humaine.


Au passage, on appréciera l'invitation subtile à réfléchir sur les nombreuses voies d'expression de la solidarité « sentimentale », et à nous interroger sur les silences pesants qui, souvent, nous empêchent de demander de l'aide à ceux que nous aimons.


Basé sur un enchaînement haletant d'épisodes traumatisants, La bestia nel cuore est une oeuvre convaincante sur la norme et l'excès en amour, l'attraction et le désir.






1 Les plaisirs de la vie privée

2 On connaît la fin

3 Mariages

4 Va où ton cœur te porte

5 Libérez les poissons

6 Le plus beau jour de ma vie

7 Les pages arrachées

8

 

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